La littérature sous caféine


Tombeau de Brest

Je suis né dans une ville rasée par les Anglais, j’habite près d’une autre ravagée par les Allemands. C’est dire comme je lis avec attention le « Brest, de brume et de feu » (Gallimard, 2024) d'un ami de longue date, Philippe Le Guillou. Le Prix Médicis 97 y adopte une démarche très modianesque de promenade sur les lieux de son cœur. A vrai dire, toute son œuvre est une rêverie mêlée de souvenirs, parfois romancés – Bretagne baignée de légende, Paris secoué par l’histoire, églises hantées par les rites, pèlerinages littéraires… On passe de livre en livre comme le regard sur une mosaïque.

Ici, l’évocation de Brest par le prisme familial et personnel offre matière à une variété de récits. C’est l’évocation de la ville martyrisée par la guerre, le portrait de grands-parents nés dans la campagne, la peinture d’amours et d’amitiés décisives… Le tout ponctué de clins d’œil à Jean Genet, de coups de griffes à la didactique ou au marigot politique. Le livre est vif, émouvant, structuré par les références à la "cité minérale". Et il se clôt par une épiphanie mélancolique :

« Elle passe la figure de ce monde, mais, comme la cérémonie du thé chez Robbe-Grillet, à la toute fin du Miroir qui revient, « ça n’est jamais fini », un nouveau Brest affleurera bientôt, à moins que ce ne soit le substrat primordial de la cité enfouie qui remonte des abîmes : c’est là le sort des villes-palimpsestes. »


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