La littérature sous caféine


Olivier Adam ou l'éloge paradoxal du déracinement (Les Lisières, Flammarion 2012)


Olivier Adam, aux « lisières » de Paris par FranceInfo

« Son plus grand roman », précise Le Monde. Et il est vrai que Les Lisières (Flammarion 2012) d’Olivier Adam en impose par son souffle, sa tension dramatique, son ambition. Il s’attache notamment à dresser le vaste portrait de ces zones périurbaines en constante expansion – zones pavillonnaires, HLM – et de la mélancolie, voire du mal-être qui s’y développent.

Le narrateur, qu’il est difficile ici de ne pas confondre avec l’auteur tant les points de comparaisons sont nombreux, se remet difficilement d’une séparation. Il quitte la Bretagne pour rendre visite à sa famille restée vivre en banlieue parisienne. Mais le séjour ne fait qu’approfondir le gouffre entre ce romancier que le succès pousse à fréquenter les « bobos » et ses propres parents restés si modestes. Des parents qui s’obstinent par ailleurs à rester vivre dans la région.

« Si étrange que cela puisse paraître, cette banlieue où personne n’avait jamais eu envie de vivre, cette banlieue que j’avais toujours entendu qualifier de pourrie, ni plus ni moins qu’une autre mais simplement pourrie, de laideur commune, de banalité pavillonnaire et d’ennui résidentiel, était devenue l’objet d’une flambée immobilière qui me laissait interdit. » (Page 87)

Cette répulsion pour les zones pavillonnaires s’accompagne bientôt d’un éloge du déracinement. Le narrateur se demande comment les gens peuvent éprouver de l’attachement pour des lieux si désincarnés. Le racines ne sont-elles pas foncièrement illusoires ? De même, et malgré tout l’amour qu’il porte à la Bretagne, il ne comprend pas les sortes de délires identitaires qui attachent les Bretons à leur région.

« J’avais débarqué en Bretagne étonné de découvrir une terre où tout le monde était blanc, où il restait encore des gens pour se définir comme « catholiques », où beaucoup se revendiquaient d’ici depuis des générations et paraissaient en tirer une fierté que je trouvais, selon les jours, suspecte ou carrément imbécile. Où certains parlaient sans rire d’identité régionale, de traditions locales, de coutumes, de particularismes, de racines. Un truc surgi du passé en somme, une France telle que l’imagine Jean-Pierre Pernaut, attardée et refermée sur elle-même. » (page 124)

Il me semble déceler cependant un paradoxe dans cette double posture : éloge du déracinement / répulsion pour la banlieue. La banlieue parisienne en effet n’est-elle pas devenue, précisément, le lieu par excellence du déracinement ? Une sorte de territoire indécis, sans ancrage particulier, qui devrait alors faire les délices du narrateur ?

D’autant que le tempérament dépressif de ce dernier ne plaide pas en sa faveur : comment avoir envie de le suivre si c’est pour vivre un tel effondrement intérieur ? Si c’est pour flirter avec le perpétuel effacement de sa personne ?

Autre aspect du paradoxe : le narrateur fait l’éloge du déracinement mais il n’a l’air de réussir à vivre, comme l’auteur d’ailleurs, qu’en Bretagne et au Japon : une région dont la « culture locale » est sans doute la plus forte de France, comme le souligne le narrateur lui-même ; et un pays qui fait de l’isolement et du refus du métissage une sorte de principe... Comment justifier, dès lors, à la fois le refus des racines et le bonheur de vivre parmi des gens qui, eux, revendiquent ces racines ?

Non pas que l’éloge du déracinement soit une mauvaise chose. Moi-même, je me sens proche de cette posture de la marge. Et j’ai, comme Olivier Adam, ce double amour de la Bretagne et du Japon… J’adore me sentir comme un passager clandestin dans une région dont je maîtrise mal les codes, qui m’ignore et grâce à quoi je me sens libre. Mais il me paraît étrange de ne valoriser que ce déracinement : le goût pour ce dernier ne peut qu’aller de pair avec la présence, proche et même envahissante, de populations et de cultures qui se sentent, elles, « ancrées ». Le plaisir d’errer est sans doute d’autant plus fort que les autres, eux, refusent d’errer. Et puis, comment raisonnablement imaginer un monde où tout le monde se mettrait à errer ?

La passion du narrateur pour la Bretagne et le Japon me font ainsi l’effet d’un véritable retour du refoulé : plus il se libère des entraves, plus sa tristesse s’approfondit. Sans se l’avouer, il paraît rechercher la présence de gens qui « s’installent ». Et il reproche à son père de détester le métissage tout en refusant lui-même de vivre en région parisienne : le prétexte est l’affreuse monotonie des pavillons, des centres-villes et des supermarchés. Mais ce rejet tout architectural ne masquerait-il pas l’angoisse d’un monde entièrement voué au déracinement ?

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