La littérature sous caféine


Jésus-Christ Superstar (Bach, Longin, Faure)



Hier, dans une petite église de banlieue, la Passion selon Saint Jean chantée par un chœur du 11ième arrondissement.

La musique de Bach nous saisissait tous, évidemment, mais il y avait le texte, aussi, que nous avions sous les yeux… Puissance incroyable de cette Passion, je veux dire, puissance littéraire, indépendamment de son caractère sacré… Densité de l’émotion, densité du sens…

O grand amour, amour démesuré qui t’a mené sur ce chemin de tourments ! Je vivais dans la joie et les plaisirs du monde, et toi, tu dois souffrir !

… et je ne connais d’ailleurs pas de poème, de texte philosophique ou de roman qui présente une telle évidence sublime…

Contemple, mon âme, avec un plaisir tourmenté, avec le cœur à demi étouffé d’un poids amer, ton bien le plus grand dans les souffrances de Jésus, contemple comme, des épines qui le piquent, fleurit la fleur qui ouvre le ciel. De son arbre aux fruits amers, tu peux cueillir bien de doux fruits, aussi ne te lasse pas de le contempler.

Evidence presque terrifiante ! Je me souviens de ma lecture de Longin, l’auteur ayant théorisé le Sublime dans son petit opuscule du 3ième siècle... Déjà l’auteur prenait pour exemple d’émotion esthétique accomplie ces quelques passages bibliques…

Mon sauveur bien aimé, laisse-toi questionner maintenant que tu es cloué en croix et que tu t’es toi-même écrié : tout est consommé ! Suis-je libéré de la mort ? Puis-je, par ton supplice et ta mort, hériter du royaume des cieux ? Est-ce la rédemption de la terre entière ? De douleur, tu ne peux rien dire, mais tu inclines la tête et tu déclares silencieusement : oui !

Dans l’église, il y avait devant moi une petite vieille arrivée à un tel état d’épuisement qu’elle paraissait sur le point de s’effondrer à chaque nouvelle envolée du chœur. J'avais peur qu’elle nous lâche… Mais ça doit être beau de mourir sur une Passion de Bach, et bien plus noble encore que dans les bras d’un être aimé : nous avons tous en mémoire ce Président Edgar Faure décédé d’un spasme au-dessus d’une femme de mœurs légères…

Maintenant j’aurai de la mort sublime une toute autre image : celle d’une vieille dame aux cheveux frisottés, basculant vers l’avant alors qu’elle succombe à l’émotion d’un contre-ut sur des paroles aussi saisissantes que :

O Christ, Fils de Dieu, fais, par ta souffrance amère, que constamment soumis à toi nous évitions tout vice. Que nous méditions avec fruit ta mort et sa cause, et que, faiblement, nous t’offrions nos sacrifices.

COMMENTAIRES

1. Le mardi 26 juin 2007 à 14:56, par tal

Texte et réflexion = très BEAU !

2. Le mercredi 27 juin 2007 à 13:30, par dragibus

a quand la conversion catho mister pat ?

3. Le jeudi 28 juin 2007 à 08:07, par mister pat

c'est parfois tentant de vivre comme un moine, non ?

4. Le jeudi 28 juin 2007 à 13:52, par lila

Pour le calme et l'odeur du buis dans les monastères, pour la quête spirituelle et le plaisir intellectuel (quelquefois), pour la croyance en la vie éternelle, pour une exitence sans imprévu, pour les travaux manuels quotidiens (enluminures, confirures, taillage des rosiers...) qui empêchent de penser et de se remettre e cause, pour le chant pendant les vêpres et la musique du grand orgue le jour de la nativité... Eventuellement, oui ...

5. Le jeudi 28 juin 2007 à 17:03, par mister pat

arrete, ca donne envie de se barrer là-bas !!
(pas sur d'etre d'accord cependant avec l'absence de remise en cause : quand on passe ses journées à cogiter, on doit constamment se remettre en cause, non ? d'ailleurs ca doit etre infernal, la présence perpétuelle à soi-meme...)
(plus j'y réfléchis plus je me dis que la vie monacale doit rendre fou, en fait...)


6. Le jeudi 28 juin 2007 à 21:03, par lila

Je ne suis pas d'accord ! Là-bas, tu subis une sorte de lavage de cerveau, tout est parfaitement réglé , tu te lèves super tôt pour les vêpres, tu es toujours avec les autres et meme si tu ne leur parles pas, tu les observes. Les litanies de la prière t'empêchent de te consacrer à tes pensées propres, tu es fatigué et quand tu as un minimum de temps pour toi, tu travailles de tes mains et ça, ça vide vraiment l'esprit. Il n'y a que pendant les heures de sommeil que l'inconscient doit se mettre à danser la gigue et là, c'est surement un vrai carnage... (dis donc, j'en parle comme j'avais eu cette vie là...).
Je pense aussi que ça doit rendre fou. En fait, moi, je ne supporterais pas d'être toujours en présence d'autres personnes, c'est ça qui me rendrait dingue. Je prefererais être une recluse, enfin je crois...

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