La littérature sous caféine


Belle lecture des "Petits Blancs" par Sébastien Le Fol (France Culture, Le Point.fr)

« Aymeric Patricot fait œuvre utile, il met des paroles sur un fantasme et par là même il le dégonfle. Tous les politiques devraient lire son livre. » Sébastien Le Fol consacre sa chronique des « Matins » de France Culture, mercredi 30 octobre, aux Petits Blancs.


"Les Petits Blancs" d'Aymeric Patricot (France... par monsieurping2

Sébastien Le Fol a par ailleurs adapté sa chronique pour le site du Point.fr, dans un article abondamment commenté, intitulé "La France des "petits Blancs"" :

Qu'est-ce qu'un petit Blanc ? Dans les chansons du rappeur Eminem, ce sont les "white trash" (littéralement "déchet blanc", NDLR). Mais en France ? Sur toutes les lèvres, le sujet est tabou. "Un Blanc pauvre prenant conscience de sa couleur dans un contexte de métissage et se découvrant aussi misérable que les minorités tenues pour être, a priori, moins bien traitées que lui." Ainsi le définit l'écrivain Aymeric Patricot, 39 ans, dans le passionnant livre qu'il consacre au sujet, aux éditions Plein Jour.

L'expression "Petits Blancs" charrie tellement de fantasmes - elle est utilisée par certains pour ethniciser les problèmes sociaux -, que l'on peut hésiter avant de se plonger dans son ouvrage. Aymeric Patricot, qui se présente comme social-démocrate, n'est pas suspect de sympathies sulfureuses. Sans bonne conscience ni condescendance, il est allé à la rencontre de ces Français déclassés. Il en rapporte une saisissante galerie de portraits, un ouvrage d'atmosphère qui en dit long sur l'état de la France.

De la défiance à l'identification

Le petit Blanc n'est pas un groupe homogène, comme certains essaient de le faire croire. Il prend plusieurs visages. C'est Estelle, professeur vacataire d'anglais à Amiens, qui a "la haine de l'Arabe". C'est Agnès qui déclare : "On nous oblige à accepter l'immigration sous un prétexte moral, et ça m'angoisse." Mais c'est aussi Laurent, l'étudiant timide de la banlieue parisienne, qui, traversant les beaux quartiers, se dit : "Je suis terne, ma vie ne me plaît pas."

C'est Damien, le paysan pauvre filmé par l'émission Strip-Tease, qui "recherche désespérément une bergère". Et c'est encore Irène, secrétaire, mère d'un garçon de 7 ans, qui a besoin de temps en temps de "mettre une racaille dans son lit", de préférence "black". Les sentiments des petits Blancs oscillent entre amour, indifférence, rancoeur et fraternité. Vis-à-vis des Français d'origine maghrébine ou subsaharienne, ils passent de la défiance à l'identification.

"Population rancie"

La classe politique est désarçonnée par ces "gueules cassées de la misère". La droite inspirée par Buisson court après en les idéalisant de manière ridicule. Quant à la gauche, elle s'est depuis longtemps détournée d'eux. Ces "culs terreux" font tache dans les salons bobos. "Tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref "franchouillard" ou cocardier, nous est étranger, voire odieux", proclamait le magazine Globe, dès son premier numéro, en 1985. En 2013, Jean-Luc Mélenchon renchérissait : "Je ne peux pas survivre quand il n'y a que des blonds aux yeux bleus. C'est au-delà de mes forces."

Aymeric Patricot décrit avec force ce qu'il appelle "la mise à l'index d'une population rancie". Il va même jusqu'à parler d'"animalisation d'une partie de la population". Selon lui, "ces Blancs déchus ont le mérite de donner bonne conscience à ceux qui les rejettent : ces derniers donnent en effet des gages de leur éminente hauteur de vue. Ils prouvent même leur absence de racisme." Ce faisant, ils suscitent cependant une nouvelle forme de racisme dans la mesure où ce Blanc misérable, figé dans son archaïsme, est si distinct d'eux que sa nature n'a plus rien à voir avec la leur." Avec son livre, Aymeric Patricot fait oeuvre utile. Il met des paroles sur un fantasme et par là même le dégonfle. "Il dissipe la gêne en éclairant les fantômes", comme il dit. Tous les politiques devraient lire son livre.



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