La littérature sous caféine


Les "infâmes salopes" de Stendhal (Souvenirs d'égotisme)



Livre inégal, me semble-t-il, que ces Souvenirs d’égotisme, l’un des deux volumes autobiographiques de Stendhal avec Vie d’Henry Brulard, et plus proche du journal que des mémoires (Son considérable Journal vient d’ailleurs d’être publié chez Folio).

Un certain charme se dégage, certes, de sa liberté de ton, de son énergie, de sa veine satirique. Mais que de passages bâclés ! Et truffés de formules approximatives… Souvent, je ne sais pas s’il s’agit de négligences ou de simples formules vieillies. Beaucoup d’allusions restent obscures faute d’appareil critique suffisant ou d’explications de la part de l’auteur. Résultat, sans doute, d’un texte non relu, non retravaillé (Stendhal préférait ne pas se relire pour ne pas perdre la vérité du texte) et publié de façon posthume.

J’ai quelques scrupules à parler de cette manière d’un livre considéré par beaucoup comme un bijou, mais force est d’admettre que dans la série des quelques journaux ou autobiographies d’écrivains qu’il m’ait été donné de lire, ce livres est l’un des plus frustrants – eu égard au talent de son auteur, bien sûr.

Comme toujours, dans ce genre de texte, c’est une poignée d’obsessions qui se fait jour – ici, le regret de ne pas avoir répondu à certaines avances, le mépris pour la bassesse et le manque d’énergie, la déception de voir que les témoignages d’admiration restent sans écho (« Je fis fiasco par excès d’amour… »), le souci d’ « avoir de l’esprit »…

Et c’est d’ailleurs ce qui fait le seul des bons passages de ce livre, le mélange d’esprit et d’énergie, comme dans ce paragraphes où Stendhal se moque de la jeunesse des salons français :

« Grand Dieu ! Comment est-il possible d’être aussi insignifiant ! comment peindre de telles gens ! Questions que je me faisais pendant l’hiver de 1830, en étudiant ces jeunes gens. Alors leur grande affaire était la peur que leurs cheveux arrangés de façon à former un bourrelet d’un côté du front à l’autre ne vinssent tomber. »

Le passage le plus savoureux, le plus saillant se situe lorsque Stendhal entreprend de raconter une virée chez de misérables et jeunes prostituées anglaises, et bien sûr cela tient au contraste avec la grande correction du style balzacien, par ailleurs. Car on découvre alors une langue plus crue, plus radicale, moins tenue par la morale (plus moderne, en somme ?) :

« Certainement, sans l’idée du danger, je ne serais pas entré ; je m’attendais à voir trois infâmes salopes. Elles étaient menues, trois petites filles avec de beaux cheveux châtains, un peu timides, très empressées, fort pâles.

Les meubles étaient de la petitesse la plus ridicule. Barot est gros et grand, moi gros, nous ne trouvions pas à nous asseoir, exactement parlant, les meubles avaient l’air faits pour des poupées. Nous avions peur de les écraser. Nos petites filles virent notre embarras ; le leur s’accrut. Nous ne savions que dire absolument. Heureusement Barot eut l’idée de parler du jardin
. »

COMMENTAIRES

1. Le lundi 2 mai 2011 à 23:29, par Ariane

J'ai lu en grande partie son journal, mais dans l'édition en pléiade, je ne sais pas ce que vaut l'appareil critique de cette édition folio, il faudrait que je regarde. En effet, ce n'est pas à lire d'un bout à l'autre à moins d'essayer de suivre l'évolution de Beyle.
Ta lecture des Souvenirs d'Henri Brulard est intéressante et je comprends ton sentiment de frustration. Ce texte était fait pour être publié de façon posthume mais je crois que Stendhal, volontairement, n'a rien fait pour qu'il soit construit et compréhensible facilement. Il aimait user de pseudonymes, aimait el langage codé (de là sa passion pour la diplomatie). Outre son désir de ne pas se corriger par soucis d'être vrai, en fait, c'est un écrivain qui ne veut pas être compris ou pas de tout de suite, et indirectement. Il me semble qu'il faut le fréquenter des années pour qu'il nous touche alors que les lettres de Balzac à mme Hanska, qui sont une sorte de journal, sont immédiatement compréhensibles.
Beyle est un homme qui se cherche, qui lance des perches à ses lecteurs et à lui-même. Il y a ses obsessions comme tu le dis et puis ses examens de conscience et de sentiments perpétuels. a 50 ans, il se dit qu'il serait bien temps qu'il se connaisse ! Et il écrit les initiales des femmes qu'il a aimé... comme si ses amours étaient le seul vrai reflet de sa personnalité.
La première fois que j'ai lu ses souvenirs d'égotisme, je dois avouer que je n'ai pas compris grand chose et sans un appareil critique, on reste perdu. Par mes études, je l'ai beaucoup fréquenté mais il y a des passages qui restent obscurs même pour les stendhaliens les plus fervents.
En lisant des textes autobiographiques, on s'imagine découvrir l'auteur, avec Stendhal, on est devant des mystères, des méandres obscurs d'où jaillit parfois des lumières. Je me demande s'il y a en littérature française ou étrangère un équivalent ? as tu envie de lire la Vie d'Henri Brulard ?

2. Le mardi 3 mai 2011 à 11:00, par aymeric

Oui, j'ai bien envie de poursuivre ma lecture de ses écrits autobiographiques, précisément parce que je suis resté sur ma faim avec celui-ci... Avec le journal de Léautaud, par exemple, j'avais eu le sentiment, au terme d'un seul volume, de m'être fait une idée sur le bonhomme. Là, pas vraiment. Et si Stendhal est assez sympathique, dans le visage qu'il offre de lui-même dans ces pages, il se montre également si désinvolte (à ne jamais vraiment pousser ses idées à leur terme) qu'on peut parfois s'en agacer... :)

3. Le mardi 3 mai 2011 à 19:20, par Ariane

Oui, avec le journal de Léautaud on a vite une idée du bonhomme (son journal est vraiment spirituel). Mais, c'est bien de persévérer avec Stendhal (que Léautaud aimait beaucoup, je crois ?) Finalement, sa désinvolture a un certain charme et nous invite peut-être à prolonger la réflexion qu'il ne mène pas sur le papier en tout cas.

4. Le mercredi 4 mai 2011 à 07:57, par Sejan

Dialogue de salon, non, ces commentaires?
Quoi qu'il en soit, pourquoi vouloir tout élucider (sauf à se lancer dans la recherche)? Ce qui vaut dans Henry Brulard comme dans les Souvenirs d'égotisme, c'est le style, l'intelligence, la légèreté, le recul, la tendresse aussi (et la relation avec les petites prostituées anglaises est très touchante).
Ce qui compte, c'est le sentiment de dialogue auteur-lecteur que donnent ces souvenirs, dans le charme extrême de leur fraîcheur apparente. Réelle? Quelle importance? Stendhal est là, il se raconte et il nous enchante d'intelligence et de légèreté lucide.

5. Le mercredi 4 mai 2011 à 13:19, par aymeric

Dialogues de salon... ca devrait te plaire, non, amateur de stendhal que tu es ? :)

quelle importance, effectivement, de tout élucider dans la vie d'un auteur... n'empêche qu'on peut aimer qu'un auteur se livre davantage, qu'il aille plus loin dans la confidence et l'exploration de lui-même. Et j'ai trouvé (mais ce sentiment sera sans doute contredit par des lectures ultérieures) que la désinvolture de Stendhal pouvait se révéler frustrante à cet égard...

6. Le vendredi 24 mai 2013 à 03:42, par payday loans

Je suis à la recherche pour les prêts sur salaire garantis approbation mauvais crédit. Savez-vous où trouver des prêts sur salaire en utilisant le compte d'épargne?

7. Le samedi 25 mai 2013 à 20:31, par car insurance quotes

Je cherche Six types de couverture d' assurance automobile . Savez- vous où trouver des citations d'assurance auto en Floride ?

8. Le dimanche 26 mai 2013 à 11:10, par online payday loans

Je cherche des prêts sur salaire sans dépôt direct nécessaire. Savez-vous où trouver des prêts sur salaire usa pistes?

9. Le lundi 27 mai 2013 à 19:54, par cheap jordans

I must express my appreciation to the writer just for rescuing me from this type of matter. As a result of browsing throughout the search engines and getting principles which were not powerful, I was thinking my entire life was gone. Being alive without the presence of answers to the problems you've sorted out all through your entire post is a crucial case, and those that could have badly damaged my entire career if I hadn't discovered your web site. The capability and kindness in playing with all the stuff was excellent. I don't know what I would have done if I had not come upon such a solution like this. I can also at this time look forward to my future. Thanks a lot very much for this professional and results-oriented help. I will not think twice to endorse your web page to any person who needs to have guidance on this issue.

10. Le mardi 28 mai 2013 à 01:49, par vancouver payday loans

Je suis à la recherche pour les prêts sur salaire noël Royaume-Uni. Savez-vous où trouver des prêts sur salaire 77054 ?

Ajouter un commentaire

Les commentaires pour ce billet sont fermés.