La littérature sous caféine


Réactions de lecteurs (2)

Mail collectif d'un auditeur de ma conférence à Marseille pour NDL :

Une question qui m’a étreint au point d’aller la poser à l’auteur et de nous la poser ici et de la lui poser : Que faire ?

La force de sa conférence, c’est le parallèle entre ses « petits blancs » exclus du monde économique solvable, et lui-même l’auteur, et je me sens complètement comme lui, « petit blanc intellectuel », exclu aussi. De quoi ? par qui ? rejeté où ? mais surtout, que faire ? qu’est-ce que le petit blanc peut faire ? ou plutôt qu’est-ce que nous, citoyens pouvons faire pour eux, et pour nous, car nous partageons le même monde, qui ne résume pas à un mode économique solvable : il n’y a qu’une planète, qu’un espace vital vivable… et qu’est-ce que nous, petit blanc intellectuel, pouvons faire pour ne pas faire comme le petit blanc qu’il nous décrit…

Mais justement, revoyons d’abord ce qu’il nous décrit dans sa conférence,

Aymeric, l’auteur conférencier, nous a retracé le portrait de gens qu’il appelle « petits blancs ». Des gens pauvres, exilés chez eux, prenant de ce fait un beau jour conscience de leur blanchitude et de leur exil irrévocable, non pas quelque part, mais hors de leur groupe majoritaire d’origine.

Il fait le parallèle aux Etats-Unis où il voit les mêmes « petits blancs » qui eux se revendiquent « white trash », « raclure de blancs ». Là-bas, il a identifié que leur comportement tend à une forme de désir d’intégration locale. Intégration qui a minima s’exprime par l’acceptation de leurs voisins d’infortune et non pas par la haine envers ces minorités communautaires qui sont son univers et l’en auraient virtuellement exclus (virtuellement car le pauvre blanc white trash est bien obligé d’y vivre quand même). Intégration à ses voisins en communautés pourtant excluantes, mais Intégration quand même et qui s’exprime surtout par le rejet… du blanc bourgeois qui l’ont exclu, lui, petit-blanc white trash effectivement de la pseudo-communauté majoritaire, rejet hors de toute communauté qui va se traduire jusqu’à la violence revendiquée à l’encontre des blancs-bourges telle d’un Eminem (rappeur qui vaut le détour, 8 mile, très beau film qu’Aymeric aurait pu citer dans ses nombreuses références à cette culture US).

Chez nous en France, plutôt que Violence, il constate une certaine Léthargie : le « petit blanc » renonce et s’enfonce là où il est, en y trouvant sa place, avec résignation, n’y trouvant pas sa vie car il y a nulle part où aller, n’y exprimant plus aucune voix, le contraire donc d’une FN-isation dont certains bien-pensants se disent qu’elle devrait ou risquerait être leur expression naturelle, phénomène dont ils craignent qu’elle ne soit récupérée comme « cette souffrance blanche en terre envahie » et que ce risque de FN-isation suffit selon eux à justifier le voile pudique, pardon, la chape de plomb dont ils veulent incarcérer la pensée autour de ce thème.


Et c’est là qu’on retrouve l’auteur, et moi, et peut-être chacun de vous : « petit blanc intellectuel », désireux encore de penser par soi-même, mais exclu par les penseurs professionnels dominants : les partis politiques, les thinktank qui les nourrissent, les scientifiques engagés des sciences humaines sociologiques réorientés comme phares politiques, et les médias qui tous ont désormais pour base line « lisez et écoutez ceux qui confortent vos idées » et donc s’en font non plus seulement l’écho mais le vecteur militant !

La force de sa conférence, pour nous, citoyens, réside ailleurs que dans le descriptif de cette population d’au moins 7 millions d’âmes en France. Elle réside dans la belle introduction que nous a faite Aymeric. Il a vécu 11 ans d’enseignant dans le 9.3 et ailleurs. Il affiche une vraie rigueur intellectuelle, une certaine rectitude morale à l’égard des idées et de ce qu’on doit faire comme travail de recherche pour en exprimer, une empathie véritable à l’égard de ceux-là de nos compatriotes, et pourtant, au détour d’une phrase il dit « je m’en suis sorti ». J’ai ressenti le poids de la responsabilité du témoin à leur égard, poids qui pèse sur la conscience de l’auteur. Mais quand même, il l’a dit, « je m’en suis sorti », traduisant ainsi tout le soulagement salvateur pour lui-même que lui a permis son exfiltration. Exfiltration et non pas abandon vers l’oublie comme on tourne le dos, puisqu’en cadeau il nous / leur offre cet ouvrage, témoignage de l’existence de ce continent en voie de perdition, de disparition de nos écrans radars biens pensants. « cadeau » mais que faire pour que ce ne soit pas un « dernier cadeau expiatoire » ?

Que faire ? C’était ça ma question !

Déclencher l’action. Mais laquelle ? Voici

(...)

C’est là dans ce parallèle : tout comme il y a les « petits blancs des cités » de la vie socio-économico-culturelle, il y a nous, les « petits blancs des idées » de la vie intellectuelle, nous à qui des gens disent « non, vous n’avez pas le droit de penser ceci ou cela, pas même le droit d’y réfléchir, c’est tabou, vous ne savez pas ce que vous faites, vous êtes des mineurs, laissez les grandes personnes penser pour vous ». Ces gens nous disent « soyez raisonnables : vous êtes de droite comme nous (ou respectivement, de gauche, comme nous) et donc, vous nous devez la solidarité avec la ligne du parti, on ne vous demande pas de penser, mais de voter, et si vous voulez penser, voici le journal et la télé et les médias qui confortent nos idées qui sont les vôtres, puisque vous êtes de droite (ou respectivement de gauche) ». Ces gens, qui globalement occupent la totalité du champ politique, depuis la réflexion à l’action, orientent tous leurs efforts de penser, me semble-t-il, non pas vers la construction d’un savoir mais vers l’occultation de toutes possibilités de savoir contraire à leur objectif clé : se faire ré-élire et maintenir l’ordre établi à leur avantage à eux.

Qu’ils orientent leurs efforts de pensée s’ils veulent, mais qu’ils ne m’empêchent pas de penser par moi-même, qu’ils ne fassent pas de moi un « petit blanc » de la pensée, un qui n’aurait d’autre choix que de changer de chaine de TV, de s’abstenir d’aller voter pour ne pas tomber dans un extrême prêt-à-penser, de gauche ou de droite, dans un extrême de combat non plus, mais pour ne pas se satisfaire du renoncement à penser par soi-même qu’est devenu aujourd’hui l’acte démocratique d’aller voter.

Voilà la force de cette conférence : Que faire ? suivre l’exemple d’Aymeric, et penser par nous-même, embrasser chacun des grands et petits sujets de notre vie quotidienne, et reprendre la réflexion à zéro, ou plutôt à partir de nos rares certitudes : l’homme au centre de (humaniste, etc.).

Que faire, Cher Aymeric, alors pour ne pas être transformé par ces gens-là en « petit blanc » de la pensée ? S’engager !

Où ? Me dites-vous ? je vous ai dit que je vous le dirai, voici :

Moi, nous, nous avons trouvé : nous construisons notre maison, chez Nous Citoyens. Nous n’avons pas de recettes, pas de solutions, nous avons un diagnostic, le même que vous, le même que les 38% qui se cherchent une raison d’espérer et le même aussi que les 15% qui sont sortis du système faute d’espoir de quoi que ce soit hors leur propre survie : Ce constat c’est « ceux qui nous gouvernent sont perdus dans le brouillard (et ils n’essaient plus depuis longtemps de retrouver le chemin, ils ont juste décider de réserver leur intelligence à résoudre le seul problème qui les intéresse : comment garder pour eux les manettes, même si ces manettes ne servent à rien quand on est perdu) ».

Nous n’avons pas encore de solutions, nous avons déjà quand même une méthode : on prend un sujet, et on le creuse, sans tabou, collectivement, jusqu’à ce qu’on comprenne comment il marche et comment il pourrait marcher. Pour ne pas devenir pas les « petits blancs » de la pensée, nous avons décidé de ne pas abandonner le droit de penser ni celui de revendiquer de pouvoir exprimer nos réflexions, nos cheminements, nos hésitations. Comme vous l’avez fait, Aymeric, avec votre livre et sa préface.

Le premier sujet que nous avons abordé, le seul peut-être où la réflexion est aboutie, si tant est qu’une réflexion puisse être fermée à toute construction ultérieure, c’est celui-là : « s’abstenir est s’exclure (de la Vie Citoyenne) et cela ne résoudra rien, ce qu’il faut c’est assumer d’avoir à penser par nous-même pour orienter l’action et la mettre en prise avec les préoccupations du quotidien, l’emploi, la sécurité, l’exclusion, l’éducation, le vivre ensemble, etc. et le faire sérieusement, c’est-à-dire, réfléchir pour explorer, puis pour agir et continuer à réfléchir et agir jusqu’à ça marche, et recommencer ».

Il nous semble et c’est un début de programme, qu’il faut limiter à quelques-uns, 4 par exemple, les mandats qu’une même personne peut exercer dans sa vie, et à 2 la répétition d’un même mandat. Car il nous semble que si le politique ne pouvait plus se nourrir à vie de la politique, si la réélection perpétuelle était interdite, alors, le personnel politique s’exciterait davantage à titre individuel sur sa propre utilité sociale, sa professionnalité, son recasement ultérieur dans la société civile (expression qui est le comble du ridicule ! il devrait obligatoirement y avoir donc 2 mondes et c’est bien d’exclusion de nos hors de leur monde à quoi ils s’attachent, n’est-ce pas ?). Et ce même personnel politique arriverait avec un bagage construit dans sa vie personnelle dans la société civile, cette fois perçu comme une richesse de compétences et d’expériences transférables, et non plus comme un boulet qui empêche le pékin de comprendre les subtilités essentielles de la vie politique d’aujourd’hui, au point que finalement, chaque tentative des politiques d’ouvrir leur porte à la société civile se traduit par un revirement du genre « ils étaient trop inadaptés à notre monde politique, on les a renvoyé dans leurs foyers et on est de nouveau entre soi, entre professionnels sérieux de la politique ».

Et il nous semble aussi que collectivement privé de leur vivier caste, les partis seraient obligés de construire leur pérennité non sur le succès tactique de tel ou tel cacique inamovible et des soi-disant électeurs captifs qu’il représente, mais sur l’efficacité avérée de son action sur le terrain.

Voilà, c’est mon engagement personnel, mon adhésion à Nous Citoyen. C’est le cheminement parallèle à vos « petits blancs », le cheminement d’un intellectuel qui a décidé de se prendre en charge parce qu’il en avait marre et honte de renoncer à penser, qui a fini par comprendre que le renoncement n’est pas une voie et qu’il existe un moyen d’exprimer sa voix et son vote, autrement qu’en zappant devant la TV d’une série US en radio d’informations continues, autrement qu’en se réfugiant dans les livres en autiste, ou en se réfugiant en altruiste dans les associations a-politiques.

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