La littérature sous caféine


lundi 21 mai 2007

Alcoolisme et moineaux (Ted Lewis)



Ce week-end, guettant du coin de l’œil un coït de moineaux sur le rebord de ma fenêtre (très impressionnant), j’ai suivi dans Get Carter la longue plongée de Jack C. dans la violence et l’alcool, sur fond d’Angleterre gangrenée par la misère industrielle.

J’avais les images sublimes du film en tête, ainsi que la destinée tragique de l’auteur de ce sombre polar, Ted Lewis, mort d’alcoolisme à 40 ans. Pour me remonter le moral (mais il était excellent déjà) je guettais les approximations de traduction, comme :

« Il se paya », à la place de : « Il paya sa bière » (p51)

Ou l’énigmatique : « Elle m’adressa son sourire intime si-malin-si-rusé-mais-est-ce-que-tout-n’est-pas-ennuyeux. » (Je suppose que cela correspond à une expression idiomatique)

Quant aux revigorantes scènes de baston, du genre :

« Trois portières s’ouvrirent. Celle de Thorpey resta fermée. Le type qui était pressé d’en finir commença à s’extraire du siège avant. Saisissant la poignée, j’ouvris la portière en grand et la claquai de toutes mes forces sans lui laisser le temps de réagir. J’avais bien calculé mon coup ; il était encore à moitié à l’intérieur. Le haut de la portière le frappa au front et sur l’arête du nez, tandis que le côté lui cognait la rotule. Sérieusement sonné, il tomba à la renverse sur les sièges avant et se mit à vomir. Je sautai sur le capot et balançai un coup de pied dans la tête du conducteur avant qu’il n’ait le temps de se retourner complètement après être descendu de voiture. Il perdit connaissance, mais pas longtemps. Le troisième type s’était mis en garde. Je sautai du capot. Il commit l’erreur de venir à moi au lieu de me laisser venir à lui. IL me décocha un coup de poing ; d’une main je lui saisis le bras, le tirai vers moi et, de l’autre bras, je lui écrasai la trachée… » (p122)

… je les relisais sur fond de la sublime musique crépusculaire de Jonnhy Cash (Visez cette gueule marquée par la vie, dans cette chanson tirée du registre de Nine Inch Nails, Hurt) :

vendredi 18 mai 2007

La pluie qui pleut (Get Carter, de Tel Lewis)



Il y a quelques mois, lors d’un festival du polar donné sur la plage havraise, j’avais entendu l’un des écrivains présents glisser à son voisin de table, Didier Daeninckx, une anecdote concernant la traduction des polars anglo-saxons :

« Figurez-vous que la première phrase de la version française de ce roman, je dis bien : la première phrase, était celle-ci : « La pluie pleuvait… » Mais où donc recrutent-ils leurs traducteurs ? »

Toute la table s’était marrée, tandis qu’au loin passait le troisième porte-container de l’après-midi, et c’est presque un an plus tard que je mets la main, tout à fait par hasard, sur le fameux roman : cherchant quelques bonnes pages de polar pour accompagner ma réécriture d’un récent manuscrit, j’entame l’illustre Get Carter, de Ted Lewis, (Rivages/Noir) ayant inspiré le petit bijou du cinéma britannique du même nom, starring Michael Caine, mis en scène par Mike Hodges (le titre français : La Loi du Milieu) (le remake avec Stallone est moins bon).

En première page nous trouvons effectivement la phrase, bien mise en évidence par la séparation d’avec le second paragraphe :

« La pluie pleuvait. »

C’est tellement gros que je me demande si la version anglaise ne présentait pas un jeu de mot. La suite du passage, d’ailleurs, n’est pas tellement plus convaincante :

« Elle n’avait pas cessé depuis Euston. A l’intérieur du train, il faisait lourd, le genre de lourdeur qui vous salit les ongles… »

Je ne vois pas trop ce que ça peut être, une lourdeur qui vous salit les ongles… N’abandonnez pas tout de suite la lecture ! La suite est brillante…

mercredi 2 mai 2007

La provocation par le sommeil (Thomas Bernhard, Au But)



© www.diplomatie.gouv.fr

Vu la très belle pièce de Thomas Bernhardt, Au but, actuellement portée sur les planches du Théâtre de la Colline : c’est au moment le plus dramatique de la pièce, lorsque la protagoniste, après une heure de monologue quasiment ininterrompu (dans cette langue au souffle sidérant auquel Thomas Bernhard nous a habitués), prononce les paroles les plus sombres et les plus désabusées, qu’un spectateur sur ma droite s’est mis à ronfler de manière particulièrement sonore. Un ennemi personnel du metteur en scène, sans aucun doute.