La littérature sous caféine


Les Illisibles Chics (Joyce, Pynchon, Vollmann...)



Dernier cours à Sciences-Po. Pour finir en beauté j’ai chargé mon sac de quelques-uns des plus gros pavés de la littérature anglo-saxonne, comme l’Ulysse de Joyce que j’ai présenté comme le summum de l’illisible chic, et dont nous avons lu ce type de paragraphe, savamment obscur, délicieusement impénétrable :

« Inéluctacle modalité du visible : tout au moins cela, sinon plus, qui est pensé à travers mes yeux. Signatures de tout ce que je suis appelé à lire ici, frais et varech qu’apporte la vague, la marée qui monte, ce soulier rouilleux. Vert-pituite, bleu-argent, rouille : signes colorés. Limites du diaphane. Mais il ajoute : dans le corps. Donc il les connaissait corps avant de les connaître colorés. Comment ? En cognant sa caboche contre, parbleu. Doucement il était chauve et millionnaire, maestro di color che sanno. Limite du diaphane dans. Pourquoi dans ? Diaphane, adiaphane. Si on peut passer ses cinq doigts à travers, c’est une grille, sinon, une porte. Fermons les yeux pour voir. »

Une élève s’indignant : « A quoi sert d’écrire des livres qui ne seront pas lus ? », j’ai répondu qu’Ulysse n’était encore rien par rapport à Finnegans Wake, du même Joyce, et qu’il était même certainement plus apprécié que le pavé suivant de notre cours, le sublimement illisible Arc-en-ciel de la Gravité de Thomas Pynchon (dont j’avais d’ailleurs dévoré, pour le coup, le brillant V.). D'autres pavés circulaient dans les mains des étudiants, comme la magnifique Famille Royale de William Vollmann (et j’écris magnifique en pensant surtout à la couverture...).

J’ai conclu le cours en distribuant des copies, bien embarrassé de les avoir si peu annotées, n’ayant guère inscrit le plus souvent que « Très bon travail, 17/20 », déstabilisé par le niveau général des copies…

De même j’aurai eu globalement beaucoup plus de mal à retenir les prénoms des étudiants de Sciences-Po, car je n'aurai eu que très rarement besoin de les reprendre pour leurs bavardages...


COMMENTAIRES

1. Le jeudi 7 juin 2007 à 13:29, par Philippe

On parle beaucoup de Vollmann et de Pynchon ici :
table-rase.blogspot.com/

Et via les liens de mon blog, je te conseille de lire Claro qui est justement plongé dans la traduction du dernier Pynchon.

2. Le jeudi 7 juin 2007 à 13:46, par mister pat

Ah oui, ca m'intéresse !! j'ai entendu parler du dernier pynchon, et j'annonçais d'ailleurs ce matin à mes eleves qu'on en attendait la traduction... (sans que cela soulève chez eux le moindre enthousiasme...)

3. Le jeudi 7 juin 2007 à 14:22, par Franswa P.

Tu tiens quelques chose, AymericPatricot, avec ton concept "d'illisible chic". Franchement.
Je suis même à deux doigts de te demander d'approfondir...
... allez tiens, je ne me retiens pas.

4. Le jeudi 7 juin 2007 à 15:32, par mister pat

oh c'est assez simple... disons qu"il y a des illisibles plus ou moins tocs (je trouve par exemple safran Foer largement surestimé), des illisibles mastocs, des illisibles prétentieux, des illisibles ratés, etc... Les illisibles chics, c'est ceux qu'on peut mettre dans sa bibliothèque sans rougir, ceux dont on peut raisonnablement parler, ceux qui font intelligents sans etre (trop) prétentieux, etc...
Le fait que Sollers par exemple soit un fan absolu de Joyce... un bon indice que Joyce soit un illisible chic ?

5. Le jeudi 7 juin 2007 à 20:37, par aimée

excusez moi si ce comentaire n'est pas en lien direct avec votre article mais c'est dur de se dire que cette année est fini, elle s'est fini à 17h30 comme tous les autres jeudi sauf que celui était le dernier avec en fin de journée le conseil de classe qui heureusement a choisi de ne faire redoubler personne mais ce qui est plus dur encore est de réaliser que les profs que l'on appécie le plus sont ceux qui s'en vont, je parle de vous mais aussi d'autres encore, et tellement on met du temps pour le réaliser qu'on se dit au revoir comme si que le lundi suivant on se redira bonjour
on a pleins de choses à dire mais en même temps aucun mot n'est capable de venir et on part avec comme un regret, quelque chose qu'on aurait oublié , un légé pincement au coeur .

mais pour finir sur un note joyeuse (malheureusement beaucoup mois spontannée mais sincère comme toutes les autres )
je vous souhaite d'agréables vacances et plein d'inspiration pour votre nouveau et futur livre

bye bye mister pat

6. Le vendredi 8 juin 2007 à 12:55, par mister pat

Merci pour ce petit témoignage et j'étais moi aussi mélancolique ce jeudi en quittant le lycée, on s'attache à certaines classes et à certains élèves et tout s'achève d'un coup, comme si de rien n'était, de manière assez froide, comme si rien de bien important se terminait là...
En tout cas ca aura été un régal de travailler avec cette classe de 2AA, il faut quand meme le dire ! Biz à vous tous (et à certain(e)s en particulier !! ;-))

7. Le vendredi 8 juin 2007 à 16:48, par aimée

^^ ce que vous dites me rassure je pensais que j'étais la seule à le voir de cette manière, si des personnes de 2AA n'ont pas la possiblité de lire ce "message" je leur transmettrais, (sauf si vous y voyez un quelquonque problème), et il y en aura qui pourront vous parlez directement sur msn .
voila

bye bye monsieur Patricot .

8. Le dimanche 10 juin 2007 à 08:42, par Cuné

Moi j'aimerais bien que tu développes ton concept de "somptuosité" de cette couv, que je trouve dérangeante, personnellement.

9. Le dimanche 10 juin 2007 à 09:54, par mister pat

Tu ne la trouves pas somptueuse ? Cette femme obèse mais sereine, deux jonquilles à la main, le regard mystérieusement baissé... Je trouve qu'il y a bcp de bonheur dans ce dessin malgré la difformité physique...

10. Le mercredi 27 juin 2007 à 13:23, par dorham

Oui, il y a quelque chose de terriblement envoutant dans cette couverture.
La pose même.
Il semblerait que quelqu'un lui dise quelque chose comme : "voilà, on y est, ne bouge plus" et qu'elle se fige.
Il y a deux sortes d'attitudes dans l'immobilisme forcé.

Les attitudes dites de "tremblote". Vous restez sans bouger, mais votre coprs est parsemé de micro-mouvements imperceptibles. Tout votre corps est contracté, tous les muscles, ligaments ; l'esprit aussi qui ne cesse de demander : "est-ce que les tremblements se remarquent ? Comment les arrêter ? Ne suis-je pas ridicule ?".

Les attitudes dites "gracieuses", tout en légereté. Vaporeuses attitudes.

Cette femme semble sur un nuage.
Elle semble également consciente de son étrange beauté, je dirais, de son magnétisme.

Le livre est du même tonneau.
Plein de puanteur et de grâce.

11. Le mercredi 22 mai 2013 à 05:07, par ??? ??????

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