Etonnant comme « Les Liaisons dangereuses » (Laclos, 1782) paraît anticiper, avec deux cent cinquante ans d’avance, les débats brûlants du moment. Valmont, sous couvert d’insistance amoureuse, a vraiment tout du harceleur et même du violeur – la scène où il « force le consentement » de Cécile paraît presque insupportable. Merteuil incarne à la perfection la femme manipulatrice capable d’accuser à tort un homme d’agression sexuelle. Cécile, décrite comme une « machine d’amour » parce qu’elle n’a pas assez de caractère pour résister aux assauts masculins, superficielle et légère, n’est pas sans évoquer l’esprit même des réseaux sociaux. Seule la Présidente de Tourvel, s’arc-boutant sur une morale conservatrice de l’amour et du mariage, paraît avoir disparu du paysage actuel… A moins que sa rigidité de principe n’évoque un certain wokisme ? Mais on dirait d’elle aujourd’hui qu’elle « refuse les amalgames » entre tous les hommes...

" Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n'étais pas venu là pour causer, j'ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent, à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu'elle a à garder pour n'être pas surprise : car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d'un baiser, qui n'était qu'une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n'en pas profiter !" (Lettre XCVI)