J’ai toujours aimé les images dans les livres. Il y en a trop peu, sauf dans les livres pour la jeunesse. Pourquoi les adultes n’auraient-ils pas droit à rêver et à se reposer l’œil ? Pourquoi l’image viendrait-elle forcément limiter le sens ? Tout au plus propose-t-elle une interprétation du récit mais si partielle, et même parfois si libre, qu’elle relance l’esprit plus qu’elle ne le fige. André Breton l’avait bien compris, et c’est aussi pour cette raison que son « Nadja » me séduit : il nous offre des photos comme autant de relais, de pauses, de suggestions… Le mystère n’est pas seulement dit, il est montré.

Fabrice Pataut fait le pari de ces dessins dans son dernier livre, « Les beaux Jours ». En courts chapitres comme autant de vignettes sur les lieux de son enfance, ses rencontres, ses sortilèges, il esquisse un parcours délicat dans le paysage de ses souvenirs. La proximité avec la démarche surréaliste est évidente : il émaille le texte de ses propres croquis, naïfs ou plus aboutis, et propose même une réflexion à ce sujet. L’image n’est plus seulement, comme pour Breton, un moyen de couper court aux fastidieuses descriptions du roman réaliste et de témoigner d’un mystère, elle accompagne véritablement la création littéraire. En tout cas, elle participe ici grandement au plaisir du lecteur et au charme du texte.

« Le dessin, depuis le début, est destiné à l’écriture. Ce n’est pas qu’il tienne une place subalterne. C’est plutôt qu’il est voué à une transformation, même quand l’écriture vient en premier, ce qui est rare (…). La phrase née du dessin, relue avec le dessin sous les yeux, subit à son tour toutes sortes de contrariétés stylistiques par filtrage, épuration, suggestions équivoques, jusqu’au moment où la phrase respire seule et laisse le dessin définitivement de côté. » (p 14).