La littérature sous caféine


vendredi 23 mai 2008

Même Socrate n'avait pas prévu le coup



1) Une petite vieille, rougeaude et courbée, s'adresse à la buraliste qu'elle connaît bien, bronzée, manifestement en pleine forme:
- Vous avez mauvaise mine, non ?
- Vous m'avez déjà dit ça hier ! Non, je vous assure, tout va bien...
- Si si, vous avez mauvaise mine...
- Ah bon...
- Oh oui, ça n'a pas l'air d'aller. D'ailleurs, vous avez remarqué, les gens ne vont pas bien en ce moment, non ? Pas bien du tout, vraiment... Tout le monde est malade je trouve...
- Ah bon...

2) - Alors, que pouvez-vous me dire sur le "zen" ? On a déjà vu ça dans le cours sur les haïkus... Le zen, vous vous souvenez ? C'est quoi le zen ?...
- Euh... Le nez ?

3) - Vous vous rappelez ce qu'on disait sur l'anneau de Gygès ? Cette légende grecque rapportée par Socrate selon laquelle un homme possédait une bague qui lui permettait de devenir invisible... La question était de savoir s'il continuerait à bien se comporter, sachant que personne ne le verrait par exemple voler... Je vous soumets maintenant un autre dilemne: imaginez qu'on vous permette d'appuyer sur un bouton qui provoque la mort instantanée de cent Chinois, à l'autre bout de la planète, cent Chinois dont vous n'avez jamais entendu parler, que vous n'avez jamais vus et dont vous n'entendrez plus jamais parler...

- J'appuie direct !

- Attends... Je n'avais même pas fini... Imaginez qu'on vous offre 1 Million de Dollars pour ça... Mais bon, si tu appuies sans même accepter d'argent en contrepartie, tu es pire que tout ce que les légendes grecques imaginaient...

dimanche 18 mai 2008

Pluto chez les cyniques



1) – Qu’est-ce que la démocratie ?
– Euh… Le pouvoir au peuple ?
– Oui, c’est ça : « cratie », pouvoir, et « démo », peuple. Et la théocratie ?
– Euh…
– « Théo », Dieu, donc le pouvoir à Dieu, ou tout au moins le pouvoir aux représentants de Dieu. Et l’aristocratie ?
– Euh…
– Littéralement, « le pouvoir aux meilleurs »… Et la ploutocratie ?
– Euh… Le pouvoir à Pluto ?
– AH AH ! Trop fort ! T’imagines, le pouvoir à Pluto !
– AH AH AH ! Les chiens au pouvoir ! C’est trop Disneyland ce truc !!
– AH AH ! Trop fort !

2) Petite discussion en salle de profs sur les types d’élèves :
- Il y a un genre d’élèves avec lequel j’ai un peu de mal.
- Ah oui, lequel ?
- Le genre religieux… Tu sais, l’élève qui refuse d’aborder certains thèmes parce qu’il ne faut pas critiquer la religion, et puis qui refuse aussi en cours de dessin de regarder des représentations de femmes nues, et qui refuse aussi de faire les sujets correspondants.
- Pas possible… Vraiment ? Il refuse vraiment de regarder les femmes nues ?
- Je te jure.
- Moi y’a une catégorie qui ne me déplaît pas forcément, c’est les cyniques. Ceux qui te sortent des phrases bien senties, tu sais, assez intelligentes, mais noires.
- C’est vrai. C’est pas mal cette catégorie. Faut juste qu’ils soient vraiment intelligents. Parce que des cyniques pas intelligents, c’est vraiment pénible.
- Oui, tu as raison, il faut un minimum d’intelligence pour être cynique.

3) A propos de cynisme et d’esprit, j’incruste ici un court passage de la pièce de Sacha Guitry, Mon père avait raison. Ca faisait longtemps que je voulais en lire une, et c’est chose faite avec celle-ci parmi les plus connues. Avouons que la pièce donne l’impression d’avoir été vite écrite, pour être vite lue, vite regardée (mais ça, ce n’est pas possible), et vite oubliée.

« - Le plaisir de mentir !
- C’est un plaisir ?
- Ah ! C’est mieux que ça… c’est une volupté !... C’est une des plus grandes voluptés de la vie !... C’est une joie qui n’est pas fatigante… et qui n’est limitée que par la crédulité des autres… tu vois jusqu’où ça peut aller !... C’est une habitude à prendre !... Moi je l’ai prise très jeune… oui… j’ai menti à mes parents… à mes professeurs… j’ai menti à mes maîtresses, à mes amis et puis alors, je me suis marié…
- Et alors… là, n’en parlons pas !
- Là… alors… Parlons-en ! Quand ta pauvre maman est morte, j’avais cinquante ans… comme je ne pouvais plus lui mentir, je me suis mis à me rajeunir pour me distraire !... Je me suis rajeuni jusqu’à soixante-dix ans… et puis alors, tout à coup je me suis mis à vieillir pour avoir l’air plus jeune !... Actuellement, ça ne donne rien encore… mais, dans cinq ou six ans, quand j’aurai soixante-dix-huit ans… songe que je dirai que j’en ai quatre-vingt-cinq !... Et alors tu verras la tête des gens !... Je serai entouré de prévenances et d’admiration… d’autant plus qu’à ce moment-là, tu le penses bien, mes relations avec Louis XVIII auront pris une importance considérable… une sorte d’intimité !...
»