La littérature sous caféine


mardi 21 février 2017

Faim de littérature russe

J'ai identifié six noms d'auteurs russes du 19ème dont j'ai déjà lu quelques livres mais dont j'ai désormais envie d'explorer les oeuvres de manière plus systématique: Gogol, Pouchkine, Tchekhov, Tourgueniev, Tolstoi, Dostoievski. Je veux me faire une vue d'ensemble et une idée plus précise des liens que les uns entretiennent avec les autres. Je suis chaque fois frappé par la profondeur, la finesse de cet âge d'or littéraire, et par la troublante proximité avec le 19ème français. Je ne sais pas quelle conclusion en tirer pour nos rapports avec la Russie du 21ème siècle, mais il est sûr que les nouvelles de Tchekhov, par exemple, ne me sont pas plus étrangères que les romans américains de la même époque.

lundi 12 décembre 2016

Faulkner : cousu, décousu

Il y a vraiment deux tropismes dans l'oeuvre de Faulkner: une tendance à brouiller les cartes, les chronologies, les noms, les références, cette sorte de démembrement du style faisant à la fois sa rudesse et sa beauté ; et un goût plus classique pour la narration, proposant volontiers de longs morceaux de pure tension romanesque. Dans certains romans, l'une des tendances prend le pas sur l'autre ("Le bruit et la fureur" privilégie la confusion mentale, "Lumière d'août" prend des allures épiques). Mais, à l'échelle de l'oeuvre, les deux paraissent s'équilibrer. N'est-ce pas cet alliage singulier qui a fait son succès ?

lundi 3 octobre 2016

L'amoureuse et la baleine

Je ne peux m’empêcher de relier ces deux grands classiques anglo-saxons, si différents d’apparence, que sont « Moby Dick » (Melville) et « L’amant de Lady Chatterley » (D.H. Lawrence). Le narrateur du premier s’élance furieusement sur tous les océans du monde quand l’auteur du second s’en tient aux amours des classes privilégiées anglaises. Mais je leur trouve trois points communs d’importance : l’ampleur (des centaines de pages dans un style très dense), le souffle (histoire, philosophie, drame étroitement mêlés) et la précision (du lyrisme, certes, mais soutenu par une plume vigoureux qui n’hésite pas à multiplier les détails). Force et souplesse… Des sortes de géants de la sensibilité.

mardi 27 septembre 2016

Imaginer la mer et les pirates dans "L'île au trésor"

Enfant, j’avais été très impressionné par l’attaque du fortin dans L’île au trésor (Stevenson). Sur l’écran de mon imaginaire je me représentais les pirates grimper sur une sorte de côte, de gauche à droite ; la peur que cette attaque avait suscitée restait mon unique souvenir. En relisant l’œuvre aujourd’hui je me laisse tout autant impressionner par la scène mais, curieusement, je vois les pirates arriver par la droite et sur un terrain plutôt plat.

Par ailleurs, je suis attentif à des détails qui devaient m’assommer, enfant – notamment ces termes techniques ponctuant la description de combats maritimes et qui participent activement du sentiment de merveilleux. Car Stevenson arrive à rendre sensible une sorte de suspense naval qui pourrait être obscur aux lecteurs mais qui, parce qu’il a le sens de l’image et qu’il rend familier les univers exotiques, provoque la fascination. Au fond, le vrai trésor de l’île ce sont les océans qui les entourent et le talent de l’auteur pour nous les rendre sensibles.

lundi 22 août 2016

Tom Wolfe ou la littérature Hollywood

Le dernier roman en date de Tom Wolfe, « Bloody Miami », donne l’impression d’un Balzac sous amphétamine : la même richesse de de contenu que le maître français dont Tom Wolfe se réclame d’ailleurs, mais très nettement sectionnée par épisodes tous plus survoltés les uns que les autres et structurée comme un polar. Wolfe entreprend de nous montrer la Miami multiculturelle comme une sorte d’enfer de violences et de sexe. Surtout, certaines scènes d’action sont si spectaculaires, si bien rôdées qu’on a parfois l’impression que Wolfe a recours à des effets spéciaux…

vendredi 23 octobre 2015

Ulysse, ce Bronson en tunique

Homère a vraiment construit son Odyssée comme on construit aujourd'hui les Vigilante Movies - ces films où le protagoniste, pour accomplir sa vengeance, s'affranchit des lois communes : un prologue où Télémaque, le fils, fait le décompte douloureux de tout ce que les prétendants font subir à la famille d'Ulysse; un corps de texte où les épreuves qu'affronte Ulysse, sur le chemin du retour, ne font que renforcer sa rage et sa détermination; un long final où la haine grandit lentement pour éclater dans un effrayant bain de sang, au cours duquel le héros perdrait presque son humanité.

samedi 29 août 2015

La Tour sombre : tout et n'importe quoi

Je suis un grand fan de Stephen King - j'admire sa créativité monstrueuse, et la sorte de fécondation de l'imaginaire mondial à laquelle il se livre. Mais il faut reconnaître que certains de ses livres relèvent du grand n'importe-quoi. Je pense par exemple à sa série en 8 volumes, La Tour sombre, publiée tout au long de ses quarante ans de carrière, dans laquelle je me lance tout juste et qui réalise le miracle de compiler des genre innombrables: western, science-fiction, mondes parallèles, post-apocalypse, heroïc-fantasy, épouvante, et j'en passe… C'est comme un grand gâteau trop crémeux, trop coloré, complètement indigeste mais amusant aussi pour ça - avec, en prime, malgré tout, quelques scènes d'anthologie.

mardi 28 juillet 2015

De la scatologie en Allemagne

J'ai l'impression que l'Allemagne - et plus généralement les pays du Nord de l''Europe - ont un rapport particulier avec la scatologie, qu'ils abordent volontiers et dont ils s'amusent. Je pense aux récents succès de Giulia Enders ("Le charme discret de l'intestin", 2015) et de Charlotte Roche ("Zones humides", 2009). Ce rapport très pragmatique au corps aurait-il un rapport avec le protestantisme ?