La littérature sous caféine


Le mépris des professeurs (Yann Moix, Aurore Bergé et les autres)

La désormais fameuse vidéo de l’élève braquant son professeur a été filmée dans le premier lycée dans lequel j’ai exercé : le lycée Edouard Branly à Créteil. Je me souviens que l’administration y était déjà beaucoup plus sévère avec les profs en retard qu’avec les élèves brutaux.

Ce genre de situation m’a inspiré un livre, « Autoportrait du professeur en territoire difficile » (Gallimard, 2010), dont peu de journaux ont parlé sinon Le Monde en dix lignes et le Figaro littéraire dans un article en tête de page de Yann Moix qui avait la bonté de m’accorder 10/20 tout en concluant par un cinglant : « Pour le reste, nous laissons à ces valeureux hussards noirs, désormais trouillards noirs, de la République, le respect que nous leur devons ; mais avec cette ironie légère qui autrefois les admirait beaucoup, qui maintenant les méprise un peu. »

Son prétexte était que les professeurs n’étaient décidément plus très enthousiastes. Le mépris de Moix ne faisait qu’entériner le mépris de tout un système politique envers une profession qui reste en première ligne de toutes les violences sociales et qu’on remercie par le silence et l’effondrement de son niveau de vie - à cet égard, le rapport pathétique de l’inénarrable Aurore Bergé, très condescendant à l’égard de la profession, restera longtemps en travers de la gorge des enseignants. Quelle tristesse. Dix ans plus tard rien n’a donc changé, la situation s’est même sans doute encore dégradée. Je ne vois rien qui se profile pour avoir des raisons d’espérer.

Extrait :

« A propos des relations entre les professeurs et leur administration, une anecdote me paraît révélatrice d’un certain climat de méfiances croisées. A huit heures du matin, la salle des professeurs bruissait de conversation à propos d’un incident survenu la veille dans un collège voisin. Le professeur de sport s’était fait tabasser dans le gymnase par la moitié de ses élèves. La principale a fait son entrée dans la salle – fait rare – pour nous demander de ne pas ébruiter l’affaire. « Vous comprenez, il ne faut pas que cela donne trop d’idées. Après, les groupes entrent en compétition. » Argument que je trouvais défendable, après tout, mais qui respirait ici la mauvaise foi. J’étais sûr, moi, qu’il s’agissait d’étouffer ce genre d’incident pour ne pas alerter les médias. Les directeurs d’établissements recevaient-ils des instructions précises à cet égard, sur le modèle des conseils que j’avais reçus pour mes propres classes ? La réputation de l’établissement devait entrer en jeu. » (« Autoportrait du professeur, page 20)


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