lundi 31 janvier 2011
Le sexe sur-écrit
Par admin, lundi 31 janvier 2011 à 13:26 :: Littérature étrangère
Je prends souvent Henry Miller en flagrant délit de surécriture, notamment lorsqu’il raconte des scènes de sexualité effrénée ou qu’il se laisse emporter, après coup, par un lyrisme faussement brillant – accumulation d’adjectifs baroques, phrases inutilement longues, mots rares dont il se demande s’il ne vient pas de les trouver, par hasard, dans le dictionnaire…
Par exemple, ce passage qui fait suite à une scène d’amour sur la plage avec Mona, dans la deuxième partie de Sexus :
« Bientôt, les feuilles d’automne feraient leur bruit de soie froissée sur les échelles de secours rouillées et les poubelles en tôle. Bientôt, l’épidémie serait finie et l’océan reprendrait ses airs de grandeur gélatineuse, de dignité mucilagineuse, de solitude morose et rancunière. Nous étions maintenant allongés au creux d’une dune de sable et onduleuses, au bord sous le vent d’une route macadamisée, sur laquelle les émissaires d’un siècle de progrès et de lumière roulaient, dans ce fracas familier et sédatif dont s’accompagne la plane locomotion de ferblanteries à cracher et péter, étroitement tricotées à coups d’aiguilles en acier. » (Sexus, Livre de poche, 201)
Le passage suivant est plus réussi. Son style est aussi échevelé que la sexualité qu’il décrit, mais c’est un « échevèlement » mesuré, d’une certaine façon :
« Ce qui m’étonnait, c’est que ça continuait à se tenir levé comme un marteau ; ça avait perdu toute apparence d’outil sexuel ; ça vous avait un air écoeurant de machin-truc bon marché droit sorti du prisunic, de fragment d’engin de pêche brillamment coloré… moins l’appât. Et sur ce machin-truc, éclatant et glissant, Mara se tortillait comme une anguille. Elle n’avait plus rien de la femme en chaleur, ou même de la femme ; elle n’était qu’une masse de contours indéfinissables, gigotant et grouillant comme un morceau d’appât frais que l’on verrait sens dessus dessous, à travers un miroir convexe, dans une eau de mer agitée. » (Sexus, page 200)