La littérature sous caféine


Chronique d'Audrey Pulvar sur France Inter



Belle chronique d'Audrey Pulvar ce matin sur France Inter à propos de "Autoportrait du professeur en territoire difficile" (podcast sur la page de France Inter).

En fin de billet, j'apporte quelques précisions pour dissiper les malentendus auxquels pourrait donner lieu la lecture de l'article...

"Une fois de plus Aymeric Patricot nous parle de ce qu’il connaît bien : les collèges de ZEP, où il a travaillé pendant trois ans.

Mais cette fois, pas sous une forme romanesque. C’est bien d’un témoignage qu’il s’agit et j’avoue que le ton utilisé peut parfois mettre mal à l’aise. A moins, à moins qu’on n’accepte de lire ce livre à plusieurs degrés. Par exemple, on pourrait sourire devant la façon dont il évoque ces « jeunes femmes d’une vingtaine d’années… persévérantes, travailleuses, animées d’une foi véritable en l’enseignement, prête à se sacrifier pour les élèves » et semble-t-il lâchées parmi des fauves tendus vers un seul but, les lacérer -on s’attend presque à ce qu’il emploie l’expression « sexe faible ».

On pourrait aussi s’étonner que cet enseignant semble regretter l’interdiction faite au personnel scolaire de riposter physiquement aux agressions physiques perpétrées par des collégiens. Des profs qui se feraient justice eux-mêmes, en quelque sorte !

Il est vrai qu’à lire Aymeric Patricot, ils ne peuvent pas vraiment compter sur leur administration pour cela, même dans les cas très graves. On pourrait aussi tiquer sur ce qui semble être une justification des discriminations pratiquées à l’égard d’étrangers ou de Français de parents étrangers, lors d’un parallèle bizarre avec la propre expérience d’Aymeric Patricot au Japon, mais l’essentiel est ailleurs.

Dans la dénonciation intransigeante de la violence scolaire, quotidienne, répandue, presque érigée en dogme, au sein de ces établissements dits difficiles. Pas de transaction donc, avec l’inacceptable, au motif qu’il serait le fait d’élèves en grandes difficultés personnelles ou mis, injustement, au banc de la société. Patricot ne trouve pas d’excuse non plus, à une administration dont il pointe les lâchetés tout en reconnaissant qu’il est souvent bien difficile de compenser le manque de moyens et de personnel.

A quoi rime le métier d’enseignant, quand on n’obtient parfois pas une seule minute d’attention de sa classe sur toute une heure de cours ? Quand on ressort lessivé d’une journée passée à hurler, en vain, pour se faire obéir et que l’on chemine la peur au ventre jusqu’à son train ? Et quand surtout, on n’ose s’en plaindre ou partager ses angoisses, parce qu’un bon prof doit savoir en toutes circonstances « tenir sa classe » et se faire respecter ?

De victime, c’est donc le prof qui devient l’accusé, s’il ne parvient à discipliner trente adolescents rétifs à toute idée d’autorité. Et pendant ce temps, c’est bien l’école à deux vitesses qui s’installe. Celle des quartiers bourgeois et celle des quartiers pauvres, « relégués », c’est le mot à la mode.

Aymeric Patricot en veut aux politiques. Il accuse la droite de ne pas traiter la question, par manque d’intérêt pour des populations qu’elle accepte à peine et estime perdues. Il reproche à la gauche son « optimisme » devant une réalité, « moins docile qu’elle ne l’aurait souhaité ».

Patricot rêve, comme beaucoup, d’une société où les mots « égalité des chances » sonneraient moins creux, où il n’aurait pas une impression de les tromper, quand il essaie de convaincre ses élèves que non, l’origine ethnique ou sociale ne sont pas un frein à leurs ambitions.

Une France où, si le concept d’Identité nationale ne veut plus dire grand-chose, au moins pourrait-on essayer celui de « cohésion nationale » avec Baudelaire, Molière, Voltaire ou Corneille pour ciment ? Il a essayé, ça marche !

Allez, malgré la peur, l’épuisement, le désarroi, enseigner, nous dit-il, reste un métier exaltant. A La Courneuve, où il exerce aujourd’hui, il sait être en immersion dans ce qu’il nomme « la matière même de la France », le cœur d’une Nation qui se prépare. Il y a pire, comme horizon !"


A propos de cette chronique, quelques précisions :

- Certes, j'ironise sur le contraste entre le dévouement de certains jeunes professeurs et la dureté des conditions de travail. Mais loin de moi l'idée d'un "sexe faible" mal armé pour un tel contexte ! Je suis au contraire très admiratif de la persévérance et de la force morale de la plupart de mes collègues - et je le dis dans le livre.

- Loin de moi aussi l'idée de justifier le principe de la discrimination (même d'un point de vue "philosophique", comme a pu le faire Eric Zemmour). J'évoque simplement dans le livre une série de petits événements vécus sur le thème du racisme, et quelques pointes de mépris dont j'ai pu être victime au Japon. J'explique comprendre, au fond, certains mouvements de xénophobie japonaise, mais je n'en tire bien sûr aucune conclusion sur la nécessité de la discrimination. J'explique ne pas avoir été blessé par ces marques de mépris, tout en comprenant parfaitement qu'on puisse l'être, dans d'autres contextes.

- Quant à l'autodéfense, il va de soi qu'elle est à proscrire... Je me contente de décrire la détresse qui peut être celle de professeurs dont personne ne garantit la sécurité.

Ces quelques précisions faites, merci à Audrey Pulvar pour sa chronique, qui fait un relevé judicieux des quelques thèmes abordés par le livre.

COMMENTAIRES

1. Le jeudi 28 avril 2011 à 23:27, par jacqueline

madame pulvar est une jolie dame de caractère, qui plus est dotée d'une jolie plume, et qui plus est d'une forte sensibilité à la question de la défense des minorités: sexuelles, ethniques, notamment. Rappelez-vous ses sorties féministes. D'où son extrême attention à tout ce qui pourrait heurter sa sensibilité en la matière, ce qui explique sa tendance à faire des procès d'intention

2. Le samedi 30 avril 2011 à 15:29, par Sejan

1) C'est la chronique d'Audrey Pulvar qui m'a fait découvrir Aymeric Patricot et par ricochet ce blog, qui me retient.
2) Audrey Pulvar m'agace en systématique chevalier blanc mais je m'intéresse à son 6-7 sur Inter.
3) La valorisation auto-promotionnelle d'une chronique pro-A.Patricot par A.Patricot himself me dérange un peu.
4) Je viens d'acheter le livre. Je ne manquerai pas de pasSer le commenter, d'expérience (... de TZR en zone sensible et ZEP), après lecture.

3. Le dimanche 1 mai 2011 à 21:10, par aymeric

Beaucoup de choses ont l'air de vous agacer ! :) C'est bien, vous êtes combatif !
C'est vrai que l'autopromo peut sembler ridicule... C'est en partie l'objet de ce blog, il faut bien l'avouer ! J'ai le sentiment que nous sommes entrés dans une époque où il revient aux artistes (mot pompeux : disons, ceux qui produisent des choses) d'assurer en partie eux-mêmes le "service après-vente". On les trouverait peu impliqués, sinon. On leur reprocherait de s'en tenir à leur tour d'ivoire. Qu'en pensez-vous ?
Je suis également persuadé que, de plus en plus, le travail de l'écrivain ira de pair avec des performances et des conférences qui augmenteront de manière significative ses revenus, comme on le voit déjà dans les pays anglo-saxons et en allemagne, si je ne me trompe.
Cela dit, ce blog est aussi l'occasion d'échanger sur le livre, comme vous vous apprêtez à le faire... j'attends, donc ! :)

4. Le lundi 2 mai 2011 à 12:19, par Sejan

1 Merci pour le retour.
2 Je viens de mettre en ligne sur le blog AutreMonde (ednat.canalblog.com) un compte-rendu - évidemment sujectif - de votre livre. Le cas échéant ...
3 J'avais essayé en 2003-2004, terminant une carrière enseignante assez polymorphe, de développer un journal de bord de quelques mois de collège ZEP. C'est toujours consultable: jobohebo.canalblog.com
Là aussi, le cas échéant ... (mais c'est plus copieux!)
L'affaire n'a pas rencontré le public et donc les échos que j'espérais. Son "utilité" est restée de ce fait - sauf la satisfaction personnelle de la soupape de sureté - quasi nulle.
4 La réforme/refonte du système éducatif est une grande affaire à laquelle j'ai toujours eu l'ambition - et cela a été ma démarche - que tout "écrit de prof", quelle que soit sa forme et son audience (son "lectorat"), vienne apporter un éclairage et ouvrir des portes. J'ai pas mal - et assez vainement - essayé. Je n'ai pas l'impression qu'on avance, ni - cf. mon compte rendu - que vous fassiez à votre tour "bouger les lignes". Mais je ne pense pas que cela ait été outre mesure votre motivation (?).
Difficile combat.
5 Sur le rôle du "Blog" pour "l'artiste", je suis assez d'accord. Eric Chevillard y construit désormais ses autofictions. Pierre Jourde y développe quelques mouvements d'humeur, inégalement réussis. Je suivrai le vôtre.
6 Pour revenir à votre livre et sur le fond pédagogique, s'ouvrent d'immenses espaces de discussion, mais là ...

- Bien cordialement.

5. Le lundi 2 mai 2011 à 19:43, par aymeric

Merci pour la chronique, bien vue, bien rédigée ! je suis même d'accord avec la petite pique finale : effectivement, je ne suis pas un "leader" et ma position de repli pourrait être considérée comme peu satisfaisante... Je n'ai pas voulu cacher tout cela pour rester fidèle à la dimension littéraire du texte (cette part d'autobiographie annoncée dans le titre). Cela faisait aussi partie du plaisir de l'écriture que de se montrer sous un jour parfois moins favorable... :)

(j'ai essayé de poster un commentaire sur votre blog, sans succès...)

6. Le mardi 4 juin 2013 à 09:35, par Neverwinter astral diamonds

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