Les bons romans sont-ils toujours un peu sales ?

Je finis de lire le dernier roman de Christophe Paviot, Devenir mort (Hachette Littératures, janv 2007), et je suis frappé par le contraste entre la prose fluide, douce, très neutre, presque effacée de ce livre (c'est l'histoire d'une mère partant à Brooklyn sur les traces de son fils, tout juste décédé d'un cancer : elle découvrira ce qui le séparait d'elle...) et certains faits se détachant de l'ensemble par leur côté burlesque, presque brutal dans l'expression qu'ils permettent d'un certain désespoir.

C'est ce qui est parfois dommage dans beaucoup de livres : on n'en retient surtout qu'une ou deux scénettes plus saillantes que d'autres (c'est ce qui m'a toujours frappé chez Haruki Murakami), éclipsant quelque peu le reste de l'oeuvre. C'est moins la faute du romancier, me semble-t-il, que de nos lectures imparfaites et sans doute un peu rapides.

Faudrait-il en conclure à nos irréparables tendances voyeuristes ? A la condamnation, pour tout romancier qui se respecte, à toujours émailler ses romans d'une ou deux scènes choc ?

Voici l'une des anecdotes qui m'a frappé (une ancienne petite amie du protagoniste parle à la mère de celui-ci ):

""Figurez-vous que ce sale con, voyant que je restais distante devant son petit numéro, en réalité je matais un autre type sur qui j'avais des vues, un technicien du son, eh bien figurez-vous que Monsieur, vexé que je ne m'intéresse pas à lui, était descendu avec son verre de vin blanc aux WC, et vous savez ce qu'il a fait ? Il s'était masturbé et avait giclé dans son verre. (...) En remontant, il me semble bien l'avoir aperçu touillant un index dans son vin blanc, j'en suis pas sûre. Toujours est-il que pour son venger de mon manque d'intérêt pour lui, il m'avait gentiment proposé de boire dans son verre, ce que j'avais trouvé assez élégant de sa part." (p35)