La littérature sous caféine


dimanche 2 décembre 2012

De grosses femmes qui hurlent sur scène

1) - Votre camarade n'est toujours pas là ? C'est toujours pour son "problème de coeur", comme vous dites ? Vous savez que ça a fait le tour de la salle des profs, ça ! C'est la première fois que j'entends cette ecxuse...
- Ouah, Monsieur, on est choqués ! Elle a vraiment des problèmes de coeur, c'est médical!
- Oh, pardon...

2) "Monsieur, avant d'aller à l'opéra pour la première fois, je pensais vraiment que c'était un spectacle avec de grosses femmes qui hurlent sur scène!"

jeudi 22 novembre 2012

Adam coupable de gourmandise

1) Visite au musée du Louvre avec une classe de BTS. Dans les galeries de la renaissance flamande, le nombre impressionnant de christs en croix met mal à l’aise une des élèves : « Ouah, il y a tellement de tableaux de la Passion… Qu’est-ce qu’il a dû souffrir le pauvre ! »

2) Dans la même galerie, nous analysons quelques symboles du Peseur d’Or de Metsys. Je demande quel péché peut bien symboliser la pomme, discrètement peinte sur une étagère. Un élève tente une réponse : « Euh… Le péché de gourmandise ? »

3) En classe, un texte propose l’adjectif « rabelaisien ». « Rappelez-moi le nom d’un personnage fameux de Rabelais ? – Euh… Gargamel ! – Pas loin… Simplement, tu mélanges sans doute Gargantua et Pantagruel. »

jeudi 4 octobre 2012

Non au vinaigre balsamique

1) J’aime beaucoup le vinaigre balsamique, que je mets dans presque tous mes plats quand je mange seul.
A ma gauche, au restaurant, un homme distingué harangue le serveur.
« Dites-moi, pourquoi ce fond musical ? Pourquoi cette soupe ? Je viens ici manger un bon plat, pas subir cette agression sonore… C’est terrible, notre époque, on est toujours agressé par des musiques, des slogans ! Au fait, dites-moi, ce plat, vous précisez qu’il y a du vinaigre balsamique… Mais vous n’en mettez pas trop, j’espère ? C’est une horreur aussi, ça, le vinaigre balsamique… Les gens en mettent dans tous les plats… Ça n’a aucun sens ! Le vinaigre balsamique, c’est uniquement en Italie, et il faut l’acheter par dosettes, vous savez… Mais dans tous les plats, quelle horreur ! Les gens n’ont vraiment aucun goût. »

2) Dans un wagon de métro bondé, une mère entre en bousculant plusieurs personnes. Elle élève la voix. « Faites de la place ! Faites de la place pour un enfant handicapé ! »
Mouvement de foule, un homme se plaint d’avoir reçu un coup de pied. « Espèce de connard, je ne sais pas ce qui me retient de vous mettre ma main sur la gueule. La peur de me salir, sans doute. »
L’enfant, embarrassé d’être au centre de toutes les attentions, supplie du regard sa mère d’arrêter son esclandre. Mais elle continue, forte tête : « Je vous jure, il y a des gens qui mériteraient que je leur crache à la gueule. Mon fils est handicapé, il a droit à sa place assise. »

3) Dans un bistrot du Marais, un homme d’une cinquantaine d’années, rondouillet, quelques verres dans le nez, apostrophe le serveur. « Eh, ça te fait pas trop chier d’être petit ? Enfin bon, petit… Petit mais valeureux, hein ? Comme Kirikou ! AH AH ! Kirikou ! Petit et valeureux ! Comme toi ! »

lundi 1 octobre 2012

Mieux vaut mourir par balles que mettre des pansements

1) Au moment de payer, je me rends compte avoir pris deux numéros du Monde. « Désolé, j’en ai pris deux… » La vendeuse du kiosque, la cinquantaine bien tassée, me répond discrètement : « Mmm… Gourmand ? »

2) Dans la rue, une mère de famille exaspérée par sa gamine qui ne cesse de pleurer : « Mais tu es un enfant, ou quoi ? »

3) Dans une discussion sur le féminisme, je me permets de faire remarquer qu’il y a quelques situations dans lesquelles les hommes ont été désavantagés. C'est eux qu'on envoyait au front, par exemple. « Excuse-moi, me répond une amie, mais les femmes, elles, étaient infirmières. – Et alors ? – Eh bien, elles soignaient les blessés, et franchement, c’est pire. – Tu veux dire qu’il vaut mieux recevoir une balle en pleine tête ou finir mutilé que de soigner les blessés ? – Oui, c’est évident… » Je préfère clore ici la discussion, me rappelant le (très petit) scandale qu’avait provoqué la fameuse phrase de Christine Okrent déclarant, à propos d’une guerre se déroulant en Afrique, que « les hommes étaient abattus et, pire, les femmes violées. »

mardi 11 septembre 2012

Perles d'été



A Belle-Ile, début juillet.

1) Je branche mon netbook sur une prise dans un café dans le port de Palais, pendant vingt minutes. Au moment de payer mon café, on me facture 50 centimes pour l’électricité. La patrone, très désagréable, devance mon étonnement en maugréant : "Bah oui, y'en a qui restent une heure. Déjà que le wifi est gratuit, faut pas abuser!"

2) Promenade le long des cotes pour étudier mouettes et goélands. Le guide explique la capacité des goélands à dormir sur l'eau : une moitié du cerveau reste en éveil... Un promeneur fait une intervention dont ne sait que penser le reste du groupe : « C'est comme les femmes, quoi ! Un cerveau qui fonctionne, l’autre qui dort… »

3) Dans un café de Palais, sur la table d'à côté, un homme scrute pendant une heure, sur l'écran de son ordinateur, des photos de grenouilles qui copulent.

4) En bord de mer, un père de famille au torse tatoué voit son fils s’asperger d’eau la nuque.
« Bah, qu’est-ce que tu fais ?
– J’essaye d’éviter l’hydrocussion…
- L’hydro quoi ?... T’en utilises souvent, toi, des drôles de mots… Où c’est que tu les apprends ? C’est comme l’autre fois, là, avec ton mot bizarre…
- Métaphore.
– Ouais, c’est ça.
– Une métaphore, papa.
– Ouais, ça doit être ça, méta qu’est-que chose… »

mercredi 5 septembre 2012

Un centime est un centime

Dur retour aux réalités parisiennes:

1) Je paye mon café au comptoir d'un bistrot du 1er arrondissement, un café qui vaut 2 euros et 10 centimes.
"J'ai deux euros et huit centimes... - Vous avez un distributeur à deux cents mètres."

2) Une femme s'installe au zinc après avoir mis en garde ses trois chiens de taille réduite: "Vous m'attendez sagement, hein ?"
Sur l'écran, BFM présente des images d'une convention démocrate à laquelle participe Michelle Obama.
"Pourquoi on la voit autant, celle-là ? Son mari est mort ?"

3) Chez Picard, une femme apparemment distinguée fait une apparition tonitruante. Avant même d'avoir vraiment franchi les portiques d'entrée, voyant que certains rayons sont vides, elle s'exclame sur un ton très désagréable, et d'une voix très forte, parlant au pauvre garçon derrière la caisse sans même lui adresser de regard: "Mais enfin, vous n'avez plus de glaces ?"
Le garçon, timidement, lui répond qu'ils ont dégagé certains rayons pour le mois d'août. Soulagée, mais l'air toujours aussi mécontent, la femme débute ses achats.

samedi 16 juin 2012

A quoi sert au juste le café décaféiné ?

1) Place d’Italie, dans un café très justement nommé « Le Parisien » (vous allez voir pourquoi), je commande un déca. Quelques minutes plus tard, les deux serveurs et la patronne s’expriment à voix très haute (le font-ils délibérément ?) :
- Franchement, ça sert à quoi de demander un déca ? Aucun intérêt ! Les gens, ils ont vraiment que ça à foutre !
- Un déca, putain ! Mais pourquoi ils viennent dans un café pour boire un déca ? Autant demander un verre d’eau.
- Moi je te dis que c’est pour faire chier le monde qu’ils demandent un déca.
- Quand je vois tous ces gens qui commandent des décas – ou pire, des décas allongés –, je me dis : Pauvre France…
- Un déca allongé, putain !

2) Je traverse le cimetière du Père Lachaise et je passe à proximité d’un groupe de visiteurs écoutant un guide leur parler de la tombe de Colette – des admirateurs y laissent souvent des croquettes pour que les chats viennent y manger. J’écoute, à quelques mètres, cherchant à glaner quelques anecdotes.
Le guide m’interpelle de manière vigoureuse, sur un ton de fausse amabilité : « Vous désirez, Monsieur ? Je vois que vous tendez l’oreille… – Oui, j’aime beaucoup Colette, et… - Bonne promenade, Monsieur ! » (Il reprend ses explications sur un mouvement du menton qui signifie mon congé).

vendredi 8 juin 2012

Y aller mollo sur le vin blanc à huit heures du matin

1) Un jeune SDF marche à mes côtés, sur le boulevard Saint-Michel, m’interpellant sur un ton proche de la révolte :
« Vas-y, dis-moi tout ! Raconte-moi ta vie, lâche-toi, balance ! Vas-y, dis-moi tout, dis moi-tout !»
Je n’ai pas envie de l’ignorer complètement, puisqu’il reste sympathique. Alors je me tourne vers lui :
« Tout ! »
Déstabilisé, mais calmé tout à coup, il s’arrête et me laisse partir, grommelant :
« Bonne réponse… »

2) Un pilier de bar, dans un bistrot de Montmartre, joyeux et aviné, s’adresse bruyamment à la serveuse : « Eh, Chérie, ça te ferait marrer si je te disais qu’on m’a fusillé le cerveau ? Hin hin hin… » (Rire sardonique de grand timide).

3) Deux hommes se font servir deux verres de vin blanc, à huit heures du matin. « Doucement, dit l’un d’eux. Remplis pas le verre à ras-bord ! Faut commencer mollo, quand même… »