La littérature sous caféine


mercredi 28 septembre 2022

Le rêve, la poésie...

Je ne me remets jamais tout à fait des livres d’André Breton, ce magnétiseur.

« Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore. Je le crois propre à entretenir, indéfiniment, le vieux fanatisme humain. Il répond sans doute à ma seule aspiration légitime. Parmi tant de disgrâces dont nous héritons, il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée. A nous de ne pas en mésuser. » (Manifeste du surréalisme)

mardi 27 septembre 2022

Vous n'aurez pas mon amour (Livres sur les attentats (3))

« Vous n’aurez pas ma haine » (Antoine Leiris) n’est pas un livre mais un tract : quelques lignes d’abord publiées sur internet puis augmentées de courts chapitres. Son succès foudroyant doit dire quelque chose de notre époque, une volonté d’apaisement en dépit de toutes les violences, de toutes les avanies, à rebours du slogan que l’on entend si souvent par ailleurs, « ni oubli ni pardon »… La dimension christique de cette attitude a quelque chose de noble – il faut être un saint ou un illuminé pour ne pas haïr, au moins quelques jours, au moins quelques heures, les assassins de sa femme.

Pour ma part, je serais sans doute incapable de cette abnégation. Je ne crois pas non plus que j’apprécierais de savoir que ma famille ne détestera pas ceux qui m’auront mis à mort. J’avoue être tenté de voir dans ce livre non pas le sursaut d’un homme foncièrement bon mais quelque chose comme un symptôme, en tout cas quelque chose d’anormal et d’assez inquiétant. Suis-je donc un homme mauvais pour considérer qu’il est naturel de haïr les assassins de ses proches, quitte à pardonner dans un deuxième temps – mais dans un deuxième temps seulement ?

« Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore. »

mercredi 14 septembre 2022

Fondre les choses (Livres sur les attentats (2))

Il a fallu plusieurs mois, plusieurs années, mais c’est maintenant acquis : depuis la vague des années 2010, il existe une littérature conséquente sur les attentats, des simples témoignages aux sommes romanesques – et le phénomène est valable pour le cinéma. Le corpus s’étend, il finit par constituer un genre en soi.

Dans « Le livre que je ne voulais pas écrire » (2017), Erwan Larher avait le courage non seulement de décrire l’attaque du Bataclan mais de réfléchir à l’événement lui-même, ce qui n’est pas, loin de là, le cas de toutes les œuvres. Dans « Au carillon, sonne l’heure » (Léo Scheer, 2021), le journaliste de Libération Quentin Girard tente quelque chose de différent. Dans une langue élégante et légère, il raconte la soirée puis les jours qui suivent les événements (dont il n’a pas souffert directement), sondant les échos de la tragédie dans son rapport au bonheur. Curieusement, il se permet de nombreuses digressions sans rapport apparent avec le sujet, ce qui fait le charme du texte. L’évocation des faits se fond dans un livre qui paraît tout mettre sur le même plan. Forcément, la gravité de l’attentat s’atténue. Ce doit être l’effet recherché : diluer le traumatisme, lisser le cauchemar, passer à autre chose… Tout en comprenant le procédé, je ne peux m’empêcher de trouver quelque chose de triste à cette lente intégration du pire dans le quotidien.