Aymeric Patricot : Reviens, Montaigne, ils sont devenus fous ! (Onfray, Montaigne et Mitterrand)

Reviens, Montaigne, ils sont devenus fous ! (Onfray, Montaigne et Mitterrand)

Par admin, vendredi 16 novembre 2007 à 10:38 :: Essais / Philo / Témoignages :: #305 :: rss

Michel Onfray 1a Argentan 24 oct 2007
envoyé par arp

Dans cette interview de Michel Onfray, plutôt stimulante, l’auteur du Traité d’Athéologie, soutien de Besancenot à la dernière présidentielle, nous livre son opinion sur Mitterrand : attention, nous dit-il en substance, il aurait fallu se méfier de cet homme qui se prétendait de gauche… Au début de son premier mandat, il s’est fait photographier par Gisèle Freund (une Juive, alors qu’il était antisémite, nous rappelle Onfray) avec à la main les fameux Essais de Montaigne. Cela aurait dû nous mettre la puce à l’oreille ! Car Montaigne n’est rien moins qu’un adversaire de la « nouvelleté » (mot du XVIième pour « nouveauté »), et donc un réactionnaire, dixit Onfray.

C’est un peu vite juger l’un des auteurs les plus merveilleux de la langue française. Ce qui m’a frappé dans l’interview de Onfray, c’est que je me rappelle très bien la page à laquelle il fait référence, et qui m’avait ébloui lorsque je l’avais lue, il y a quelques années maintenant. Je m’étais parfaitement reconnu dans le propos de Montaigne…

Il ne m’avait pas semblé opposé à la « nouvelleté », il voulait plutôt faire preuve de la plus grande prudence en matière de politique. Et c’était parfaitement normal, en cette période d’impitoyables guerres de religion (Montaigne, dans son château bordelais, en avait senti passer le souffle).

Il est vrai que Montaigne passe pour un conservateur, mais le terme de « réactionnaire » me paraît excessif, du moins ne pas correspondre à la finesse, à la beauté, à l’incroyable richesse d’expérience et de pensée que représente chaque texte de Montaigne. Comment réduire son œuvre à cette notion politique extrêmement péjorative, qui prend de plus un sens très particulier depuis plus de deux siècles maintenant, hantés par les débats continus sur le bien fondé de la Révolution Française ?

Montaigne nous mettait en garde contre le génie de certains systèmes qui paraissaient sublimes sur le papier, mais dont rien ne garantissait la viabilité (le meilleur exemple en étant la République de Platon). Au contraire, la moindre association de forbans, de filous, d’hommes apparemment ignares, prendra la forme que lui dictera la nature, et fonctionnera bon an mal an…

Il y a sans doute un brin de provocation dans ce genre de propos. Mais une délicatesse, aussi, une prudence pleine d’amour pour la vie. Cela ne peut que réjouir l’esprit de contradiction que je sens palpiter en moi, mais également le réformiste modéré que je suis décidément en matière politique.

Je m’étonne d’ailleurs qu’après un XXème siècle si riche en révolutions de tous bords, ayant toutes abouti à des massacres, la prudence joyeuse de Montaigne ne soit pas davantage à l’ordre du jour (n’a-t-elle pas des points communs avec l’éthique d’un Camus dont Onfray nous a pourtant récemment fait l’éloge ?)

Lisez plutôt ce passage (attention, il s’agit d’un français nettement vieilli, mais d’autant plus savoureux…), qu’on devrait faire apprendre par cœur à toutes les classes de français :

« Enfin je vois pas nostre exemple que la societe des hommes se tient et se coust, à quelque pris que ce soit. En quelque assiette qu’on les couche, ils s’appilent et se rengent et s’entassant, comme des corps mal unis qu’on empoche sans ordre trouvent d’eux mesme la façon de se joindre et s’emplacer sans ordre trouvent d’eux mesme la façon de se joindre et s’emplacer les uns parmy les autres, souvent mieux que l’art ne les eust sçeu disposer. (…)

La necessité compose les hommes et les assemble. Cette cousture fortuite se forme apres en loix ; car il en a esté d’aussi farouches qu’aucune opinion humaine puisse enfanter, qui toutesfois ont maintenu leurs corps avec autant de santé et longueur de vie que celles de Platon et Aristote sçauroyent faire. » (Essais, Montaigne, Livre III, Chapitre IX)

Amen !

COMMENTAIRES

1. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:39, par vince

manifestement, onfray joue sur le fait que personne, ou presque, n'a vraiment lu montaigne... Du coup, il peut facilement lancer des affirmations péremptoires, que personne n'ira vérifier Ce qui me fait marrer avec onfray, (je veux dire, ce qui me plait chez lui), c'est qu'il attache à tout bout de champ ! ca dépote, tout le monde s'en prend pour son grade ! si tout le monde pouvait etre comme lui !

2. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:40, par Hoplite

Merci pour cette vidéo que je ne connaissais pas Mister Pat !;-) Pour ma part, je préfère lire Michel Onfray que l'écouter. Ses propos politiques sont plutôt intéressants mais assez rapides, un peu alambiqués (société hors du marché avec une économie de marché ? on dirait un marché de dupes, non ?) et souvent à charge (Mitterand antisémite, ça discute un peu, non ?). Donc prudence. Même si je partage son point de vue sur l'éducation et les "enfants de bourgeois" qui s'en tireront toujours, quel que soit le système éducatif. En revanche, la critique de Montaigne est vraiment superficielle. Justement, Vince, j'ai pris la peine de vérifier dans les textes. Notamment dans les Essais, I, 23 : "Je suis dégoûté de la nouvelleté, quelque visage qu'elle porte, et ai raison, car j'en ai vu des effets très dommageables..... [La nouvelleté] qui nous presse depuis tant d'ans [...] a tout produit et engendré : voire et les maux et ruines qui se font depuis sans elle, et contre elle... Ceux qui donnent le branle à un Etat sont volontiers les premiers absorbés en sa ruine." La "nouvelleté" désigne sans ambiguité la Réforme et surtout, les affreuses guerres de Religion qu'elle a provoquées. Certes Montaigne est dans un sens un "conservateur". Mais il l'est par pragmatisme et prône également la tolérance et le scepticisme. En ces temps troubles, méfions-nous, avec Montaigne, des nouveautés trop démagogiques et explosives. Surtout lorsqu'elle touche la laïcité ou le religieux. Cordialement! ;-)

3. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:40, par pat

merci, une nouvelle fois, pour tes commentaires éclairants ! D'ailleurs, comment fais tu pour retrouver si vite un mot dans toute l'oeuvre de Montaigne ? Mon édition ne me permet pas de telles recherches... Sur le net, peut etre ? Ou bien tu connais parfaitement bien cette oeuvre touffue ?

4. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:40, par marco

En fait, la charge injuste d'Onfray contre Montaigne est logique: Onfray est dans l'affirmation constante, et sa vision du monde est très binaire (pour ne pas dire manichéenne _ cf en politique, dans son "Politique du rebelle": micro-fascismes contre micro-résistances). Du coup, la pensée souple, évolutive de Montaigne, qui n'entre dans aucun "camp" prédéfini, il ne peut que la rejeter. A vouloir transmuer toute pensée en action, Onfray finit par confondre modération et indécision, sens de la nuance et contradiction interne, prudence et conservatisme.

5. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:41, par pat

c'est vrai que michel onfray semble avoir l'obsession de l'action... Il y a une excellente vidéo dans laquelle on le voit se friter avec attali a propos de cette question : il s'emporte quand attali lui reproche de ne pas mettre la main à la pate... (c'est d'ailleurs une obsession chez les intellectuels, celle de ne pas agir : cf Sartre, par exemple...)

6. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:41, par drago

franchement, le traité d'athéologie, c'est la plus belle daube qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps. il fait expres d'écrire aussi mal, le pere onfray ? c'est illisible ! c'est un imposteur, ce mec, ou je me trompe ?

7. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:42, par hoplite

Non, non, pas vraiment amateur de Montaigne même si j'en lis régulièrement des extraits depuis mon année de Première. J'ai trouvé l'extrait ci-dessus dans la fameuse anthologie de Darcos, XVème. La partie sur Montaigne est excellente (assez exhaustive, bien commentée et annotée), comme l'ensemble de l'ouvrage. Les manuels (sur plusieurs volumes) sont d'excellentes introductions aux oeuvres des grands (Rabelais, Aubigné, Saint-Simon, La Bruyère, Bossuet, etc...) qu'il est parfois difficile d'affronter de bloc. Rien ne vaut le texte intégral mais j'avoue que j'y vais progressivement en lisant de larges extraits... ;-) Bref, c'est des lectures qui prennent une vie entière et je me réserve l'édition complète et originale de Montaigne pour... ma retraite (lontaine)! A noter : il existe une édition assez sérieuse des Essais en Français moderne qui coûte... 40 euros. Enfin... Noël approche! ;-) Cdt!

8. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:42, par pat

décidément, je vais essayer de me procurer le bouquin de darcos ! je vais l'exhiber en salle des profs, ca risque de jaser !! Quant a montaigne, j'ai l'édition quadrige (la rouge), qui est vraiment bien faite (chaque mot difficile est traduit), avec de tres bonnes introductions pour chaque chapitre. La lecture reste exigeante, mais accessible (j'avoue que je n'ai lu que le volume III, mais il m'a fortement impressionné, et pour longtemps !)

9. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:42, par hoplite

Les manuels de Darcos (et alii) ne coûtent que 3 ou 4 euros (pour 400 pages voire plus) : ils sont d'occasion. Mais attention : on les trouve au Gibert Scolaire, rue Racine. Ils valent le coup d'oeil.

10. Le lundi 26 novembre 2007 à 10:43, par drago

personne ici n'a l'air de remarquer qu'onfray professe bcp d'épaisses conneries, sous ses airs de professeur distingué : par exemple quand il dit que vouloir que la Sécu s'équilibre, c'est une idée de droite... Qu'un homme de gauche, en la matière, dépense sans compter... Mais putain, c'est dingue d'etre aussi irresponsable ! c'est dingue de faire semblant de croire qu'un systeme peut tenir en se contentant d'etre d'une générosité sans fond ! Onfray, quand il donne son avis sur des questions de politique contemporaine, nous montre tout simplement qu'il est BETE

11. Le vendredi 25 septembre 2009 à 10:28, par helene

Vous avez mal interprété !! comme quoi les jugements si hatifs sur les gens, sans même ne rien savoir sur leurs passions et leurs amours...

regarder le dernier livre de onfray : vivre à propos, sur montaigne...

12. Le mardi 21 mai 2013 à 11:14, par homecoming dress us

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