La littérature sous caféine


Un mammifère chez les profs

Je refeuillette par hasard le Prix de Flore 2003, Mammifères, de Pierre Mérot. Et je redécouvre des pages réjouissantes, dont le cynisme ne doit pas plaire à tout le monde, loin s’en faut, mais que je trouve revigorantes. Les errances alcoolisées du narrateur sont prétextes à maximes, anecdotes amères et constats d’échec. Il faut sans doute un certain sens du second degré pour apprécier ce roman, mais une fois accepté le principe d’une noirceur radicale, pleinement assumée, la lecture peut se révéler plutôt drôle, et parfois émouvante.

« La vie nous fait croire désormais que nous pouvons nous séparer des personnes et aimer à profusion. C’est bien sûr faux. Aimer est exceptionnel. Ne pas aimer est la règle. Accepter cette règle devrait donner un début de bonheur. » (p34 de l’édition de poche)

Autre exemple, qui risque d’en agacer plus d’un(e), et à propos duquel je tiens à préciser que je ne suis pas d’accord (ayant toujours pris la défense des profs, considérant qu’ils exercent un métier dur et mal reconnu) :

« Le milieu enseignant semble majoritairement composé de femelles qui toutes ont lu au moins un livre dans l’année, généralement un prix littéraire, un livre de sexe qui fait scandale, ou le dernier catalogue de la CAMIF. Cette lecture annuelle venant enrichir un socle culturel constitué de Belle du Seigneur , d’ouvrages de Daniel Pennac ou de Le Clézio (dont elles ont un poster au-dessus de leur lit), et de quelques grands classiques qu’elles analysent chaque année avec une audace renouvelée, généralement des pièces de théâtre. (…) Elles produisent chaque année, dans une merveilleuse banlieue multiraciale, à l’ « Espace Jacques Brel », un spectacle à mi-chemin entre Racine et Mamadou Gnou. Qui est Mamadou Gnou ? Nul ne le sait. Le titre en est généralement Couleurs du monde, Mon voisin nègre, Islam mon amour (…). On les félicite. Elles retardent l’insurrection de la banlieue. Elles sont généralement connes. Elles sont divorcées et éteintes. Mais comme elles sont professeurs, elles le paraissent un peu moins que la majorité de la population. » (p98)

(C'est méchant, c'est gratuit, c'est faux, mais c'est assez drôle, non ?)


COMMENTAIRES

1. Le mercredi 31 janvier 2007 à 16:13, par Christie

ah ben, ce livre que j'avais hâte de lire, il m'est très vite tombé des mains.. j'aurais dû pousser un peu plus loin car c'est rigolo les passages que tu nous "lis"..

2. Le mercredi 31 janvier 2007 à 16:32, par Sophie (the old)

Aya...avant de lire ta dernière phrase, entourée de parenthèses, j'avais déjà gloussé toute seule devant mon computer à plusieurs reprises (...le poster de Le Clézio, "l'espace Jacques Brel"...oups!). Mais il l'a construite à partir de quoi sa caricature?...Il est/a été lui-même prof? [et quid about la version masculine de ce qu'il décrit??!!]

3. Le mercredi 31 janvier 2007 à 17:42, par Emmanuelle

Je suis prof : je ne lis pas Mérot, connaissais même pas. Je lis au moins un livre par semaine (parfois jusqu'à 4), de la littérature, pas des prix (mince), je ne suis pas divorcée, j'ai pas l'impression d'être éteinte et plus ça va, plus j'aime mon boulot, mes élèves, et ces extraits je les trouve pas marrants mais plutôt mal écrits. Mais bon, je suis pas prof de lettres et je n'enseigne pas en banlieue, ni même en ville, alors je suis peut-être pas une vraie prof qui sait ?

4. Le mercredi 31 janvier 2007 à 18:40, par Sophie (the old)

Emmanuelle, j'y vois là, il me semble, une pure grosse caricature...Et comme le souligne Aymeric, c'est méchant, gratuit et faux. Et peut-être mal écrit...Mais c'est tellement gros que ça m'a fait sourire/pouffer...Des caricatures sur les profs, on en lit/entend régulièrement...et oui, je reconnais que là, j'ai souri!
[Moi aussi je suis prof, et moi non plus je fais rien du tout de ce qu'il décrit, rien de rien...enfin si, je suis une femme...mais alors peut-être pas une vraie prof non plus??!!..Le monsieur en a peut-être croisé une ou deux comme celles décrites et zou!]

5. Le mercredi 31 janvier 2007 à 19:08, par mister pat

La première fois que j'ai lu ce passage, je me suis dit que c'était vraiment de la méchanceté gratuite... Puis je me suis ravisé en réalisant que ce n'est pas si fréquent les livres un peu mordants (ca risque meme de s'éteindre tranquillement, non ?). J'apprécie de plus en plus la satire et la polémique (quand elle est bien tournée)

6. Le mercredi 31 janvier 2007 à 22:24, par emmanuelle

Justement, je trouve ça plutôt "mal" tourné (t'en fais pas je suis la première à voir et même grossir les défauts des profs). Par contre, tu te trompes : c'est à la mode, les livres "mordants", la satire, il me semble. Bon allez, je vais aller lire un livre.

7. Le vendredi 2 février 2007 à 09:33, par Ness

Ce n'est pas faux, ni vrai d'ailleurs, c'est consciencieux, aigre et donc un peu tendre au départ...ou alors est-ce juste chez moi que le cynisme nait de la fascination tendre à l'observation...?
Chouette découverte!

8. Le vendredi 2 février 2007 à 17:28, par manue

hahaah.
méchant gratuitement et trés drole en même temps.
drole justement parce que c'est une caricature grossière et presque absurde.
trés sensibles paroles d'amour en même temps.

9. Le samedi 3 février 2007 à 10:53, par cassiopée

Bien moi aussi, ça m'a fait rire tant c'est gros. Au font, ce genre de caricature me parait plus amusante que d'autres qui se prétendent proches du réel et qui sont à coté de la plaque. J'imagine bien qu'être prof ça ne doit pas être facile

10. Le samedi 3 février 2007 à 21:23, par activewoman

Oui il faut bien rigoler, hein, non plus. Et puis il y a un tout petit point un peu vrai: le coup des spectacles de la socio culture, a la fin c'est un peu lassant...

11. Le vendredi 10 octobre 2008 à 03:44, par vadim19

moi jtrouve ça assez vrai et pas tellement exagéré...

12. Le vendredi 10 octobre 2008 à 08:17, par pat

Mérot vient d'ailleurs de sortir un nouveau roman : il est dans mes piles à lire !

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