Terrassé par le génie déployé par Hugo dans Les Misérables… Seule véritable épopée française du 19ème siècle, débarrassée de l’esprit de sarcasme que l’on trouve si fréquemment ailleurs, elle renoue avec le souffle titanesque de Virgile ou de Dante, tout en faisant la part belle à cette sorte de nouveauté littéraire qu’a représentée le souci des réalités sociales. Autant le théâtre de Hugo me paraît hâbleur et sa poésie bavarde, autant son art du roman m’intimide… Sans doute la forme romanesque, ouverte à toutes les audaces, était-elle naturellement faite pour cet esprit surpuissant.

« L’instant fut épouvantable. Le ravin était là, inattendu, béant, à pic sous les pieds des chevaux, profonds de deux toises entre son double talus ; le second rang y poussa le premier, et le troisième y poussa le second ; les chevaux se dressaient, se rejetaient en arrière, tombaient sur la croupe, glissaient les quatre pieds en l’air, pilant et bouleversant les cavaliers, aucun moyen de reculer, toute la colonne n’était plus qu’un projectile, la force acquise pour écraser les anglais écrasa les français, le ravin inexorable ne pouvait se rendre que comblé, cavaliers et chevaux y roulèrent pêle-mêle se broyant les uns les autres, ne faisant qu’une chair dans ce gouffre, et, quand cette fosse fut pleine d’hommes vivants, on marcha dessus et le reste passa. Presque un tiers de la brigade Dubois croula dans cet abîme. » (Chapitre « Waterloo »).