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"Un sujet qui dérange : le petit Français blanc qui rame, selon Aymeric Patricot

Le nouveau livre d’Aymeric Patricot n’a pas fini de faire parler. Dans Les Petits Blancs (ed Plein Jour), il dessine le portrait d’une catégorie « socio-ethnique » dont ni les sociologues ni les historiens ne se sont encore sérieusement emparée, « le petit blanc ». Une réflexion sincère et intègre, appuyée sur des témoignages les plus divers possibles. Une manière de se faire une idée nouvelle des transformations sociologiques du pays, en s’armant fermement contre les inévitables récupérations à venir.

Il fallait un profil atypique comme celui d’Aymeric Patricot pour oser un tel sujet et savoir le décrire tout en nuances, sans aucun refrain idéologique. Professeur de lettres, ainsi qu’il le décrit dans Autoportrait du professeur en territoire difficile (Gallimard), romancier subversif parfois (L’Homme qui frappait les femmes (Leo Scheer)), Aymeric Patricot est un ancien HEC, qui, au retour d’une mission à l’ambassade de France au Japon, décide de passer l’agrégation de Lettres. Le reste se lit dans sa bibliographie, peu nombreuse mais sans futilité. Les Petits Blancs sont son dernier texte en date, entre document, récit et essai.

Entretien.

-Vous consacrez un livre à ce que vous appelez « Les Petits Blancs ». Qui rangez-vous dans cette catégorie ?

J'appelle "petits Blancs" des gens qui sont à la fois pauvres et blancs. Mais j'insiste sur le ressenti : il est difficile, voire impossible, de définir des critères objectifs pour ce genre de choses. Je me base sur ce qu'on appelle une définition "constructiviste" de la race, c'est-à-dire qu'elle est avant tout perçue comme une construction sociale. Les "petits Blancs" seront donc des Blancs qui se perçoivent comme tels ou bien que l'on désigne comme tels - que ce soit pour les valoriser ou les stigmatiser.

-Il faut beaucoup de subtilité pour prendre en compte cette population qui n’est pas homogène, y a-t-il un socle commun à ces petits Blancs et quelle part de la population française représentent-t-ils ?

Il me semble que l'émergence d'une conscience "petit Blanc" pourrait être identifiée dans trois groupes, au sein de la société française actuelle : les paysans pauvres, les ouvriers ou anciens ouvriers, les citadins en grande précarité. Trois groupes évidemment très différents, très éloignés parfois. Mais qui partagent néanmoins certains ressentis, certaines difficultés. Par exemple, le sentiment d'une certaine misère qui vous menace ou qui vous rattrape. Ensuite, celui d'avoir une histoire distincte de celle de ce qu'on appelle les "minorités ethniques". Le petit Blanc ne s'oppose pas forcément aux membres des minorités. Souvent, même, il vit dans une précarité comparable et se sent solidaire. Mais, par la force des choses, il ne vivra pas les mêmes expériences. Les regards croisés, les vécus forgeront une expérience particulière. C'est un simple effet mécanique : si l'on admet que les populations d'origine immigrée vivent des parcours singuliers (par exemple dans le sentiment d'être parfois relégué), alors il faut admettre que l'expérience des "non-immigrés" est également distincte.

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