Non au Temps ! (Barthes et le refus de guérir)
Par admin, vendredi 20 février 2009 à 20:59 :: Essais / Philo / Témoignages :: #452 :: rss
Plusieurs fois, j'ai trouvé très pénible qu'une fille puisse me dire : "Ne t'inquiète pas, tu vas oublier... C'est vrai qu'on s'est aimé très fort, tous les deux... Mais ça passe... Tu verras... Laisse faire le temps... Tu m'oublieras, comme le reste..." (Sous-entendu : moi je t'ai déjà un peu oublié...)
Je trouvais ça révoltant... Et d'une tristesse ! Quoi, déjà si peu de romantisme après des semaines de sentimentalisme ? La même fille pouvait me dire, à quelques jours d'intervalle : "Je t'aimerai toute ma vie... Tu es celui que j'ai le plus aimé...", puis : "Je vais disparaître de ton esprit, tu vas disparaître du mien et ce sera très bien." Forcément, je ne pouvais être qu'en colère contre le personnage d'amoureuse folle qu'elle avait monté de toutes pièces.
A moins qu'on puisse concevoir des phases de sincérité successives et contradictoires... "Je t'aime absolument le jour J", puis : "Je t'oublie absolument le jour J + 1." Je le comprends, mais j'ai du mal à m'y faire. Quoi que, les années passant, effectivement... Mais alors il faudrait faire l'effort de ne plus utiliser de mots trop romantiques !
Je suis heureux de voir que Barthes éprouvait le même mouvement de répulsion contre cette sorte de fatalisme temporel. C'est avec un plaisir gourmand que je dévore ainsi les pages pourtant pathétiques de son Journal de Deuil (Seuil-Imec, en librairie depuis le 5/02/09), le journal qu'il a tenu depuis la mort de sa mère en 1977. On y découvre le constat pur et simple de la souffrance, et le refus d'en être consolé... C'est magnifique, comme à peu près toujours chez Barthes, avec ce miracle constant de l'intelligence lumineuse...
"20 mars
On dit (me dit Mme Panzera) : le Temps apaise le deuil - Non, le Temps ne fait rien passer ; il fait passer seulement l'émotivité du deuil."
"12 mai
J'oscille - dans l'obscurité - entre la constatation (mais précisément : juste ?) que je ne suis malheureux que par moments, par à-coups, d'une façon sporadique, même si ces spasmes sont rapprochés - et la conviction qu'au fond, en fait, je suis sans cesse, tout le temps, malheureux depuis la mort de mam."
COMMENTAIRES
1. Le vendredi 20 février 2009 à 21:41, par mattD
2. Le lundi 23 février 2009 à 21:33, par louise
3. Le mardi 24 février 2009 à 10:57, par pat
4. Le mardi 3 mars 2009 à 23:49, par Olympe
5. Le jeudi 5 mars 2009 à 20:29, par pat
6. Le dimanche 22 mars 2009 à 15:37, par manue
7. Le vendredi 5 février 2010 à 15:06, par Celine
8. Le mardi 23 mars 2010 à 11:53, par Alice
9. Le vendredi 26 mars 2010 à 21:42, par mattD
10. Le lundi 29 mars 2010 à 22:45, par Alice
11. Le dimanche 4 avril 2010 à 10:06, par mattD
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