La littérature sous caféine


Le monstre idiot de l'époque

Tocqueville décrivait parfaitement le danger de nos démocraties, celui d’un « pouvoir immense et tutélaire » qui se chargerait de notre bien-être et ferait peser sur nos existences un joug de contrôles. C’est ce que je ressens chaque jour un peu plus, le numérique ayant démultiplié les procédures. Et je me sens proche de tous ceux qui le constatent et cherchent à desserrer l’étau.

D’où mon plaisir à lire le second livre de Ludovic Escande. Dans « Vers les hauteurs » (Allary Editions, 2023), le narrateur en difficulté se laisse guider par un ami ressemblant fort à Sylvain Tesson dans une série d’équipées sur les toits de Paris. Grimper les murs et sillonner la capitale par les toits (j’apprends d’ailleurs ce mot, « stégophile ») change les perspectives et provoque son lot de mésaventures, propres à révéler les mesquineries de certains contemporains comme les beautés, malgré tout, du monde moderne, pour peu qu’on sache adopter la bonne distance. C’est aussi à ça que sert la littérature : tenir en respect le gros monstre idiot de l’époque.

« Nous vivons l’ère du discrédit radical, tous ces moyens mis en œuvre pour préserver notre liberté donnent au contraire le sentiment d’une entrave, comme si les données qui ruissellent de nos comptes numériques étaient la source du soupçon contre lequel nos justifications deviennent dérisoires. » (page 29)

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