La littérature sous caféine


La sensualité grasse (Proust et Colette passent le bac)



J’écoute les candidats au bac me lire leurs commentaires (souvent brefs), et je me surprends à trouver certaines phrases des textes que j’ai sous les yeux particulièrement belles. Parfois je résiste difficilement à l’envie de poser aux élèves des questions du genre : « Trouvez-vous cette phrase réussie ? Vous émeut-elle ? D’où vient sa beauté ?... »

Je me retiens pourtant et je cherche en moi-même la réponse, par exemple avec cette expression de Marcel Proust, dans le fameux texte de la madeleine :

« Les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. »

Ou bien ce bout de phrase de Colette, extrait des Vrilles de la Vigne :

« Nous avons galopé, aboyé, happé la neige au vol, goûté sa suavité de sorbet vanillé et poussiéreux… »

Qu’est-ce qui peut expliquer, d’ailleurs, qu’une même exigence stylistique, chez deux auteurs, ait terriblement vieilli chez l’un, et merveilleusement passé l’épreuve du temps chez l’autre ?

Si je relis les phrases citées de Proust et de Colette, je trouve que le premier n’a pas pris une ride, et je trouve à la seconde un côté définitivement désuet (bien que je sois un grand admirateur de sa prose chargée). Pourquoi donc le « grassement sensuel » de Proust passe-t-il mieux que « la suavité de sorbet vanillé et poussiéreux » de Colette ? Peut-être Colette en fait-elle en fait un peu trop…

COMMENTAIRES

1. Le vendredi 22 juin 2007 à 15:19, par dragibus

le pb: qui lit encore proust ?
moi j'en connais qui lisent encore colette

2. Le samedi 23 juin 2007 à 17:22, par mathieu

le sorbet poussiéreux, en plus, on comprend l'idée, mais vous en avez déjà mangé vous du sorbet poussiéreux ? jusqu'où ne vont ils pas nos écrivains...

3. Le samedi 23 juin 2007 à 20:03, par strangedays

Ils ont bien sûr vieilli tous les deux et heureusement. Mais, à moins d'être sous anesthésie, il faut un certain recul pour s'en rendre compte. (Pardonnez-moi cette pique "Pat"). Ceci dit, en terme de relativité, Proust serait un archéopterix, Colette une variété de sitelle en voie de disparition. Alors que Céline, Bloy, plus près de nous Calaferte, les énervés, sont encore des aigles qui planent très au-dessus de nos têtes.

4. Le samedi 23 juin 2007 à 20:58, par mister pat

En fait je ne suis pas sur de comprendre la nature exacte de la pique : quand tu sous entends que je suis sous anesthesie, ou que je n'ai pas de recul, ça veut dire quoi exactement ?
En fait je confirme, je trouve que Proust n'a pas pris une ride, vraiment...
quant à bloy, j'ai précisément le souvenir d'une écriture, pour le coup, extremement datée... mais il faudrait que je m'y replonge...
sur celine on est à peu pres tous d'accord je crois, et Calaferte il faudrait que je le relise : je crois juste me souvenir qu'il y avait bcp de haine, bcp de dégout, et que l'écriture était tres travaillée, mais qu'elle ne m'avait pas non plus laissé un souvenir impérissable...

5. Le dimanche 24 juin 2007 à 22:59, par strangedays

Bloy c'est un peu comme un vieux monsieur qui se teint les cheveux et qui sort en boîte avec les "djeunz".
Proust c'est le même vieux monsieur, mais qui reste chez lui à faire des mots fléchés sur sa chaise à bascule. Il en finit pas de faire des mots fléchés. Des kilomètres de mots fléchés.
Je peux difficilement être plus clair.
Après pour l'anesthésie c'est une question de point de vue : le monde se divise grosso modo en trois parties : 1% fait le spectacle, 10 % assiste au spectacle, et le reste, ne sait pas qu'il y a un specacle...

6. Le lundi 25 juin 2007 à 13:28, par mister pat

assez bien vu ton portrait de proust en train d'ecrire des mots croisés...
meme si je ne saisis toujours pas toute la portée de ton ironie...
tu sous entends que proust est à coté du monde ? qu'il ne parle pas de nous ?
quant à l'histoire du spectacle j'aime bien ta manière de voir les choses, mais qui vises tu exactement ?

7. Le lundi 25 juin 2007 à 15:09, par strangedays

Tu (tutoyons nous, oui) auras compris, j'espère, que je ne te vise évidemment pas en particulier. Tu voues une admiration sans bornes pour Proust, tu le trouves moderne, caressé, dans son verbe, par une fraîcheur nubile. Moi je le trouve ridé mais bon. Libre à chacun dans le fond. Il n'y a pas, en terme d'avis, de pensée unique, univoque, uniforme. Tout est vrai ainsi que son contraire. Enfin disons tout "peut" être vrai ainsi que son contraire, comme nous l'enseigne à merveille "illusions perdues" de Balzac, dont je te recommande la (re) lecture plus qu'un peu. De la relativité de la critique. Je peux prouver que ton bouquin est nul. Puis, demain, je peux prouver qu'il est formidable. Picasso c'est nul ou c'est bien. Tout comme le dernier Lynch. Il ne peut rien n'y avoir d'exact, de véritablement objectif dans l'art de la critique. Tout est – et de plus en plus – politique et politisé. Les "avis", les "critiques", bien amenées, sont des armes tactiques. Des armes de combat.
Dans les 90% des gens qui ne savent pas qu'il y a un spectacle, il faut inclure, peut-être, ceux qui pensent, vaguement, qu'il y en a un, mais dont ils ignorent absolument tout du fonctionnement, des rouages et des arcanes.
Nous vivons dans un monde complexe. Effroyablement complexe.
Il faut juste tâcher d'ouvrir l'oeil et le bon, même si c'est difficile de ne pas être anesthésié.

8. Le lundi 25 juin 2007 à 20:02, par mister pat

Oui, on peut prouver tout et son contraire...
et pourtant, je persiste à croire qu'il y a des vérités plus ou moins vraies...
en termes de gout, je crois bcp au gout, justement...
cad le fait d'aguiser son gout, de l'afiner, de le travailler...
apres tout en musique on travaille bien son oreille
pourquoi ca ne serait pas possible en littérature ?
On ne peut pas PROUVER que telle oeuvre est belle, cependant on pourra dire: j'ai lu 100 livres et sur les 100 celle-ci a provoqué telle ou telle chose en moi que les autres n'auront pas provoqué...
je crois bpc à la comparaison, en art... je reve souvent d'un système de comparaisons généralisées... seul critère d'évaluation...

9. Le lundi 25 juin 2007 à 22:18, par strangedays

Qu'est ce que le Beau? Le Goût? A l'époque de l'Académie jusque vers 1850 c'étaient des Règles précises. Auxquelles il ne valait mieux pas déroger sous peine d'être immédiatement taxé de mauvais artiste. Il y avait le Sujet, le Rythme, l'Harmonie, l'Equilibre, etc... Puis la photographie est apparue, mettant un salutaire coup de pied dans tout ça (faisant ainsi naître l'Impressionnisme, entre autres). Le Beau, les Règles, vacillaient. Quelques années plus tard, Marcel Duchamp (pas Proust, ça risquait pas !), leur assène un coup fatal et définitif. Désormais le foncièrement laid PEUT être beau puisque ça ne dépend QUE DE L'OBSERVATEUR, qui complète l'oeuvre à son gré, et selon son propre vécu. (cf- art conceptuel)
Alors après, quand tu dis qu'il y a des" vérités plus ou moins vraies..."
Ce que l'on peut faire, à la rigueur, c'est aiguiser son goût PERSONNEL (qui n'engage que soi). Mais ce qui est difficile, actuellement, c'est de rester indépendant de ce que j'appelle le syndrome "Mac Luhan", à savoir "the medium IS the message". Notre perception est altérée par ce que l'on sait ou que l'on croit savoir de l'oeuvre considérée.
On ne voit que ce qu'on compte voir. Imagine un texte lambda dans une revue de quartier. Il suffit qu'il soit signé d'un auteur un peu connu pour que tu le perçoive différemment. Indépendamment de sa propre valeur. Puisque tu parles du goût, c'est encore plus flagrant avec une bouteille de vin : verse un vin à 5 Euros dans une bouteille munie d'une étiquette "Pomerol 1969" et fait déguster : tu seras surpris des réactions !
Tout ce qui se dégage de tout ça finalement c'est une sorte de confusion généralisée, où le goût "n'est plus ce qu'il était" comme disent nos anciens... et où la mesure du goût (dont tu dis rêver d'un système de comparaisons) n'est qu'une chimère.
A la tienne en tout cas! Santé!

10. Le mardi 26 juin 2007 à 13:18, par mister pat

parfaitement d'accord avec toi avec le coup du vin, plus dubitatif avec l'histoire de la revue...
je te suis lorsque tu parles d'un gout personnel qu'on se forge... Difficile effectivement de déclarer tel ou tel gout universel, mais on peut affiner le sien, et établir des hiérarchies...
Dans la discussion, en tout cas, a propos des gouts et des couleurs, on ne peut avoir de plaisir réel à discuter avec quelqu'un que lorsqu'on partage avec cette personne un meme niveau de culture (on a lu a peu pres les memes choses, et en quantités comparables...). Sinon on tombe tres vite dans l'argument d'autorité...

11. Le vendredi 19 octobre 2012 à 21:25, par Esther

Et pour donner encore un autre avis, selon les pages Proust a ou non vieilli. Mais dans l'ensemble, quand même pas trop à mon goût.

12. Le samedi 20 octobre 2012 à 23:52, par aymeric

Selon moi : pas du tout ! :)

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