vendredi 25 février 2011
L'oeuvre de Woody Allen est-elle joyeuse ou désespérée ?
Par admin, vendredi 25 février 2011 à 10:17 :: Cinéma/Musique/théâtre
EXCLU - Woody Allen : la bande-annonce en VF
envoyé par Europe1fr. - L'info video en direct.
La morale du dernier film du maître new-yorkais, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, pourrait être résumée de la manière suivante : « Dans la vie, ce ne sont pas les individus les plus rationnels qui s’en sortent. Les plus heureux sont ceux qui se concoctent une philosophie simple, naïve, voire purement superstitieuse. Mieux vaut vivre dans l’illusion qu’avec une lucidité qui ne nous est d’aucun secours. »
Le personnage clé du film est une vieille femme que son mari vient de quitter. Déboussolée, elle se tourne vers une diseuse de bonne aventure. Mais ceux qu’elle côtoie se moquent de la confiance qu’elle apporte à ces prédictions. Ils s’agacent, même, qu’elle persévère dans ces croyances. Chacune de ces personnes vivra cependant des drames, pêchera par excès d’orgueil, finira déprimée... La vieille femme, elle, mènera son chemin. Non que la diseuse de bonne aventure ait eu vraiment raison. Mais une certaine candeur, relevée de méthode Coué, sauveront la vieille femme.
Beaucoup de spectateurs, autour de moi, ont trouvé le film sordide : ces échecs, ce manque d’amour, ces gens qui se trompent et butent sur leur propre destin… Mais c'est oublier, à mon avis, la clé de voûte du film, cette morale en creux, ce personnage de vieille femme persévérant dans sa foi naïve. Splendide travail de moraliste ! Woody Allen relève méthodiquement tout ce qu’il y a de ridicule dans les comportements humains. J’ai vraiment été sensible à la dimension profondément comique du film. Le message n’est pas désespéré : il est que nous ne maîtrisons rien de nos vies et qu’il faudrait enfin l’admettre.
Film désespéré, donc, mais surtout joyeux…
J’ai lu dans le roman que je dévore en ce moment, L’ennui, de Moravia, un paragraphe qui m’a fortement rappelé le film de Woody Allen. Le narrateur est fasciné par un peintre érotomane absolument dépourvu de talent, mais sans avoir l’air de s’en rendre compte. Voici ce que le narrateur dit de Balestrieri, le peintre en question :
« Peut-être Balestrieri était-il une espèce de fou, mais un fou dont la folie consistait à avoir l’illusion d’être en rapport avec la réalité, c’est-à-dire d’être un sage, comme le témoignaient ses toiles ; tandis que moi, j’étais obligé de me le dire, j’étais peut-être un sage dont la sagesse consistait dans la profonde conviction qu’un tel rapport était impossible, c’est-à-dire un sage qui se croyait fou. » (L’ennui, GF Flammarion, page 117).
Le narrateur est malheureux parce qu’il n’arrive pas à nouer avec la réalité ce rapport naïf (mais substantiel) que parviennent à créer, eux, Balestrieri ou la vieille femme de Woody Allen.