La littérature sous caféine


L'annuaire mondial du futur (Philip K. Dick, Ubik)



Adolescent, j’ai dévoré ce roman, Ubik, de Philip K. Dick, sans rien y comprendre, mais le hissant à la première place de mon panthéon des meilleurs bouquins de Science-Fiction. A l'âge de vingt ans j’ai remis le couvert, décrochant assez vite et plus guère intéressé par ces histoires de voyages dans le temps, de contraction de l’espace et de paradoxes narratifs.

Et puis je l’ai relu la semaine dernière et ça a été le choc. La puissance de ce romancier déglingué, inspirateur d’un nombre incroyable de films hollywoodiens (de Blade Runner à Minority Report en passant par Total Recall), m’a frappé pour longtemps. J’ai ressenti un plaisir sidérant – celui d’un gamin surintelligent shooté aux amphét’. Le roman est trépidant, parfaitement construit (comment cela se fait-il qu’il n’ait pas été adapté encore au cinéma ?), et d’une imagination absolument folle (les vivants communiquent avec les morts, les temps se télescopent, les emboîtements du scénario deviennent vertigineux).

Les jours suivants, je bouillonnais d’idées pour des romans de genre (thriller horrifique et compagnie), mais il y a des maîtres en la matière qu’il est intimidant d’affronter.

Seul bémol, qui fait le charme du livre : publié en 69, les aperçus sur le monde du futur sont souvent risibles.

Exemple :
« - Qu’on me passe l’annuaire mondial, dit-il. Je vais prévenir le moratorium pour qu’on nous attende.
Il regarda sa montre. Encore dix minutes de vol.
- Voilà, Mr Chip, dit Jon Ild après avoir fait des recherches.
Il tendit à Joe la grande boîte carrée avec son clavier et son microsondeur.
Joe tapa sur le clavier SUI, puis ZUR, et enfin MOR FRE BNAIM.
- C’est comme de l’hébreu, dit Pat derrière lui. Les condensations sémantiques.
Le microsondeur se déplaça d’avant en arrière, en procédant à des sélections et à des éliminations ; puis le mécanisme finit par éjecter une carte perforée que Joe glissa dans la fente réceptrice de l’audiophone
. » (p106)

Vous imaginez, un annuaire mondial à l’heure de la colonisation de la lune ! Et des fax ! K. Dick était loin d’avoir imaginé ce que pourrait être internet.

(Serait-il cependant à l’origine de l’idée de matrice telle qu’elle sera développée dans Matrix ? L’écrivain William Gibson passe pour son inventeur, et pourtant l’idée de matrice et de vrai monde parallèle est reprise plusieurs fois dans Ubik…)

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 9 avril 2008 à 18:59, par manue

Je suis une grosse dickhead, c'est comme ca qu'on appelle les fans de PKD;)
Un des écrivains de SF les plus importants de ce siècle pour sure. Dans un trés bon documentaire sur lui, par une chaine francaise, il remarque la différence entre les usa et la france. Il y remercie la france pour l'avoir publier et pris au sérieux, alors que les us étaient en pleine parano anti commies. Bien sure son usage d'amphet n'aidant rien.

Si mes souvenirs de SF sont corrects, l'origine de l'idée de la matrice vient de Jack Sarffati, physiciste trés branché mystisme et qui comme PKD pensait avoir recu d'étrange appels téléphoniques venant d'on ne sais où.
W Gibson a inventé le terme "cyberspace", mais ce n'est pas pareil que la matrice de PKD. PKD parle de dimensions simultanées, alors que le cyberspace de WG est contenue dans le monde de l'ordinateur.

Pour lire le textes le plus bizarres de PKD, regarde l'Exegesis. Pour moi c'est un peu l'équivalent de Zarahoustra pour ce pauvre hypercondriac de Fred avant qu'il perde totalement la boule.

A propos de traduction bizarre, je n'ai jamais compris pourquoi Valis devient Civa en francais?

"La réalité, c'est ce qui reste quand tu n'y crois plus." comme PKD dirait.

Une bonne pensée pour lui:)

2. Le jeudi 10 avril 2008 à 12:03, par pat

tiens, je ne connaissais pas ce texte, L'exegesis, je vais aller voir... Chaque fois qu'on me parle de K Dick, j'y retourne en courant !

3. Le jeudi 10 avril 2008 à 12:33, par manue

bah, le texte, ou enfin ce qui en a étais publié, est surtout intérréssant pour observer la démence de l'homme quand il tente de mettre des mots sur les choses aux niveau de l'Absolu (à l'opposé du conventionel).

Ses thèmes récurrents y sont abordés.
La dualité, avec un univers malade et l'autre en bonne santé (due probablement en partie à son traumastime face à sa soeur jumelle mort née), le concept de Sophia (auquel il était trés attaché), "the empire never died" et sa Black Iron Prison, et la vie étant un film déjà enregistrée que nous jouons sans le savoir sauf ceux qui recoivent le "immortal plasmate" ie logos.
Enfin, rien de bien original qui ne peut être trouvé chez les buddhistes ou la plupart des systèmes ésotériques de l'Ouest.

Meilleur récapitulatif ici:
www.barbelith.com/faq/ind...

Bonne recherche et bonne journée:)

4. Le jeudi 23 mai 2013 à 12:38, par forever21 prom dresses

I believe you have observed some very interesting points , thanks for the post.

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