La littérature sous caféine


mardi 16 décembre 2025

Pierre à feu

Il n'y aura pas d'invité fantôme à la soirée géométrie (l'exercice se prêtait davantage au Père-Lachaise ou aux histoires de famille) mais un invité d'honneur, un invité qui s'imposait puisque son nom pourrait avoir inspiré le principe même de cette soirée : Pierre Poligone. Comment ne pas s'en réjouir ? Nous célébrerons la magie des mots, la magie des hasards, la magie des formes, et la verve de Pierre fera des étincelles - Pierre à feu !

Goths

Sublime exposition "Gothiques" au Louvre-Lens. Je fonds en amour pour les gargouilles, les perspectives monumentales, le romantisme noir, à l'heure où je deviens à la fois obsédé par la mystique et par le romanesque des légendes de toutes sortes, qu'elles nous viennent du monde grec ou des brumes du nord (ici, cet homme souriant n'est rien moins qu'un tentateur diabolique). La lecture de Jung n'est pas pour rien dans mon éveil à cette richesse des "images élémentaires", dont je compte d'ailleurs m'inspirer pour animer la soirée potache "géométrie" de dimanche. A priori, il n'existe aucun point commun entre le gothique et les triangles, les carrés, et pourtant...

lundi 15 décembre 2025

Soirée géométrie

soirée géométrie
Événement potache 7

A vos crayons !
Venez mettre vos vies
En courbes et formules

Dimanche 7 décembre, de 20h à 22h
Restaurant La Rotonde

Tengour, Merle, Druon

Je lis peu de ce qu'on pourrait appeler "les romans historiques", toutes ces fictions développées sur un arrière-fond lointain, que les personnages soient inventés, romancés ou inspirés de figures réelles. Il y a finalement mille degrés dans le genre. Je me souviens du virevoltant "Fortune de France" de Robert Merle sur fond de guerres de religion - le romanesque fonctionnait à plein, tout en peignant la vie quotidienne. Je me souviens des "Rois maudits" de Maurice Druon, prenant place avant la Guerre de cent ans, d'une écriture plus dense, cernant les intrigues terrifiantes des cours et des palais. Avec Dounia Tengour et son "Catherine d'Aragon et Jeanne la Folle" (Perrin 2025) je découvre une écriture précise et sobre, au présent, collant à la vérité historique mais donnant sa chance à l'effet de réel et à la dramatisation. J'avoue être admiratif de ces plumes qui parviennent, par je ne sais quel miracle de travail et de talent, à donner cette sensation d'ampleur et de profusion... Quelle ambition ! Quel vertige !

dimanche 23 novembre 2025

Gothique français

L'épouvante, le gothique, le bizarre ont mauvaise presse en France - sauf s'ils sont estampillés américains. Alors il faut saluer les plumes dans ces genres-là quand elles sont de qualité. Raphaël Eymery proposait en 2017 un roman tout à fait singulier, "Pornarina" (Denoël, Prix Sade du premier roman 2017), outrancier par ses thèmes, baroque par sa composition, élégant par son écriture, mélange détonnant d'enquête et d'horreur sur fond de psychopathie et de détracage sexuel. Jusqu'au bout la prostituée-à-tête-de-cheval restera mystérieuse pour mieux hanter le lecteur. Hâte de découvrir les autres pépites d'Eymery, passées et à venir !

Encore raté

Encore une occasion ratée pour le cinéma français d'adapter de manière convaincante la légende arthurienne ! Alexandre Astier est brillant dans le burlesque mais en lorgnant vers l'épique il perd son souffle (Kaamelott 2 (2025)). L'épopée peut tolérer quelques incursions comiques, elle ne survit pas au format du sketch, surtout quand l'intrigue se perd en une multitudes de quêtes si éloignées du corpus originel qu'on se demande bien quel est leur sens.

Dommage. Le cinéma français a pourtant su s'inspirer de Balzac, Dumas, Zola... Pourquoi butte-t-il sur l'écueil du Graal, dont la France a pourtant fourni des jalons essentiels ? Si Astier s'en était tenu à l'héroï-comique, il aurait pu rivaliser avec les Monty Python. Je n'ose même pas regarder la version de Rohmer et de Luchini, j'aurais peur qu'elle me gâche à la fois Chrestien de Troyes et Rohmer !

dimanche 16 novembre 2025

Survie

On aimerait avoir connu certains auteurs avant qu'ils ne disparaissent. On aurait suivi l'œuvre à mesure qu'elle se déploie. J'ai ce regret avec Pierre Bourgeade (1929-2007) dont je découvre ahuri le formidable "Warum" (Tristram, 1999). J'aimerais avoir son écriture vive et tenue, sa façon de décrire amours et rencontres avec autant de naturel. Il alterne souvenirs et récits sans qu'on sache toujours si ces derniers sont imaginés. La seule logique est celle du ton, dégagé, limpide. Dans certains chapitres, il livre des histoires provocantes comme si de rien n'était. La seule morale consiste dans le constat qu'il existe des choses fortes et belles, et qu'elles sont parfois difficiles à vivre. Il a l'élégance de clore le livre par un art littéraire qui tient en un paragraphe :

"Que faire ? Je rentrai chez moi. Je dormis deux jours. Le troisième jour, je m'assis devant ma machine à écrire. J'étais perdu. Je savais que je ne retrouverais jamais Warum. Elle avait dit qu'elle allait à Berlin. C'est quoi "Berlin" ? Un mot, sur une carte. Elle pouvait aussi bien être partie à Rome, à Boston, au Kenya, au cimetière. Je ne la reverrais pas - ni elle, ni Harriet, ni Eva, ni aucune autre, disparues dans ce monde foutu. J'étais seul. Écrire, voilà. Il me fallait écrire pour me sortir de cet enfer. Écrire. Écrire. Écrire. Écrire un roman. Y jeter la jeunesse, mon désir, ma force. La nature du roman, c'est la survie."

Fantasmes ethniques

La révolte des gaulois" (2020) constituait une continuation des "Petits Blancs" (Points Seuil 2013). Il m'a valu quelques inimitiés. L'Express, Marianne, Le Figaro se sont fendus de jolis papiers mais des éditeurs que je croyais amis m'ont claqué la porte au nez, des camarades ont fait la fine bouche et certains journalistes, si j'en crois des bruits de couloir, m'ont calomnié. Je ne cherchais pourtant qu'à souligner quelques enjeux de la question ethnique, sans prendre parti, dans un souci tout personnel d'essayer d'éclairer la situation (le mot Gaulois se voulait un clin d'oeil aux "Gaulois réfractaires" de Macron). Il faut croire que le sujet soit incandescent : sa simple évocation peut vous valoir d'être ostracisé. On ne m'y reprendra plus, je n'ai pas le goût du conflit. J'ai dit ce que j'avais à dire. Je me concentrerai maintenant sur des projets plus consensuels.

N'empêche que l'actualité me ramène souvent aux questionnements qui me taraudaient. Par exemple, cette récente saillie de Bégaudeau dans "Psychologies" (2025) : "Les Blancs vont disparaître et je ne les pleurerai pas. (...) Une dernière pensée pour les faces-de-craie avant l'extinction de l'espèce." J'avais précisément écrit une page, que je sentais osée, sur le fantasme implicite de certains chroniqueurs sur la disparition des Blancs, ces Blancs qu'ils estimaient par ailleurs ne pas exister - le paradoxe soulignant leur hostilité. J'avais eu peur d'en faire trop. Or, en quelques petites années, le fantasme est devenu non seulement explicite mais revendiqué. A vrai dire, je ne sais plus s'il faut en rire ou en pleurer. Dans le doute je ferai le choix d'en rire. 🙂