La littérature sous caféine


vendredi 24 août 2007

Le thé jaune



Histoire de ne pas laisser totalement ce blog en friches (je m’accorde encore huit jours de relative lobotomie webesque), et avant d’évoquer la rentrée littéraire 2007, voici quelques perles pêchées sur les plages havraises au cours du splendide mois d’août :

1) Un jour de ciel menaçant :
« Oh dès ! Fais rien moche ! Putain il commence à pleuvoir ! Comment que ça se fait ? »

2) Un couple de soixantenaires rougeauds à la terrasse d’un café donnant sur la mer :
Elle : « Ce sera un thé blanc pour moi. »
Le serveur : « Et pour Monsieur, comme d’habitude, son thé jaune ? »
(Rires gras + clin d’œil)
(probable allusion à un Ricard)
Lui : « Ouais, comme d’hab’, mon thé jaune ! »
Elle : « Oh non, ça te fait gonfler, ça ! Prends plutôt un thé ! »
Lui (rire gras) : « Oh dès ! C’est pour les Dames, ça, le thé ! »

3) Dans le même café :
La patronne, à son mari :
« Eh, regarde, celui qui vient de réserver la table pour ce soir, c’est Monsieur Toumas.
- Qui ça que c’était ?
- Monsieur Toumas !
- Qui c’est que tu dis ?
- Monsieur Toumas, le monsieur des assurances !
- Ah oui ! C’est lui le connard ? »

vendredi 6 juillet 2007

Perles de rue



(Photo : Dans une rue de Shanghai...)

1) Une fille dans le métro aperçoit le titre du livre que j’ai dans les mains : « La philosophie de Deleuze. » Elle marmonne : « La philosophie… », puis elle pousse un long soupir de mépris et de consternation, avant de se replonger dans la lecture de Closer.

2) Pour la première fois de ma vie, j’ai vu des jumeaux à la fois parfaits et parfaitement obèses.

3) Pour la première fois de ma vie, j’ai également vu un homme aux traits franchement asiatiques, et à la peau franchement noire.

jeudi 28 juin 2007

Best Of Bac Français 2007 (3ième et dernière)



(Photo : métro de Shanghai, nov 2004)

7) – Que peux-tu me dire sur le Siècle des Lumières ?
- Euh… C’est le siècle où on a inventé l’électricité ?

8) - Dans ce commentaire je vais pas faire de plan, parce que vous voyez, en fait, c’est pas trop mon truc…

9) Entendu en salle des profs :
- Quand j’ai écris à François Hollande pour protester contre la réforme Allègre, qui prévoyait la réduction des heures de français en collège, avec le résultat que vous connaissez, vous savez ce qu’il m’a répondu ? « Quand vous critiquez le PS, vous faites le jeu de la réaction… » Eh bien quand j’ai ainsi compris que Hollande était un stal’ (ndr : un Stalinien), j’ai déchiré ma carte du parti…

10) Entendu en salle des profs, encore :
- Un inspecteur nous a clairement annoncé, pour la correction du brevet cette année dans le 93, qu’il s’agissait d’un « brevet social »…
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire qu’on est prié de ne pas noter en dessous de la moyenne.

11) Lu dans l’écrit d’invention d’une copie du bac :
« Cela m’avais boulverssement énervé… »

mercredi 27 juin 2007

Best Of Oraux Bac Français 2007 (2)



4) – Alors, que peux-tu me dire sur Don Juan ?
- Euh… C’est le maître qui était valet avant…
- Ah bon ?
- Ah non, je me trompe de pièce… Euh…
- Peux-tu me citer une autre pièce de Molière ?
- Une autre pièce de Molière ?... Euh… Les Fables de la Fontaine ?...

5) – A propos des Philosophes des Lumières, peux-tu me dire quelque chose à propos de la Révolution Française ?
- La Révolution… Bah les gens ils commençaient à comprendre des choses… C’est ça… Ils commençaient à comprendre des choses… Je pourrais pas vous dire quoi exactement… Mais ils commençaient à piger…

6) – Dans ce poème, on remarque des huitains, des quatrains… et puis… euh… des deuzains…

(Photo : ambiance rue poussérieuse en Argentine)

samedi 23 juin 2007

Best Of Oraux Bac Français 2007 (1)



(Photo : une colline dans le Nord-Ouest de l'Argentine, août 2005)

1) – Pouvez-vous m’expliquer ce que signifie le mot « dédain », à la ligne 8 ?
- Euh… Vous pourriez me le dire pour que ça m’aide ?...

2) – Quelles sont les métaphores présentes dans le texte ?
- Euh… Vous pouvez développer votre question, parce que là je vois pas…

3) – Vous me ferez un commentaire du texte de Nathalie Sarraute extrait de Enfance.
- Oh non, pas celui-là ! Juré, c’est vraiment le seul que je peux pas… Vraiment… Je sais pas, le coup des deux personnes qui dialoguent… J’ai bloqué… Le blocage intégral… Je pouvais pas avec ce texte… Tous les autres je les ai adorés, mais celui-là… Tous les autres vous voyez j’ai appris les poèmes par cœur, et les pièces de théâtre j’ai appris à les jouer, je les joue même à la perfection vous voyez…

jeudi 21 juin 2007

La sensualité grasse (Proust et Colette passent le bac)



J’écoute les candidats au bac me lire leurs commentaires (souvent brefs), et je me surprends à trouver certaines phrases des textes que j’ai sous les yeux particulièrement belles. Parfois je résiste difficilement à l’envie de poser aux élèves des questions du genre : « Trouvez-vous cette phrase réussie ? Vous émeut-elle ? D’où vient sa beauté ?... »

Je me retiens pourtant et je cherche en moi-même la réponse, par exemple avec cette expression de Marcel Proust, dans le fameux texte de la madeleine :

« Les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. »

Ou bien ce bout de phrase de Colette, extrait des Vrilles de la Vigne :

« Nous avons galopé, aboyé, happé la neige au vol, goûté sa suavité de sorbet vanillé et poussiéreux… »

Qu’est-ce qui peut expliquer, d’ailleurs, qu’une même exigence stylistique, chez deux auteurs, ait terriblement vieilli chez l’un, et merveilleusement passé l’épreuve du temps chez l’autre ?

Si je relis les phrases citées de Proust et de Colette, je trouve que le premier n’a pas pris une ride, et je trouve à la seconde un côté définitivement désuet (bien que je sois un grand admirateur de sa prose chargée). Pourquoi donc le « grassement sensuel » de Proust passe-t-il mieux que « la suavité de sorbet vanillé et poussiéreux » de Colette ? Peut-être Colette en fait-elle en fait un peu trop…

lundi 18 juin 2007

Banga/Cotton



1) Pot de fin d'année dans une classe adorable du lycée Cotton de Montreuil, la Seconde Arts Appliqués...

- Bon, vous amènerez du banga pour le pot de fin d'année ?

- De quoi vous parlez Monsieur ?

- Bah du Banga, du jus d'orange, quoi !

- Eh mais Monsieur, on a changé de siècle ! On dit plus Banga ! On dit Oasis !

2) Premier aperçu des perles du Bac Français 2007 :

Dans un commentaire sur un texte de Monfreid :

"Dans ce texte on a un pleonasme "elle le suivait en tout lieux", il y a des aliterations en "s" qui montre que la gazelle est bien eduquée..."

mardi 29 mai 2007

La vie des Boss



En fin d’année scolaire j’organise souvent des débats.

Petit aperçu :

Dans un débat sur le thème : « La guerre des sexes en 2007 » :
Intervention très énergique et spontanée d’un élève pour ouvrir la discussion (il n’y a ce jour-là que des garçons dans le groupe) :
« Ouah nous c’est clair, il nous faut des salopes et des non-salopes ! »

Dans un débat sur la peine de mort :
« Alors, Karima, tu es l’une des très rares de la classe à te prononcer contre la peine de mort : peux-tu nous donner tes raisons ? »
« Bah c’est simple, moi si je suis contre la peine de mort, c’est que je trouve que c’est leur faire un cadeau aux criminels la peine de mort, ça suffit vraiment pas de les tuer comme ça ! »

Pour illustrer le premier débat, quelle meilleur chanson que le chef d’œuvre de cynisme et de mélancolie qu’est le dernier titre de Snoop, Boss’s Life (sur un sample de Busta Ryhmes, et illustré par ce clip plutôt laid et plutôt malsain), le narrateur (peut-on parler de narrateur dans le texte d’une chanson ?) affirmant que « Certains mentent sur les trucs qu’ils ont dans leur vie /(…) / Mais pas moi, pas moi, pas moi… / Car j’ai la vie d’un boss » (On comprend ce que veut dire « la vie d’un boss » pour les rappeurs de la Côte Ouest…) (Rappelons au passage que dans cette version Akon a été remplacé par Nate Dogg, et que c'est une calamité...)