La littérature sous caféine


French Cadavres (Oé Kenzaburo, Le Faste des Morts)



« « Ah bon, un travail temporaire…, dit le professeur en agitant ses oreilles d’une saine rougeur. Vous êtes inscrit ici ?
- Oui, en lettres.
- En allemand ?
- Non, en littérature française.
- Ah, soupira-t-il d’un air ravi. Vous préparez votre thèse sur quoi ? »
J’hésitai à l’avouer.
« Sur Racine, Jean Racine. », me résolus-je à dire.
Tout le visage du professeur se couvrit de rides, tandis qu’il riait négligemment comme un enfant.
« Comment ça ! Un étudiant travaillant sur Racine qui transporte des cadavres !
» »

Ce passage est extrait du Faste des Morts, nouvelle présente dans le recueil du même nom, regroupant trois textes de jeunesse du seul prix Nobel japonais encore vivant, Oe Kenzaburo.

Publiées en 57, ces quelques lignes témoignent de la grande importance que revêtait la culture française dans la formation de tout écrivain nippon. D’ailleurs le recueil n’est qu’une longe adaptation, parfois maladroite, parfois majestueuse, de problématiques sartriennes (la mauvaise foi, la conscience, les objets…) au contexte politique japonais de l’époque.

Cinquante ans plus tard, il semble que les « flux d’influence » se soient inversés… Je pense que les écrivains français cherchant en Asie de quoi revigorer leur prose sont désormais beaucoup plus nombreux que les écrivains japonais, chinois ou autres lisant véritablement des Français.

Personnellement, ça me rend à la fois triste, et assez curieux de voir ce que pourrait donner une influence asiatique dans notre littérature. En B.D., le manga bouscule déjà toutes nos habitudes…

(Au passage, je me rappelle d'un article de Télérama suggérant qu'Oe ressemblait à Droopy...)

COMMENTAIRES

1. Le dimanche 15 avril 2007 à 07:56, par manue

Je suis aussi curieuse de voir le mélange que sera une rencontre de l'est et de l'ouest. De mon coté je suis assez influencée par l'école de Kyoto, qui ammène des points de vues fascinants sur notre culture de "l'ouest".
Je pense que les nippons se font tout autant influencer par les philosophes europpeens (kierkegaard étant trés coté).
Si le japon est à la mode pour certains, ils ne faut pas non plus tomber dans une idéalization un peu endormie. Je pense ici à l'exemple du livre de Roland Barthes: L'Empire des Signes, qui bien qu'ammenant des points de vue inttérressants est quand même remplie de projections et d'idealization un peu trop facile à mon gout.

Coté bd c'est vrai que le mangas est intérréssant, mais il produit autant de merde, et d'ailleurs je pense plus, que le monde bd de l'europe. n'oublions pas que bons nombre de dessinateurs bd nippons viennent en france pour faire leur bd!
La scéne europpéenne de bd est toute aussi intérressante et créatrice que la scène niponne.

Les nippons nous idealizent autant que nous le faisons. Dans le fond ce qui est plus inttérréssant, c'est l'échange culturel, parce que cet échange ne vas jamais que d'un coté;)

2. Le dimanche 15 avril 2007 à 09:47, par mister pat

Parfaitement d'accord avec tout ce que tu dis... C'est vrai que le livre de Barthes est à la fois somptueux, et un peu a coté de la plaque (comme tout ce qu'il écrit ?). Il nous présente un Japon completement fantasmé, à l'exotisme radical, mais on a l'impression que c'est une autre planete... En plus, quand on fait l'effort de lire tres en detail, on se rend compte que beaucoup de paragraphes recèlent d'authentiques clichés, et des idées parfois simplistes, cachés sous le vernis de cette langue splendide... Quant aux mangas, on m'a parfois dit que le niveau général des mangaka était supérieur à celui des européens, qui auraient tendance à s'endormir sur leurs lauriers... Le rapport qualité prix, en tout cas, des mangas, serait supérieur à celui des bd à l'européenne... MAis bon, je ne suis pas un spécialiste... En tout cas j'ai été un peu déçu par le manga qui a recu le grand prix à angouleme, pour le coup j'ai trouvé le graphisme vraiment sommaire et le texte un peu gamin (mais je vais faire l'effort de le finir...)

3. Le dimanche 15 avril 2007 à 11:05, par manue

Tout à fait d'accord sur ton analyze du livre de Barthes. Je ne peux pas parler de ses autres livres, ne l'ayant jamais encore lue. Il faut dire que je ne suis pas du tout au courant des pensurs francais:(

Je pense que si il n'avait pas mis cette superbe dernière phrase j'aurais trouvé que peux d'intéret à ce livre. La dernière phrase étant (bouchez les yeux si vous ne voulez pas savoir la fin):
"il n'y a rien à saisir". J'aime cette fin qui en quelques mots détruit tout son livre et ses images, je me suis même dis que Barthes avait peut être un sens de l'humour.
Il a des idées intérréssantes. Par exemple, j'ai bien aimée sa vision des baguettes versus la fourchette. Mais il fait un peu penser qu'il n'y a rien de beau à l'art culinaires européen, ce qui serait une grossière erreure, car notre culture culinaire est extremement riche. Il nous fait même un peu passer pour des éspèces de monstres grotestque, ce qui est..un fantasme grotesque. Les nippons étant tout aussi monstreux que nous pouvons l'être.
Bref il fantasmeun exotisme de supermarché.

Pour les mangas, en fait je trouve que les mangas nuls sont encore plus nuls que les bd européenne nulles En fait c'est leurs dessins que je trouve souvent trop pauvre et cliché, même répétitifs.
Je trouve les nouvelles series made in usa de dessins animés tels South Park, Futurama, American Dad et d'autres beaucoup plus on the edge, et graphiquement beaucoup plus inttérréssantes.

4. Le mardi 17 avril 2007 à 15:54, par mister pat

Peut etre qu'en fait il y a de la provocation, dans cet excès de raffinement de la pensée chez Barthes...
Quant à la bd US (et à son animation), j'ai surtout en tete un album absolument sublime, (je ne l'ai pas sous la main et je n'ai pas retenu son titre...), au texte sordide mais tres poétique, et au dessin tres épuré, tres coloré: mais bon, tant que je n'ai même pas le nom de l'auteur, ca ne sert à pas grand chose que j'en parle...

5. Le mardi 17 avril 2007 à 15:55, par Christie

ah ben moi aussi je lis Oe, grâce à toi.. merci cher lecteur

6. Le mardi 17 avril 2007 à 16:02, par mister pat

Et tu y arrives ? C'est une lecture assez ardue, il faut reconnaitre... Tu as acheté "Comment survivre à notre folie", c'est ca ? Je me souviens d'avoir peiné à la lecture...

7. Le mardi 17 avril 2007 à 16:53, par hélène

fascination réciproque, oui c'est cela la relation France /Japon...même orgueil , même sensation d'être les "meilleurs du monde" d'où cette approche reposant ,ce me semble, sur un énorme malentendu...Mais ça marche et c'est étonnant à vivre sur place.
Quant aux mangas,il y a de tout, des vrais oeuvres d'art..et de la merde...

8. Le mardi 17 avril 2007 à 18:23, par mister pat

J'ai souvent entendu de la part de Japonais qu'ils se sentaient proches des Allemands... Meme sens du travail, meme sens de la discipline, etc.... Je pensais que les francais, pour eux, c'était au contraire l'exotisme d'un certain romantisme, le chic, le farniente, etc...
Mais sur la question de l'orgueil, il y a sans doute bcp de vrai dans ce que tu dis !

Ajouter un commentaire

Les commentaires pour ce billet sont fermés.