Un type vaseux (Alcoolisé ? Sous shit ?), trentaine un peu lourde, t-shirt informe et jean sale, s’approche d’un homme qui joue les automates, dans une rue piétonne près des Halles : ce dernier porte un costume cartonné, un masque et un chapeau, l’ensemble entièrement doré. Quand on glisse une pièce dans le tronc placé devant lui, il s’agite et tend la main vers le généreux donateur avec force sifflements et bruits festifs.

Le type vaseux titube dans sa direction, glisse un petit bout de papier dans le tronc et attend que l’automate s’anime. Mais ce dernier refuse, sans doute parce qu’il estime qu’un bout de papier ne vaut pas une pièce. Alors le type s’agace, se met en colère : « Vas-y, bouge ! » L’autre lui demande de circuler, le type bombe le torse, prononce quelques phrases agressives.

Alors l’automate, petit homme trapu, descend de son piédestal, soupire, retire son masque et son chapeau. Il fait deux têtes de moins que l’agresseur, paraît à la fois fébrile et contrarié, et demande au type de partir. On voit bien qu’il a peur de recevoir un coup de poing. Quelques passants s’arrêtent, observant le spectacle, mais personne ne s’interpose – moi-même je suis médusé par la scène, prêt cependant à intervenir si les coups fusent.

Le type vaseux finit par s’éloigner, non sans proférer des insultes : « Bande de bâtards, fils de pute ! Je vais tous vous saigner, bande de chiens ! » L’automate est nerveux, n’a plus le cœur à remettre son masque d’or. Il range ses affaires dans le piédestal de faux marbre qui se révèle être un savant coffre avec maintes affaires. Je pensais que l’altercation lui vaudrait des témoignages de soutien, quelques menue monnaie supplémentaire, mais tout le monde a déjà repris son chemin. Je dépose une petite pièce.