La littérature sous caféine


mardi 26 septembre 2006

Yasunari Kawabata : Les Belles Endormies (Livre de poche)



Un vieil homme paye pour voir dormir à ses côtés de jolies jeunes femmes nues. Comme toujours chez Kawabata, prose brève et délicate, et cet art de la saisie de sentiments profonds par la description de menus événements, de gestes anodins, d'objets discrets. Mine de rien, l'auteur aborde des thèmes beaucoup plus « virils » que ne laisserait attendre son atmosphère subtile : fascination pour la beauté, crudité des rapports sexuels, peur de la mort... Savant dosage d'élégance et de cruauté.

vendredi 15 septembre 2006

Tom Sharpe : Wilt 1 (10/18, 1998)



Il faut le reconnaître, il est très drôle ce portait d’un homme raté, complexé, humilié par sa femme et cherchant à l’assassiner après une nouvelle déconvenue sexuelle. On dirait une sorte de version rageuse, en négatif, des fameux romans américains mettant en scène un prof de fac fringant (Philipp Roth ayant porté le genre à sa perfection, notamment avec « La bête qui meurt »). Ici la détestation de soi, la honte et le relevé méthodique des médiocrités emportent la mise. Pas de la grande littérature, mais elle a d'indéniables vertus purgatives.

Extrait : « Pendant la fin de la causerie du Dr Mayfield, que suivit de près une grande discussion riche en arguments de toute nature, Wilt étudia les forages sur le chantier d’en face. Ce serait une cachette idéale pour un cadavre, et il y avait quelque chose de délectable à penser qu’Eva, si insupportable de son vivant, aurait à supporter une fois morte le poids d’un immeuble en béton de plusieurs étages. En plus, cela rendrait sa découverte hautement improbable. Quant à identifier le corps, c’était hors de question. Même Eva, qui pouvait se vanter d’avoir une solide constitution et une sacrée volonté, était incapable de défendre son identité contre un pieu de fondation. »

mercredi 30 août 2006

Kathy Acker : La vie enfantine de la tarentule noire, par la tarentule noire (Collection Désordres, éditions du Rocher, 2006)



Série de monologues hallucinés : des femmes laissent parler leur désir et leurs folies. Les temps se télescopent, les contradictions révèlent sursauts psychiques et tensions. La précision, l’énergie l’emportent et la poésie du recueil est indéniable.

Extrait :
« Je suis encore une enfant lorsque je vois mon père et ma mère traînés jusqu’à l’hospice des pauvres du quartier, j’erre seule dans les rues de la ville un vieil homme m’arrête me demande si j’ai besoin d’aide je m’enfuis un homme noir glisse sa main sous mon maillot de corps touche ma poitrine plate un fermier du coin m’engage comme servante. Trois années de merde il faut que je sois forte j’apprends vite. » (p19)