La littérature sous caféine


Douceur des hommes (Barthes et la féminité)



Je me souviens d'une conversation à Tokyo avec une jeune femme qui se disait féministe, au cours de laquelle j'avais essayé de définir ce que représentait la féminité pour moi. La jeune femme s'était irritée que je cherche à déterminer une "essence de la femme": j'avais beau préciser que je parlais de "traits féminins", indépendamment du sexe de la personne, elle se braquait à mon discours.

Au fond, j'étais sans doute plus féministe qu'elle... Elle n'arrivait pas à comprendre que je ne parlais pas de la femme, mais de la féminité. Elle n'entendait que ce mot "femme", contenu dans "féminité". Il aurait fallu que nous inventions un vocabulaire nouveau, pour notre petit bout de conversation.

Des années plus tard, je dévore le livre splendide de Roland Barthes, Fragments d'un discours amoureux, malheureusement non disponible en poche (Oeuvres Complètes, vol. 5), et je repense à cette ancienne conversation. Non seulement Barthes évoque cette part de féminité en l'homme :

"Il s'ensuit que dans tout homme qui parle l'absence de l'autre, du féminin se déclare : cet homme qui attend et qui en souffre, est miraculeusement féminisé. Un homme n'est pas féminisé parce qu'il est inverti, mais parce qu'il est amoureux." (dans le chapitre L'Absent).

...mais tout le livre est baigné, me semble-t-il, par cette féminité qu'il définit par intermittences : cette douleur douce, cette attention pour les signes infimes, cet art de l'attente, de la souffrance muette et délicate, du silence non pas accusateur mais stupéfait, de l'analyse détachée, presque drôle, évanescente...

Tout au long de cet essai composé par courts chapitres, eux-mêmes divisés par paragraphes structurés autour de citations, de références, d'éclats de pensée, c'est dans le murmure d'un auteur qu'on s'immerge, c'est la pudeur d'un grand écrivain qu'on découvre, écrivain par ailleurs brillant mais dont ce livre est peut-être le plus accessible, le plus limpide. Il y a une forme d'élégance et de raffinement dans ces confidences délicieusement adoucies - celle du philosophe qui ne se trahit que par aphorismes.

"Je souffrirai donc avec l'autre, mais sans appuyer, sans me perdre. Cette conduite, à la fois très affective et très surveillée, très amoureuse et très policée, on peut lui donner un nom : c'est la délicatesse : elle est comme la forme "saine" (civilisée, artistique) de la compassion."

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 11 juin 2008 à 11:47, par manue

Un ami m'a un jour dis "c'est parce que toi, t'es une vrai feministe, tu fais ce qu'il te plait en toute liberte", lors d'une convesrsation dans laquelle je lui disais ne pas aimer les feministes. Je ne me suis jamais entendue avec une feministe, on finie toujours par s'engueler. J'aime trop les hommes pour vouloir les descendre comme trop de feministes le font. Je les aime avec leurs qualities et defaults, je les aime a cause de leurs differences par rapport a la femme. J'aime la complementarite des 2 sexes, leur notion unique du temps.

Bien sur, je comprends la dimension politique et sociale des feministes, et les remercie pour leur combat. Je suis heureuse de pouvoir voter (si je pensais que la politique existait reelement hors economics), heureuse de ne pas etre juste une piece de meubles.
Mais jamais je ne pourrais detester les hommes comme le font la plupart des feministes. La societe, une reflection de l'etre, existe a cause d'une dualite mysterieuse, j'aime a la respecter.

A propos d'archetype fantastique, un de mes preferes (et des texts superbes) est celui de Shiva-Parvati, un des couples de la trinite Hindou. Shiva l'ascete sublime, Parvati sous toutes ses formes, jusqu'a la plus terrible Kali. Pourtant, on ne peux jamais oublier que Shiva et Parvati ne font qu'un, l'etre supreme avec lequel nous devons faire paix parce que cet etre c'est chacun de nous.

Au plaisir de vous lire, si rarement pour le moment, de Kathmandu, Nepal, pays tantric par excellence, ou les hommes et femmes venerent encore le linga lingum. L'idee de feminisme ici serait de bien tenir une maison, de bien tenir une famille, et de rendre son epoux heureux. La femme sans l'homme n'etant rien, et vice versa.

Le feminisme de l'ouest est encore si occidental, n'ayant encore aucune resonance pour la plus grande majorite des femmes de part le monde.
Dommage que les feministes des societes occidentales se sont oublier a trop vouloir se trouver, on dirait qu'elles sont tombees dans le vide, vide parce qu'elles en ont oublier leurs propres feminites, devenant trop souvent des hommes sans couilles.

Apres tout, un monde sans papillons serait si triste (femmes en nepalais sont appellees putali=papillons)…


2. Le mercredi 11 juin 2008 à 22:10, par pat

moi je n'ai rien contre les féministes... parfois meme je trouve les femmes pas assez féministes ! je suis parfois surpris par leur manque de solidarité entre elles

3. Le jeudi 12 juin 2008 à 09:42, par vince

que fuyez vous en inde, manue ? ne serait-ce pas précisément le foyer à l'occidental ? (cela dit sans animosité, juste par curiosité)

4. Le jeudi 12 juin 2008 à 12:25, par hélène

Je suis féministe et ...j'adore les hommes, c'est quoi, manue ce cliché que les féministes n'aiment pas les hommes ? (curieux, curieux, cela demanderait un vrai débat..).
Plus encore, certains homme disent que le féminisme, les libère aussi d'une image traditionnelle dans lesquelles ils ont été, eux aussi, enfermés..
Etre féministe devient péjoratif et pourtant, y'a du boulot, y compris en occident..

Quant au titre du billet, il est en pleine résonance avec ce que je pense, ... Oui, les hommes sont doux, parfois plus que certaines femmes...

La douceur des hommes est pour moi une source infinie d'inspiration littéraire.

5. Le jeudi 12 juin 2008 à 12:31, par mathieu

où peut on lire ce que tu fais, helene ?

6. Le vendredi 13 juin 2008 à 09:43, par manue

A propos de la solidarite entre femmes. Il est si beau de la voir dans les sourires silencieux de part les voyages. Quand les langues nous separent, un sourire de femme a femme ouvre toutes les portes de comprehension entre elles. Je ne pense pas que ce sourire existe entre hommes?

C'est amusant cette question sur la fuite, Vince. Je ne pense pas que l'on puisse fuire quoi que ce soit, puisque l'on demeure toujours avec ce qui percoit les choses, ie, le Soi.
Comment sais tu que je ne suis pas mariee avec un foyer a l'occidental?
Pour petit detail, je fais du travail au Nepal, pays totalement different par rapport a l'Inde, bien que pays Hindouiste. J'espere que cela repond un peu a ta curiosite.

Desoler de ce clicher bien trop facile, en effet Helene. Mais si tu te dis feministe, tu dois admettre que certaines notions feministes semblent mettre un peu tous les torts de la societe sur le dos des hommes. les femmes demeurent ces pauvres creatures abusees par le mechant homme, condition de laquelle il faut la sortir.
Les femmes peuvent etre tout autant violentes, et certains disent plus encore, que les hommes. Les femmes abusent les hommes beaucoup plus que les femmes n'aimeraient l'admettre. Certains hommes sont plus doux que certaines femmes, etc etc. Bref, nous nageons dans les cliches et generalizations qui souvent n'ammene nulle part.

Ces cliches me derange aussi. Cette separartion dualistic des choses m'est presque amusante. Pour moi ce n'est pas une question de sexes, mais une question humanitaire. Les hommes en descendant les femmes, se rabaissent eux memes, et vice versa. Tout etre humain decsendant un autre etre humain insulte sa propre humanite.
Bien sure, pour changer une societe, surtout celle ou la condition de la femme est encore tant rabaissee, certains projects trouvent que de travailler sur la condition de la femme changera automatiquement le reste du fonctionnement des villages. Bonne idee, et en plus ca marche!

Comme tu dis, c'est si beau la douceur des hommes. Une douceur forte et assuree, si fragile pourtant. Un peu comme notre cote interieur d'enfants reveurs...

7. Le vendredi 13 juin 2008 à 10:46, par hélène

mathieu: ça reste dans mes petits carnets (et seuls quelques "happy few"; sur demande pressante, ont parfois droit d'y jeter un oeil ). Ce que j'aime c'est écrire, la publication, la reconnaissance etc...je n'en ressens pas le besoin , je ne suis de toute façon pas assez talentueuse, sur la durée.... Mais peut être un jour, quand je serais très vieille......l'idée de la reconnaissance littéraire posthume me plait bien ;-)

manue: toujours pas d'accord, mais, je crois que le "Pat's blog" n'est pas le lieu de ce type d'échange..(et ceci n'est pas une fuite;-))

8. Le vendredi 13 juin 2008 à 17:31, par vince

et pour quelle raison un blog ne serait pas le lieu d'un échange ?

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