Après l’aristocrate dépressif et suicidaire de Houellebecq dans « Sérotonine » (Flammarion, 2019), après le professeur ridicule et prétentieux, bobo woke jusqu’au bout des dents, de Lafourcade dans « L’Ivraie » (Léo Scheer, 2018), je dégotte un troisième Aymeric dans un roman contemporain, et ça n’est pas jojo.

Il s’agit d’un personnage secondaire du beau livre de Patrice Jean, « La poursuite de l’idéal » (Gallimard, 2021), roman mélancolique, délicieusement satirique, à la limite du désespoir, égrenant les évocations de milieux forcément décevants pour un protagoniste ayant le tort de nourrir des ambitions poétiques. Ce dernier croise un jour un hédoniste inconséquent :

« Il pensa alors à Aymeric qui se contentait de son boulot à la Poste – conseiller client – qu’il rehaussait, chaque week-end, d’un tour en boîte de nuit, d’une biture « je te dis pas ! », de quelques coups de reins « bien placés », et qui trouvait la vie « merveilleuse ». Fallait-il en rabattre ? S’épanouir dans le pintage de ruche ! S’aymericiser ? Par découragement, on devait, sans doute, se satisfaire, un jour, de ces joies modestes. Il lui semblait, néanmoins, que cet épicurisme de fin de semaine ne menait pas très loin. Un matin, Aymeric se réveillerait avec la gueule de bois, coincé dans une vie étriquée ; très certainement, pensait-il, Aymeric pointerait, dans quelques années, avec deux ou trois gosses, des engueulades, à n’en plus finir, avec une épouse bedonnante et abonnée à Télé 7 jours. »

(Gallimard, page 98).