La littérature sous caféine


Mona Ozouf et les muliples "écoles" de nos identités



Très beau livre que cette Composition française, dans lequel Mona Ozouf raconte son enfance bretonne et décrit ses tiraillements identitaires : partagée entre ce qu’elle appelle l’« école de la Bretagne » (sa famille défendait ardemment la culture bretonne), l’« école de la France » (notamment les principes républicains distillés par les maîtres) et l’« école de l’Eglise » (un catholicisme que l’auteur juge « froid »), elle a longtemps eu du mal à trouver une place au coeur de sorte de Trinité professant des principes souvent contradictoires.

« A l’école, il fallait célébrer des gloires que la maison méprisait, réciter des textes sur lesquels s’exerçait l’ironie muette, mais perceptible, de ma mère (…). A l’église, il fallait prier pour un ciel qui resterait vide des êtres que j’aimais. A la maison, et cela ajoutait une complication supplémentaire, il ne s’agissait pas d’aimer étourdiment tout ce qui se proclamait breton : les bretonneries exhibées aux murs et les niaiseries bretonnes chantées au dessert n’avaient pas droit à notre indulgence. Où donc était le beau, le bien, le vrai ? » (Composition française, Folio, p. 153).

Si j’essaye d’appliquer ces catégories à mon propre cas – après tout, c’était en partie l’objet d’Autoportrait du professeur que de dresser une carte (à la fois variable et floue) des identités qui me composent – cela pourrait donner les aperçus suivants :

L’école française ? Elle n’exerce plus sur moi qu’une autorité chancelante et douloureuse, depuis que je constate combien le mot même de France attire généralement l’ironie, voire le mépris – encore que la dernière campagne présidentielle ait donné le spectacle de revirements étonnants. La « valeur France » est à la mode en ce moment dans le marketing, mais il entre beaucoup d’opportunisme dans ce mouvement d’humeur.

L’école régionale ? Je n’en avais jamais vraiment pris conscience, jusqu’à ce que l’école française fléchisse, justement, et m’oblige à considérer d’autres appartenances (multiples, cependant, et parfois plus fantasmées que tangibles). Je me sens maintenant le fruit d’un véritable métissage interrégional et inter-pays européens.

L’école religieuse ? Sur le point de s’évanouir à mes yeux, depuis que la pratique du catholicisme s’est évaporée dans ma famille en deux générations – non croyant, je n’ai jamais eu de goût pour la sentimentalité chrétienne, ni les superstitions, ni la prière ; en revanche, je suis très admiratif des « productions culturelles » du christianisme et je suis chaque jour plus conscient de l’imprégnation de cette religion dans l’histoire millénaire de la France – quoi que le pays ne lui doive pas tout, loin de là, et qu’il se soit au moins autant opposé à elle.

Dans son livre, Mona Ozouf s’attache à montrer qu’il y a deux grandes tendances dans la définition de cette « identité nationale » aujourd’hui si controversée, deux tendances en apparence contradictoires et qui ont donné lieu à tant d’échauffements, parfois violents :

« L’une, lapidaire et souveraine, « la France est la revanche de l’abstrait sur le concret », nous vient de Julien Benda. L’autre, précautionneuse et révérente, « la France est un vieux pays différencié », est signée d’Albert Thibaudet. » (Page 13)

Au terme du livre, Mona Ozouf est persuadée que ces deux visions sont pourtant conciliables, qu’on peut à la fois se reconnaître français et vivre sa « particularité régionale » (évidemment, cette réflexion fait écho aux polémiques actuelles sur la question des minorités ethniques). Après tout, on peut à la fois aimer sa famille et son pays, preuve qu’il est tout à fait possible d’appartenir à des « cercles identitaires » plus ou moins concentriques, sans que cela pose de problème rédhibitoire.

N’empêche : il en faut, des livres, des articles, des coups de sang, des remises en cause, pour dompter en soi les pénibles à-coups de ses propres angoisses identitaires – sans pour autant les réduire par une identification simpliste, et de mauvaise foi, à une cause culturelle trop étroite.

COMMENTAIRES

1. Le lundi 18 juin 2012 à 14:58, par manue

cela m'a toujours interressee ce mot "identite". je ne comprends pas bien ce que cela veut dire d'ailleurs, j'ai deja assez de mal a etre "humaine". les complexites de la conscience et de la vie me semble assez. j'ai passer plus de temps hors de mon pays natale, la france, que sur mon sol de naissance. ce qui me semble amusant, et que de voir la france de loin, parfois je me sens encore plus francaise que lorsque que je rencontre des touristes francais. comme si un regard lointain nous rapprochent de ce que nous sommes vraiment, sans les superflus.

l'identite reliee a la terre natale, a sa region, semble commune a l'etre humain. breton, ou de quel coin que ce soit sur la planete, les gens semblent s'accrocher a cela, chose que je n'ai jamais pue comprendre, ni ressentir. pourtant chose interressante, quand j'ai quelques fatigue ou autres doutes, c'est bien dans mon pays ou je pense "rentrer", mais je vois cela comme un automatisme, comme un bouton qui s'allume tout seul quand on se pose trop de questions, un retour au bercail, a la terre mere...et puis les jours passent, la machine pense a autre chose...et c'est bien a mon humanite que je reste attachee et qui me fait poser mes questions.

j'aurais aimee croire que je ne suis que "francaise", que du lieu de ma naissance, mais cela ne me procure pas trop de stimulation intellectuelle. comme telle ou telle religion, une identite nationale donne des reponses, les reponses c'est agreable et ca calme par la securite. cette partie de mon identite semble bien petite comparee a mes questions humaines, bien petite comme identite quand tellement d'autres choses me procurent du plaisir. comme vous dites: une identification simpliste......

enfin chaqun ces questions:)

2. Le samedi 23 juin 2012 à 12:15, par aymeric

j'aime bien l'idée du "bouton" et du caractère automatique, du réflexe du retour à la terre natale... Presque de la paresse, en fin de compte. On vit vraiment l'époque d'une grande tension entre le fantasme (et l'éloge) des vies nomades, des vies cosmopolites, et le côté rassurant des sentiments d'appartenance à des terres ou à des communautés. Il me semble tout aussi ridicule de se revendiquer d'une seule identité que de mépriser ces besoins d'appartenance...

3. Le dimanche 24 juin 2012 à 15:49, par manue

tout a fait d'accord. il semble que cette epoque aime les extremes, de tous les cotes. on a plus d'age, plus de sexe, plus de nationalites, plus de religion, plus rien. ou trop de tout, on revendique tout et on fait plus trop rien.
la vie de voyage a autant d'inconvenient que la vie sedentaire, rien n'est jamais facile dans le fond, juste vivre avec nos choix semble assez complique comme cela:)

4. Le dimanche 24 juin 2012 à 23:28, par aymeric

en fait, le dicton populaire a toujours raison :"tout n'est pas tout noir, tout n'est pas tout blanc"! :)

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