La liste des auteurs américains que j’admire est longue (Roth, Ellroy, DeLillo, Fante…). Mais celle de ceux qui me déçoivent s’allonge, elle aussi. Je pense qu’on pardonne finalement beaucoup à la production littéraire d’outre-Atlantique. On se laisse surtout impressionner par une sorte d’argument d’autorité propre au domaine romanesque, celui voulant nous faire croire par exemple qu’un gros volume estampillé roman de société vaudrait tous les chefs-d’œuvre.

J’ai récemment été déçu, par exemple, par deux romanciers dont j’attendais beaucoup.

Russel Banks, dont le terrible Affliction m’avait marqué (le livre, puis l’excellent film qui en avait été tiré). Je l’avais trouvé long, certes, mais cette longueur était compensée par l’atmosphère pesante, la densité émotionnelle et la beauté du thème (un père de famille en perdition, dans un décor de rude hiver dans le Nord des Etats-Unis).

Puis j’avais lu American Darling, annoncé comme un brillant volume mêlant aventures africaines, critique sociale, écologie… Le roman commençait de manière efficace, puis se perdait dans une intrigue complètement effilochée, sans réel fil conducteur. Qu’est-ce que l’auteur avait voulu dire ? Que cherchait-il exactement à prouver sinon qu’il était capable d’écrire cinq cents pages à propos d’un thème (très vague) susceptible d’intéresser Hollywood ?

Russel Banks a fini par vendre effectivement son livre aux scénaristes, mais il me semble être devenu une sorte de mondain international, défendant la cause des écrivains sans plus se soucier lui-même d’écrire de très bon livres. Je m’en moque, après tout, qu’il préside je ne sais quelle fondation. Je me moque aussi du fait qu’il écrive au kilomètre une prose honorable mais finalement déliée, trop déliée.

(Son dernier roman en date, Souvenir lointain de la peau, racontant l’histoire d’un jeune homme à la sexualité troublée, me tente beaucoup, malgré tout).

Autre auteur manifestement surestimé : Richard Ford, dont j’avais lu Independance sans comprendre le succès de ce roman interminable, à l’argument très maigre (un agent immobilier, dont nous allons suivre la carrière heure par heure, cherche à se réconcilier avec son fils). Sans doute l’épaisseur du roman a-t-elle joué pour sa gloire, ainsi que son titre annonçant une radiographie de l’Amérique – mais quel roman ne propose-t-il pas, aujourd’hui, de radiographier l’Amérique ?

Je commence à avoir des doutes, également, sur Thomas Pynchon, que j’ai longtemps tenu pour un génie avant de reconnaître que je ne comprenais rien, au fond, à ses romans. Et je ne suis pas sûr d’avoir éprouvé beaucoup de plaisir en les lisant… Faudrait-il que je lise un troisième de ses invraisemblables sommes romanesques ? Sans doute, sans doute…