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"Un scaphandre sur la tête relié à une bouteille d'oxygène, il corrige sans relâche ses copies. En apnée et sous pression. Si le dessin de couverture du dernier livre d'Aymeric Patricot (Les Bons Profs, Plein Jour) est un peu caricatural, le propos, lui, est plutôt nuancé et intelligent. C'est un objet rare et hybride, à la fois récit personnel d'une vocation tardive et réflexion générale sur le métier d'enseignant. Un métier – s'il en est un – « à la fois beau et un peu angoissant », résume l'auteur de Les Petits Blancs, qui enseigne les lettres en classe préparatoire. Celui qui avait déjà dépeint ses premières années de jeune prof de banlieue dans Autoportrait du professeur en territoire difficile (2011) prend le temps, à 44 ans, de faire un « bilan à mi-parcours », après quinze ans dans l'enseignement. Ni plaintif ni donneur de leçons, ni pédago ni réac, il tente de sonder « l'atmosphère » de la profession et de réfléchir à son essence alors que de nombreuses réformes sont en cours et que la violence au quotidien ne faiblit pas. Patricot conseille d'ailleurs aux pédagogues de lire un peu plus Houellebecq que Rousseau pour comprendre que le monde de l'enfance n'est pas « un monde enchanteur » peuplé de « petits esprits créatifs uniquement désireux d'apprendre »…

Cet ancien timide et « cancre à l'envers » (comprendre très, très bon élève) se demande encore 15 ans après comment il a « échoué là », lui qui ne voyait que « misère » dans cette profession avant de s'y jeter à corps perdu. Certes, le métier comporte son lot de frustrations pouvant entraîner parfois des dépressions (il compare le prof à « un Sisyphe pathétique, sans même le corps d'un héros »), mais Patricot a découvert avec l'expérience ses avantages : rester branché, grâce aux jeunes, à « une sorte d'énergie fondamentale » et ne jamais vraiment entrer dans l'âge adulte. Quel privilège ! (...)"

Emilie Trévert, Le Point, mars 2019.