La littérature sous caféine


mercredi 28 juin 2023

L'écriture ou la mort

Dans le dernier numéro de Décapage, François-Henri Désérable confie avoir vécu la tentation d’en finir et trouvé une échappatoire dans la poésie. « Cet automne-là j’ai pensé mettre fin à mes jours, mais, comme disait Prévert, je ne savais jamais par lequel commencer. (…) Je n’ai gardé de cet épisode qu’une petite cicatrice. (…) C’est aussi ce jour-là que j’ai recommencé à écrire. Pas un roman, pas un récit, non : des poèmes. »

Pour ma part, c’est en traitant frontalement la chose que je lui ai échappé, notamment par la page liminaire d’un roman noir, « Suicide girls » (2010), et la fiction qui lui faisait suite. Le rude ou le joli, thas is the question… Quoi que les deux puissent être lyriques.

La question hante de nombreux auteurs, les pages fameuses à ce sujet sont légion – curieusement, les trois qui m’ont marqué sont toutes des noyades : celle de Javert dans « Les Misérables », celle de « Martin Eden » et celle de Nora dans « Mort à crédit » de Céline, que j’ai découverte récemment.

lundi 12 juin 2023

Sexe et social-démocratie

Je ne suis pas sûr que Houellebecq ait eu intérêt à se justifier ni à faire amende honorable. « Quelques mois dans ma vie » (Flammarion, 2022) me paraît surtout lui attirer des quolibets. J'ai maintenant d’ailleurs du mal à suivre ses positions. Je l'avais identifié comme un anar de droite, capable de sursauts conservateurs, même si ses fréquentes saillies contre le libéralisme me laissaient songeur – les anars ne sont-ils pas censés aimer la liberté ? Je suis surpris de le voir déclarer ici sa détestation d'Onfray comme son exaspération de Pascal Praud (je le croyais passé à ce bord-là, même s’il insiste pour dire qu’il croit désormais davantage aux hommes qu’aux idées), tout en affichant son admiration pour BHL ou David Pujadas. S'agirait-il d'un coming out social-démocrate ?

A mon avis, le meilleur du livre se trouve dans les scènes de sexe, d'autant plus drôles qu'elles surgissent sur fond d'autojustification douloureuse. Deux passages resteront dans les annales, le premier très réussi (une histoire de soumission immobile), l'autre assez arbitraire (j'avoue ne pas trouver convaincante sa défense du triolisme avec un homme et deux femmes pour de simples raisons physiologiques).

Les voici :

« C’est plutôt dans un troisième domaine que j’excelle, celui que j’appellerai la soumission immobile. Le principe en est simple. Entièrement nue à l’exception d’un bandeau qui recouvre ses yeux, la femme se voit attachée par des courroies aux quatre coins du lit, bras et jambes légèrement écartés. Un oreiller placé sous sa tête facilite l’accès à sa bouche. Un second placé sous ses fesses place sa chatte en position élevée, la livrant entièrement au regard (dans un premier temps). Il s’agit ensuite, pour la femme, simplement d’attendre. Il appartient alors à l’homme d’utiliser ses doigts et sa langue pour amener à leur point d’excitation maximale les deux orifices offerts. Il peut à tout moment s’arrêter, laisser passer un temps, employer sa bite à une pénétration brève, s’interrompre à nouveau. (…) C’est une manière exquise d’occuper une après-midi d’été, lorsqu’il fait trop chaud pour aller à la plage. »

« Dans la position injustement décriée du missionnaire, il est parfaitement loisible à l’homme, tout en pénétrant la femme, de caresser ses seins et de lécher, de sucer ou de mordiller ses tétons, entre autres caresses appréciées. Quelle que soit la position adoptée, si la femme peut (et par conséquent doit) caresser les couilles de l’homme au cours de la pénétration, il lui est par contre impossible de les lécher, l’intervention d’une autre femme est indispensable – la supériorité de la langue sur les doigts n’étant d’ailleurs plus à démontrer. »