Dans une récente conférence, Bruno Latour étrille le principe de culture générale, vaine parce que non fondée sur le régime de la preuve. Mais toute vie politique, toute vie sociale, toute poésie ne dépendent-elles pas de cette culture ?

J’ai alors pensé à l’œuvre d’Eric Poindron qui, précisément, fait feu de tout bois avec des connaissances qu’il cite, qu’il fait sonner, qu’il fait miroiter… Multipliant les références, il lorgne vers un autre monde plus merveilleux que celui du strict quotidien – et pourtant présent, pourvu qu’on y soit attentif. Dans son « Voyageur inachevé » (Castor Astral, 2021), je trouve par exemple ce beau passage, qui me donne envie de lire certains écrivains méconnus, dont les mots autant que les histoires proposent une sorte de mystère enviable :

« Cette nuit, j’ai coincé la porte d’entrée avec une chaise anglaise Windsor à dossier dit « à roue ». Chambre close, ainsi. Je relis André Hardellet, le poète de la joncaille, notre frère de chemins de tangente et de toutes les coursives de brume. Au tournant de la page, des lanternes s’agitent en murmure. Il est mention de diligence d’autrefois remisée « dans les écuries fantôme de la Grande-aux-Belles, dans les sommeils de Peter Ibbetson ».

Les recoins et les confins sont remplis de fées qui sautent à la corde de jadis et de compagnons invisibles et fidèles pour qui sait observer un peu, à peine, à la romanesque dérobée. » (p. 89)