La littérature sous caféine


Les auteurs dans l'air du temps (Ballard / Palahniuk)



Un groupe d'immeubles en Angleterre conçu pour des milliers d'habitants... Des dizaines d'étages, des équipements de luxe... Jusqu'à ce que les choses dégénèrent : des tensions paraissent, des groupes se forment et les premières morts surviennent...

J.G. Ballard a le chic pour mettre le doigt sur des thèmes qui frappent par leur aspect brut et contemporain. I.G.H est le troisième tome de la trilogie du célèbre auteur britannique, très justement appelée "Trilogie du béton", après le fameux Crash adapté par Cronenberg au cinéma. Tous les romans de Ballard procurent en tout cas la délicieuse sensation d'être parfaitement de leur époque - ce sont des histoires d'émeutes urbaines, de perversions mécaniques, de terrorisme aveugle...

Ils ont la qualité supplémentaire d'être très bien écrits, ce qui n'est pas toujours le cas pour ce genre de littérature apocalyptique, même si la plupart des romans de Ballard, à mon goût, traînent en longueur et s'achèvent (très) laborieusement.

A chaque lecture je me répète que ses livres constitueraient une excellente base de travail pour des films, et je n'ai donc pas été surpris d'apprendre que I.G.H allait précisément être adapté au cinéma, par un réalisateur dont j'admire d'ailleurs le premier coup de maître qu'est Cube, délicieuse machinerie métaphysico-fantastique. Son incroyable Cypher m'avait également subjugué, petit bijou de science-fiction millimétrée, passé quasiment inaperçu en France - si ce n'est de quelques amateurs forcenés.



Pas étonnant non plus que Chuck Palahniuk, qui donne la même sensation de procurer à l'époque les images dont elle a besoin, auteur du mythique Fight Club (dont David Fincher à tiré le film), soit adapté pour la troisième fois sur grand écran : Choke sortira début janvier 2009.

J'ai beaucoup aimé les premiers chapitres de ce roman étonnamment déjanté. Le protagoniste y travaille en costume dans un parc à thème et cherche désespérément à guérir d'une addiction au sexe, s'embarquant dans une série très dense de délires familiaux et sentimentaux... Le risque avec ce type de littérature, c'est bien sûr que la tension retombe et qu'on se lasse de la surenchère. Je ne suis pas allé au bout du livre, mais le chapitre d'ouverture est magistral. Sur le coup, j'ai vraiment été persuadé de tenir l'un des romans du siècle - énergie, rage, mystère, tension, densité narrative, humour... Et puis j'ai lâché prise, quelques dizaines de pages plus loin. Sans doute faut-il savoir doser le délire...

"Ce à quoi vous avez droit, ici, c'est à une histoire stupide à propos d'un petit garçon stupide. une histoire vraie de la vraie vie concernant des individus que jamais vous ne voudriez rencontrer. Imaginez ce petit hystéro criard, qui vous arrive à la taille, avec ses petits cheveux bien chiches, très proprement coiffés, et une raie sur le côté. Imaginez-le, ce petit merdeux, tellement déjà dans la norme, sur de vieilles photos de classe avec déjà quelques dents de lait tombées et ses premières dents définitives qui poussent de travers. Imaginez-le vêtu d'un chandail ridicule à rayures bleues et jaunes, un cadeau d'anniversaire, qui avait jadis été son pull préféré. Même à un si jeune âge, imaginez-le en train de se le ronger, ses ongles de tête de gland. Ses chaussures préférées ? Des Keds. Sa nourriture préférée ? Des corn-dogs, des putains de saucisses en pain de maïs." (Extrait de Choke, Folio Policier, p 13)


COMMENTAIRES

1. Le lundi 8 décembre 2008 à 12:44, par vince

les bandes-annonces ont toutes l'air un peu ringardes...

2. Le lundi 8 décembre 2008 à 15:25, par Vair 2 Vince

Et toi, t'es pas ringard avec tes commentaires désobligeants?!...

Plus sérieusement, auriez-vous un lien vers des trailers en V.O, par hasard (bravo pour le post en tout cas, intéressant le // Ballard- Palahniuck)?

3. Le lundi 8 décembre 2008 à 19:20, par Nicolaï Lo Russo

Pas mal Aniuck. Mais quand même assez light par rapport à Selby Jr, je trouve.

4. Le lundi 8 décembre 2008 à 19:25, par pat

oui, au final j'ai trouvé ça assez gadget...

5. Le mardi 9 décembre 2008 à 11:47, par Philippe

"les romans de Ballard procurent en tout cas la délicieuse sensation d'être parfaitement de leur époque" --> Non, ils sont très en avance sur leur temps. "IGH", par exemple, a été écrit en... 1975 !

6. Le mardi 9 décembre 2008 à 14:12, par pat

sachant que les romans donnant la sensation d'etre de leur époque sont justement légèrement en avance, disons... sur l'imaginaire le plus courant

le paradoxe de la littérature "parfaitement de son époque", n'est ce pas qu'elle correspond à une certaine avant garde, peu fréquentée, peu connue du grand public ?

Je serais curieux de connaitre le romancier dont on dira dans 30 ans qu'il était en avance sur son temps...
Faut-il chercher dans la SF ? L'anticipation sociale ?

7. Le mardi 9 décembre 2008 à 16:04, par Rosalie B

Je ne sais pas si Le Clézio est en avance sur son temps mais son discours du Nobel dresse un portrait de l'écrivain plutôt impuissant à anticiper et à changer quoi que se soit (lu dans le Monde d'aujourd'hui)

extrait :
" L'écrivain depuis quelques temps déjà, n'a plus l'outrecuidance de croire qu'il va changer le monde, qu'il va accoucher par ses nouvelles et ses romans d'un modèle de vie meilleur (...) l'écrivain se veut témoin alors qu'il n'est, la plupart du temps qu'un simple voyeur. (....) Comment l'écrivain pourrait-il agir alors qu'il ne sait que se souvenir?"

8. Le mardi 9 décembre 2008 à 16:11, par pat

tiens, il faudrait que je me procure ce discours... Le Monde daté de demain ?
Je n'ai pas entendu que de bonnes critiques, à propos de ce texte... Plusieurs chroniqueurs le jugeaient un peu naïf, un peu forcé dans le politiquement correct

9. Le mardi 9 décembre 2008 à 16:37, par Rosalie B

le Monde du 09/12
C'est un discours peut-être un peu "aseptisé" ou "posé" plutôt ! Mais "politiquement correct" je ne crois pas ? je vois en Le Clézio une personne plutôt éloignée de ses hypocrisies propres à ceux qui veulent jouer aux grands de ce monde. Il rend surtout hommage aux peuples autochtones dont il a partagé l'existence en étant lui même plus proche du naturel que du factice...

10. Le mardi 9 décembre 2008 à 18:28, par pat

ce qui est appréciable, en tout cas, dans la figure d'écrivain qu'il présente, est qu'il parait tres éloigné des intrigues parisiennes... Ca fait du bien d'en voir qui se consacrent uniquement à leur travail ! (du moins, à premiere vue...)

11. Le mercredi 10 décembre 2008 à 11:08, par Philippe

Revenons à Ballard et Palahniuk s'il vous plaît les enfants ! Et laissons ce somnifère de Le Clézio en Suède !

12. Le mercredi 10 décembre 2008 à 14:59, par Rosalie B

c'est justement ce côté "décalé" que tu nommes "somnifère" ( son ton monocorde et son sourcil qui ne fronce pas d'un millimètre....) qui est appréciable chez Le Clézio.
Désolée, Philippe, j'insiste au risque ne me faire "gronder"!!! ;-)

13. Le mercredi 10 décembre 2008 à 16:19, par pat

a propos de son ton monocorde, j'ai plus souvent entendu des gens qui louaient ses prestations télévisées ou radiophoniques que ses livres...
Il est réputé à la fois pour bien parler, et aussi pour bien passer à l'écran...
(il faudrait faire d'ailleurs des études statistiques sur le rapport entre la télégénie d'un auteur (sa beauté, pour faire court) et son succès en termes de ventes... On peut penser à Le Clezio, mais aussi à Paul Auster...)

14. Le mercredi 10 décembre 2008 à 17:57, par Rosalie B

Pour tomber dans l'excès je pense à Marc Lévy: 1 des prototypes parfaits de l'écrivain (je m'excuse auprès des écrivains dignes de ce nom!) quadragénaire honteusement fantasmé par les femmes françaises. Je suis sûre que "là" se trouve la clefs du succès de ses pseudo romans. On ne peut pas lire Marc Lévy par amour de la littérature....c'est donc....pour son regard follement insolent et sa barbichette pouet pouet...

15. Le jeudi 11 décembre 2008 à 00:13, par pat

quoi que... Son roman "Si c'était vrai" était parfaitement calibré pour plaire à un public amateur d'idéalisme et de sentiments...

Ajouter un commentaire

Les commentaires pour ce billet sont fermés.