La littérature sous caféine


"Les vies enchantées - enquête sur le bonheur" sur le blog "Clara et les mots"

"Aymeric Patricot ne nous livre pas un (énième) livre de recettes, de philosophie, de modes de vie pour atteindre le bonheur. Car à la vaste question qu’est-ce que le bonheur, chacun a ses réponses. Et quoi de mieux que donner la parole à des anonymes aussi différents par leur style de vie et qui expliquent ce qu’est le bonheur pour eux. Mais avant l’auteur différencie six groupes : le bonheur par expansion, par dispersion, par opposition, par sublimation, par synthèse, par dilution.

De celle qui s’occupe de son jardin avec amour et s’y épanouit au dragueur insatiable amoureux de l’amour physique en passant par le poète, le réactionnaire à une jeune fille dont la foi la rend heureuse mais aussi celui dont les billets de banque procurent une satisfaction sans nom.... Vous l’aurez compris, tous ces personnages si différents en quelques pages nous expliquent leur bonheur.

On peut être surpris ou trouver des fragments qui résonnent ou qui nous touchent, mais ce livre nous ouvre les yeux sur les autres et sur nous-mêmes. Il y a ceux qui ont changé de vie, d’autres pour qui le chemin était tout tracé, d’autres qui se remettent en question mais tous autant qu’ils sont par leur sincérité et leur témoignage ne nous laissent pas indifférents. Et forcement on se pose des questions sur notre façon de concevoir le bonheur. Au fil des personnages rencontrés, Aymeric Patricot dépeint des portraits d’écrivains célèbres comme Montaigne, Aragon, Beauvoir, Céline, Proust et Colette et leur rapport au bonheur ( un régal!).

Certains de ces anonymes puisent leur bonheur dans la mise en avance de soi ou dans le vice ou le cynisme. Ces personnes existent comme celles pour qui le bonheur personnel passe par celui de l’autre (en tant que personne humaine) ou par la liberté. Pour ces anonymes, le bonheur prend différents aspects et est souvent au final non figé (car dans une vie beaucoup de choses peuvent changer).

C’est vivant, surprenant également et j’ai beaucoup aimé comment Aymeric Patricot de façon très subtile glisse quelques réflexions toujours très appropriées. Hyper intéressant, cet essai joyeux et gai nous amène à nous interroger sur nos bonheurs et c'est très réussi ! A lire et à relire.

L'humaniste
Quelque chose est toujours possible, d'autant plus si nous travaillons en groupe. Fort de cette foi dans l'œuvre commune des hommes, je cherche toujours à entrevoir chez autrui la part essentielle d'humanité, la part excellente avec laquelle échanger.

Le maniaque
L'effet est magique. Travaillant perpétuellement sur ma vie, je la connais : je la trouve sous mon stylo, sous mon clavier, dans mes fichiers… Elle a cessé de m'angoisser pour me fasciner tout à fait. Je la dissèque comme un bel animal ressuscitant chaque jour sous mon scalpel. Je ne ressens plus ni tristesse ni nostalgie. Les jours défilent et je m'en réjouis : je m'approche d'une vision plus globalisante - et donc presque parfaite- de ma propre vie.

Le poète
La réalité me pose problème. Je ne vous dirai rien sur l'histoire de ma famille car cela n'expliquerait pas le rapport très particulier que j'ai au monde, ou ça l'expliquerai mais sans restituer la nature exacte de ce que je ressens. Quoi qu'il en soit, à mes yeux, le quotidien ne va pas de soi.(...) Je n'en reviens toujours pas que l'homme puisse réduire son comportement, dans certaines circonstances qui ont tendance à se multiplier, à quelque chose d'aussi dépourvu de bienveillance. Nous jouons tellement de rôles ! Moi-même, je donne des cours pour acquérir un statut social. Je séduis beaucoup pour me prouver des choses à moi-même et montrer à tous comment je comprends les règles qui nous régissent et comme je peux réussir à les transcender – croyez-moi, je suis très lucide à cet égard. Mais ce qui m'a toujours peiné, c'est que la plupart des gens n'arrivent pas à marquer de distance par rapport à ces masques. Ils les prennent très au sérieux. Jamais d'ironie de leur part, jamais d'élan vers un autre domaine que la plus reproduction des codes, cette espèce de machine.(...) Alors la poésie c'est la grande échappatoire. Non pour fuir la réalité mais pour la trouver. Ce sont des élans travaillés pour produire le même effet sur le lecteur, c'est-à-dire la sensibilisation d'entrer en communication avec les courants essentiel de nos vies, la vie pleinement comprise et pleinement vécue.

Le cynique
Chaque jour, je m'abandonne. Je me laisse aller à vivre et j'accepte le grand affaissement vers la mort. Que voulez-vous, je n'arrive pas à mentir. Je souffrirais de trop jouer le jeu. On me dit cynique, je me considère comme réaliste. Personne ne me croit lorsque je me déclare heureux; je suis profondément heureux, pourtant. (....) Ma pensée caustique est une cure de jouvence.

La paysagiste
Je n'ai jamais été déçue. Je pensais me divertir, les jardins sont entrés dans ma vie. Leur fanfare m' a fait oublier certaines déconvenues. Mieux, elle a pris la place d'autres passions.(...)Encore une fois, je ne m'oublie pas dans ce jardin : je grandis mon corps à ses dimensions et je les laisse entrer en moi. C'est un bonheur instinctif, comme privé de parole."

Clara et les mots

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