C’est une étonnante réussite que "La Vie pavillonnaire" de Sophie Divry (J’ai Lu, 2015). On pourrait s’ennuyer ferme en lisant cette histoire de femme qui a tout pour être heureuse dans son village mais qui s’engourdit jusqu’à traverser de sévères périodes de dépression. Or, les effets de légère ironie nous font tenir le livre jusqu’au bout et l’ensemble est rythmé comme un bon polar.

Certains critiques ont évoqué Madame Bovary. Mais je trouve que l’ennui qui s’abat sur la protagoniste relève moins de sa personnalité que de l’environnement lui-même. La fatalité de l’ennui n’en paraît que plus terrible. Par ailleurs, j’ai beaucoup pensé au célèbre livre de Perec, "Les Choses", où l’on découvrait aussi le plaisir mêlé de lassitude propre à la société de consommation. Je trouve cependant Divry beaucoup plus douée que Perec : je m’étais fortement assoupi à la lecture des Choses alors que cette Condition pavillonnaire m’a sidéré.

Dans ce passage, on retrouve les géraniums précisément évoqués par Flaubert pour moquer le romantisme dévoyé de Madame Bovary :

« Cette maison était une ascension ; on naît dans une vallée à vaches et on se retrouve après-guerre à faire partie de ceux qui peuvent séparer leur lieu de travail de leur lieu domestique ; tes grands-parents avaient été fiers de leurs enfants. Votre famille avait bonne réputation. Ton père ne buvait pas. Il y avait des géraniums côté rue. Les pièces de la maison étaient maintenues propres, notamment le séjour, souvent fermé à clef. C’était rare que tes parents invitent des amis, vous restiez le plus souvent tous les trois. » (page 94)