Quand mon père est mort, j'ai spontanément pensé à Jaccottet pour intégrer quelques-uns de ses vers à l'homélie. Leur atmosphère de recueillement lointain, de nuit funèbre et de présences mystérieuses ‒ il y avait comme souvent chez Jaccottet un oiseau, mais j'attendrais vingt ans avant de m'intéresser à ces petits êtres ‒ me semblait correspondre au moment, d'autant qu'il s'agissait d'enterrer un homme qui avait couvé sa part de secret.

Quelques jours plus tard, j'ai écrit à Jaccottet pour le remercier de m'avoir fourni de quoi nourrir mon hommage à mon père. Il m'avait répondu par quelques mots, me remerciant à son tour d'avoir pensé à lui. Le poème, ainsi que le mot de Jaccottet, se sont perdus dans les méandres de ma bibliothèque.

Aujourd'hui que Jaccottet disparaît à son tour, il me fait l'effet de rejoindre la nuit qu'il n'avait en fait jamais quittée, ou plutôt ce crépuscule qui ressemble tellement à une aube, tant la plume de Jaccottet se définit par une sorte de lumière grave et de joie dans le silence.