Depuis quelques romans déjà, Murakami délaisse les formes trop morcelées (succession de scénettes décadentes dans Bleu presque transparent, ribambelle de personnages dans Lignes) pour un flux romanesque fluide et tendu. Reprenant ses thèmes fétiches (violence sexuelle, folie urbaine), il les inscrit dans une trame simple : un narrateur, à la personnalité fade, explore les obsessions des adeptes du sado-masochisme, jusqu’à la destruction de sa personnalité. Ryû Murakami réussit l’exploit de rendre prenante cette plongée dans un monde de plaisir (quel ennui, n’est-ce pas, la littérature érotique ?). Beaucoup de pages très réussies, notamment le final, en dépit de quelques longueurs et de passages approximatifs.

Extrait : « J’ai connu par exemple un inspecteur de police. Un homme très libéral, apprécié de ses collègues, le type qui donnait l’impression d’être une sorte de justicier, de protecteur de la veuve et de l’orphelin, si vous voyez ce que je veux dire. Pourtant, devant moi, c’était un homme qui ne pouvait jouir qu’en recevant sur le visage l’urine d’une femme de grande taille, froide, le type ennuyeux au possible. Mais laquelle des deux faces de sa personnalité était réelle ? Personne ne saura jamais le dire et ce n’est même pas la question à se poser. » (p219)