La littérature sous caféine


jeudi 8 mai 2025

Saint Michel

Hasard heureux, c'est un vendredi saint que je clos ma semaine à Rhodes et que je découvre sur l'île de Symi le monastère de l'archange Michel, situé sur la "Ligne sacrée de Saint-Michel" (incluant le Mont du même nom). Le véritable exotisme est ici : non pas dans les mosquées souvent décoratives, ni dans les temples d'Apollon perdus dans la montagne, mais dans ce culte orthodoxe encore vivace qui, par ses brassées de fresques et de dorures, lorgne vraiment vers l'Orient.

Colossal

Le chant des Vaches du Soleil dans l'Odyssée m'a toujours un peu déçu. J'en comprends mal la symbolique et la beauté. Mais je lui prêterai davantage d'attention maintenant que je découvre Rhodes. Le Soleil qui se venge des compagnons d'Ulysse c'est Hélios, le fameux Colosse ! Il y a quelque chose de viril dans cette île. Tremblements de terre, conquêtes, châteaux forts... Même Ulysse y a subi son pire revers.

mercredi 7 mai 2025

Divinités

A Rhodes la présence du christianisme se fait discrète. Il y a bien quelques petits monastères dans les collines mais en ville la plupart des églises ont été transformées en mosquées. Même les clochers ressemblent à des minarets. Pourtant le quartier fortifié, fondé par un ordre hospitalier, devrait être un bastion chrétien. Trois siècles de pouvoir ottoman sont passés par ici. Mais c'est une troisième religion qui bat dans le cœur des touristes, on le remarque aux colifichets dans les boutiques : les statuettes de divinités grecques s'imposent dans l'imaginaire, sans attirer les foules pour autant dans les sanctuaires.

Rhodes médiocre

Des traces de misère, un habitat médiocre font à Rhodes, quand on sort des sentiers touristiques, un contraste terrible avec le sublime des "Hymnes homériques"... Où donc sont partis les dieux ? Il faudrait imaginer un nouvel hymne où Zeus se retire quelque part pour un long sommeil, un peu comme Merlin piègé par Morgane dans un rocher.

jeudi 1 mai 2025

Lindos



A Lindos le sanctuaire d'Athéna juché sur l'Acropole est cerné de temples latins et de murailles médiévales. Les époques ont fait un mille-feuilles architectural au-dessus d'une ville sinueuse toute blanchie à la chaux - paradis moderne pour le farniente. Ici souffle un peu de l'esprit non pas d'Athéna mais d'Hermès dont le poète chante la créativité, la malice et le sens musical.

mercredi 30 avril 2025

Rhodes



Je découvre l'île de Rhodes un livre à la main, celui des Hymnes homériques. Et je tombe un peu par hasard sur les restes d'un temple d'Apollon. 2 500 ans d'histoire observent le visiteur du fond d'un petit parc à l'abandon... Pauvre Phébus ! Heureusement que la littérature, bien traduite et bien annotée, maintient vivace la présence de ces divinités. Dans le deuxième hymne, je suis par exemple sensible à cette idée que Léto, grosse du futur Apollon, dialogue avec Délos pour négocier l'autorisation d'accoucher chez elle. J'aime ainsi me promener sur des îles qui, un jour, ont été si joliment personnifiées.

"Je dirai, délices des humains,
Comment t'enfanta Létô,
Adossée à la pente du Cynthia,
Dans l'île pierreuse,
Dans Délos qu'entourent les vagues ;
Des deux côtés la vague noire
Se brise sur le rivage
Lorsque sifflent les vents."

mercredi 23 avril 2025

Vigueur

Certains auteurs misent beaucoup sur la vigueur sexuelle pour donner du sens à leur œuvre. Ils prennent le risque de finir par écrire des livres assez sordides : le déclin physique leur est insupportable. Je pense à Gary, je pense à Roth... Sollers aurait pu tomber dans cette noirceur mais il forçait son trait joyeux. A bien le lire, on trouvait cependant quelques ferments d'aigreur.

mardi 8 avril 2025

Yo Marchand



Présentation de l'exposition "Les Oplontis" par Fabrice Pataut :

"La galerie Claudine Legrand accueille ce mois de mars la série Les Oplontis de Yo Marchand. Il faut s’y rendre et s’accorder le temps de s’arrêter devant chacune de ces toiles, revenir en arrière et reprendre comme on relit une longue phrase avec ses points-virgules et ses digressions tant les toiles se répondent, se citent, s’observent, se commentent. Je veux dire par là qu’on sera frappé par l’unité de ce qu’on pourrait appeler un projet ou un programme dont Yo Marchand a soigneusement effacé les ébauches pour nous livrer sans commentaires superflus de la peinture pure.

Il y a bien sûr la couleur, souvent safranée, la pourpre impériale de Tyr, le bleu et le gris métalliques et cendrés, tous immédiatement reconnaissables, tous à l’huile, qui font la matière et le style particulier de ses dernières toiles. Les Oplontis sont numérotés comme si nous avions des cotes pour le classement de livres ou de dossiers. C’est une chose assez rare qui justifie qu’on s’y attarde. Remarquez la pliure blanche, centrée dans le n°19, décalée et en couleur dans le n° 3, de nouveau centrée, quoique faussement dans le n° 4 puisqu’on la voit dans un rôle de ligne médiane alors que la ligne, à peine déplacée, n’est plus tout à fait au centre. Ce jeu de la pliure ou de la ligne de séparation fait travailler le spectateur. Et il y a là indéniablement la matière d’un spectacle, comme si l’on était au théâtre d’Oplontis, la ville éponyme, ensevelie avec ses sœurs Pompéi, Herculanum et Stabies dans l’éruption de 79. À moins qu’on ne soit dans une bibliothèque pour feuilletter debout quelques parchemins.

Remarquez également ce que j’appellerai faute de mieux les bandelettes ou les infules inscrites dans la toile plutôt qu’ajoutées : une rouge orangée, verticale, à gauche, dans le n° 19 ; une autre beaucoup plus grande, ocre, également verticale et à gauche, dans le n° 4. Yo Marchand leur a rendu leur place naturelle, patiemment tant sa démarche est lente, fragile, attentive, insensible au discours des mots, uniquement tournée vers l’émotion, vers le trouble que l’on ressent à voir chaque contour, chaque tracé, chaque ligne revenu à la place qui lui est propre.

La toile rélève parfois une trame, ou bien le couteau a-t-il au contraire déposé plusieurs couches, assez minces mais qui, superposées, donnent une belle matière veloutée, jamais épaisse. Ce sont là autant de traces de dépôts, d’usure, d’humidité, autant de tiquetures. On pense volontiers à la lie et au sédiment, choses naturelles, et à toutes les marques anciennes pour lesquelles le temps a travaillé avec patience, là où les hommes ont construit, mais là aussi où ils ont laissé faire une nature injuste et aveugle.

La lenteur et la constance sont la marque de ce travail. Yo Marchand insiste sur ce point dans son texte de présentation. J’ajouterais volontiers si elle me le permet : le recueillement — mais d’un genre terrestre, pour ne pas dire tellurique.

Sa nouvelle exposition est à voir absolument et sans retenue aucune."

Exposition Les Oplontis
du 6 au 27 mars 2025 à la
galerie Claudine Legrand
49, rue de Seine
75006 Paris