La littérature sous caféine


mardi 30 décembre 2008

Dé-bloguer



Il est temps je crois d'arrêter là ce blog - du moins de changer le rythme des billets : depuis plus de deux ans maintenant, je m'efforce de présenter deux ou trois billets par semaine, un oeil rivé sur les statistiques, et j'aimerais ne plus me soucier de délais. Je vais me contenter désormais de billets plus rares, seulement quand le désir m'en viendra, l'envie d'écrire sur un sujet précis.

J'ai envie de réfléchir, aussi, à un autre blog, anonyme celui-ci, pour me livrer à des expériences plus radicales (d'un point de vue artistique). Je vais me laisser quelques semaines pour aboutir à la forme qui conviendrait à mes envies de tâtonnement, dans un domaine qu'on pourrait définir comme "l'association poésie-photo".

Rapide bilan des deux années passées derrière cet écran : un début maladroit, à la fois trop théorique et parfois véhément (lié notamment au fait que je débutais en collège dans le 94, et que l'expérience m'a heurté). Cela m'a valu quelques solides inimitiés - fruit de malentendus, à mon humble avis : cela ne m'empêche pas de le regretter...

Puis une vitesse de croisière, qui s'est mise en place après la première année, et qui a atteint sa (modeste) apogée dans la première moitié de 2008, avec 250 visiteurs uniques quotidiens. J'ai beaucoup aimé pratiquer ce mélange de chroniques littéraires et de discrets billets d'humeur, ponctués de perles de mes cours de français. Je remercie au passage les quelques internautes qui auront régulièrement enrichi le site de leurs commentaires.

Il me reste à vous souhaiter une excellente année 2009, saturée d'expériences littéraires de toutes sortes !

(En vidéo, la bande-annonce du meilleur film de 2008 à mon goût, parmi les 70 environ que je suis allé voir : No Country For Old Men, des Frères Coen)

lundi 15 décembre 2008

L'art de la décharge explosive et continue (Prince / Easton Ellis)





J'aime établir des équivalences entre musique et littérature : y a-t-il par exemple un écrivain qui parvienne à donner sur papier la même sensation de folie millimétrée que Prince sur scène ? Ce qui est incroyable avec ce type (du moins dans la première partie de sa carrière...), c'est l'explosion d'énergie, de radicale démesure, dans chacune des minutes qu'il passe en concert... Les corps se contorsionnent, les mélodies fusent, les saxos gueulent, les cris ponctuent les solos de guitare, les danseuses se démênent dans ce qui ressemble fort à des bacchanales, des carnavals furieux où tous les codes sociaux volent en éclat...

C'est assez frappant dans la vidéo ci-dessus : la version live du tube Housequake, issu de son chef-d'oeuvre Sign'O The Times.

Faut-il chercher l'équivalent en littérature dans la catégorie des auteurs délirants, comme Palahniuk que nous avons récemment évoqué ? Je pense en fait plutôt à Bret Easton Ellis, quand il écrit des nouvelles... J'ai relu cet été son recueil Zombies (10/18), que j'avais pris sous le bras pour mon petit tour en Californie (toutes ces nouvelles se passent à Los Angeles), et j'ai été frappé par la force constante qui se dégage de chacune de ses pages, beaucoup plus que dans les oeuvres longues d'Easton Ellis d'ailleurs, comme le fameux American Psycho.

Tous les personnages de Zombies se droguent, se tuent, baisent, tombent en dépression, s'achètent des fringues, changent de bagnole, changent de pays, trimbalent partout leur mal-être. Easton Ellis en fait-il trop dans la déglingue ? Ce n'est pas trop grave : disons qu'il fait dans la métaphore... Je n'ai à peu près jamais connu d'autre auteur procurant cette sensation d'absolue vie, de recherche quasi-constante de ce que la vie peut offrir de plus excitant et de plus glacial à la fois...

"Bruce m'explique que tout est allé de travers depuis que Robert a quitté l'appartement qu'ils partageaient à l'intersection de la 56e Rue et de Park Avenue, pour aller descendre le Colorado en raft avec son beau-père, laissant son amie Lauren, qui vit aussi dans l'appart, en tête à tête avec Bruce mais je sais bien par quel genre de fille est séduit par Robert, des filles superbes et capables de faire semblant d'ignorer que Robert, à vingt-deux ans, pèse à peu près trois cents millions de dollars ; je m'imagine cette fille, Lauren, allongée sur le futon de Robert, la tête renversée en arrière, et Bruce, les yeux obstinément fermés, qui s'agite doucement au-dessus d'elle." (Extrait de Zombies, p 10, 10/18)

mercredi 10 décembre 2008

Courneuvication / Les déboires de l'écrivain sont-ils cools ?





Je dévore sur dailymotion et youtube tous les documents qu'on pourrait regrouper sous le terme générique de "faits de société" - documentaires, interviews, scènes filmées... La violence est omniprésente, évidemment, parce que c'est elle qui focalise l'attention de la plupart des internautes.

Dans le genre on trouve beaucoup d'interventions policières filmées (provenant de la télévision américaine) ainsi qu'un nombre assez remarquable de bavures policières (souvent françaises, cette fois-ci).

(Frappant d'ailleurs de constater comme le côté "cow-boy" de la police américaine, dont beaucoup de citoyens paraissent là-bas très fiers, est beaucoup moins accentué dans ce qu'on nous présente du travail de la police française. Peut-être parce qu'en France on aurait honte d'exposer cet aspect-là du métier...)

La vidéo ci-dessus a beaucoup circulé sur le net : on y voit des policiers tabasser un adolescent à La Courneuve, et je viens de me rendre compte qu'elle se passait exactement là où, chaque matin, me dépose le tram non loin de mon lycée.

Je me suis habitué au lieu, mais il faut reconnaître que la première fois que je suis arrivé dans le coin, j'ai été saisi par son côté sordide - que rend à merveille la terrible vidéo. Le travail au quotidien dans mon lycée n'est pas aussi déprimant, heureusement, mais j'aime compenser le caractère anxiogène de ces bouts de films par d'autres qui stylisent quelque peu nos galères quotidiennes.

Et quel meilleur bain de jouvence que l'excellente série Californication ? (La première saison est un chef-d'oeuvre, sauf peut-être la fin, truffée d'invraisemblances...) On y voit David Duchovny dans la peau d'un écrivain que sa femme vient de quitter, perdant l'inspiration, noyant ses chagrins dans l'alcool et le sexe... Le tout sur fond de soleil californien, truffé de répliques dignes des meilleurs Woody Allen, et mâtiné de noirceur et de cynisme à la Bukowski...

J'ai été très surpris qu'un écrivain puisse devenir une incarnation de la cool attitude dans une série américaine, et que cela nous donne, qui plus est, un résultat si réjouissant (Duchovny s'appelle d'ailleurs Hank Moody, dans la série : clin d'oeil au très bon Rick Moody, l'auteur de Ice Storm ?) Je vais regarder d'un autre oeil, à partir de maintenant, mes petits états d'âme d'écrivain qui se cherche...