Un article de Benoît Duteurtre dans le Marianne du 11 juin :

« D’un côté, le désir d’enseigner ; de l’autre, la tension et la violence du terrain. D’un côté, une foi de principe dans « l’école républicaine » ; de l’autre, une question de survie face aux permanentes provocations. L’écrivain Aymeric Patricot nous livre son expérience d’enseignant dans les quartiers « sensibles », en banlieue parisienne. Son texte parfois cruel mais plein d’humanité, s’apparente à une découverte de la réalité, au-delà des illusions lyriques et des fumées idéologiques. Dans cet environnement pas forcément solidaire, celui qui craque devant les élèves devient facilement un mouton noir. De son parcours désabusé, il veut tirer une analyse critique, une réflexion constructive et quelques enseignements… pour lui-même ! »

Un autre de Jean-Claude Raspiengas dans le numéro de La Croix du 14 mai :

« Aux avant-postes d’un sombre avenir

C’est un cri. Un de plus. Sera-t-il aussi peu entendu que tous ceux qui l’ont précédé en librairie ? Ou reçu un peu à la manière dont un certain PDG qualifia d’effet de mode la vague de suicides qui sévissait dans son entreprise ? Aymeric Patricot a 36 ans. Il est agrégé de lettres (et romancier). Pendant six ans, il a navigué comme remplaçant dans les collèges et lycées de Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis, avant d’obtenir un poste fixe à la Courneuve. Débarquant en terrain inconnu, il a découvert le réel ou plutôt comme il dit « une partie conséquente d’une réalité française que je m’étais appliqué à ne pas voir » : la pauvreté, l’immigration, les « quartiers sensibles ». Confronté à des insultes mais aussi à une violence physique pure et dure : il a même vu, dit-il, des adolescents lancer des boules de pétanque sur les professeurs.

Dans Autoportrait du professeur en territoire difficile, il relate, décrit, analyse la violence de son expérience, à laquelle rien ne le préparait. Ni sa propre éducation, ni l’apprentissage de son métier puisque les formateurs s’évertuaient à ne pas inquiéter les nouveaux diplômés, à taire ce qu’ils avaient eux-mêmes enduré. « Ce serait un signe d’échec que d’admettre avoir connu le désespoir », avance l’auteur. Autre découverte : l’éducation nationale ne défend pas les profs en difficulté. Aucun soutien de la part de la hiérarchie qui, en général, préfère les tenir pour responsables de ce qui leur arrive. On minimise l’incident (comme s’il était isolé et sans signification) et on met en doute les compétences de l’enseignant agressé. A cela, il convient d’ajouter la terrible dégradation des conditions de travail depuis vingt ans. Et l’on se retrouve avec un taux de suicide effarant chez les professeurs, victimes d’humiliations répétées.

Face à la profondeur des problèmes, Aymeric Patricot met en cause l’indigence des réponses, la volonté d’aveuglement et l’inertie générale. Misère culturelle de l’enseignement : élèves abandonnés, profs relégués dans un quotidien misérable. Au lieu de débattre de « l’identité nationale », il vaudrait mieux se concentrer, plaide-t-il, sur l’idée de cohésion. Aymeric Patricot alerte, appelle à l’aide (dans le désert ?) : ce qui se passe « entre les murs » détermine notre avenir. Inévitablement
. »