La littérature sous caféine


jeudi 13 décembre 2007

Le Nouveau détective : Un magazine engagé !



Il y a deux semaines, je vous proposais une rapide revue de presse au lendemain des émeutes à Villiers-Le-Bel. Deux choses m'avaient frappé : Libération était le seul quotidien à paraître remettre en cause la version des policiers, et Le Figaro restait très mesuré pour un journal de droite. J'ai acheté la semaine dernière Le Nouveau Détective, comme il m'arrive de le faire pour me vider la tête en sortant du boulot (je trouve assez drôle l'extrême dramatisation d'affaires par ailleurs parfaitement sordides), et quelle n'a pas été ma surprise de me rendre compte qu'il consacrait deux pleines pages aux émeutes, et qu'il prenait position de manière très virulente !

Tout d'abord avec un édito intitulé "Non ! L'argent ne manque pas dans les cités", et qui contient ce genre de phrases : "Après les émeutes qui ont explosé à Villiers-Le-Bel, la même rengaine habituelle a été diffusée dans la plupart des médias : si la banlieue bouillonne, c'est parce qu'on ne fait rien pour elle, qu'on l'abandonne à son triste sort. Si les "jeunes" brûlent des voitures, tirent sur la police, caillassent les pompiers, c'est parce qu'ils n'ont pas de travail, et rien à faire pour s'occuper... Evidemment, la vérité est tout autre. En fait, il tombe sur la banlieue une pluie d'or, d'argent, de subventions, d'aides, de fonds publics en tout genre(...). Et pour quels résultats ? On se le demande."

L'article lui-même décrit en détail les exactions commises pendant les émeutes, avec un titre sans ambiguïté : "Les casseurs mis au pas. La police s'est montrée héroïque dans sa lutte." Il relate des incidents dont je n'ai pas entendu parler ailleurs: s'agit-il d'informations confirmées ? De simples rumeurs ? Le contraste avec la presse quotidienne en devient presque gênant...

Exemple : ""Ils grimpaient aux réverbèrent sur les poteaux électriques pour biser les ampoues, racontera un témoin. Ils voulaient plonger le quartier dans le noir." Mais on y voit encore, à la lueur des incendies. Car de hautes flammes éclairement maintenant la zone. Des groupes cagoulés stoppent les voitures qui passent à proximité, éjectent leurs passagers et les dépouillent avant de fracasser le pare-brise et les vitres. (...) Pendant ce temps, ses camarades pénètrent en force dans le McDo local, dépouillent les clients terrorisés et volent les caisses, avant de fracasser toujours les vitres."

Dramatisation à outrance, description clinique des faits : Le Nouveau Détective prendrait-il la relève du Figaro ?

lundi 3 décembre 2007

Comment Maupassant aurait-il jugé l'Arché de Zoé ?



Un collègue, prof d’Histoire, s’adresse à moi en salle des profs : « Tu le sauras sans doute mieux que moi… Maupassant… En politique, il était de quel bord… Je veux dire, il était vraiment réac ?... Parce que j’ai des textes terribles de lui sur la Commune… Comme Zola, c’était le pire des bourges, quand il s’agissait de défendre sa classe, il n’hésitait pas… Maupassant, d’après ce que j’ai compris, il les aurait tous fait fusiller, les Communards… »

Je n’ai pas pu confirmer ses dires, bien que je sois un grand fan de Maupassant. Je suis admiratif de ses nouvelles, dont je n’ai jamais trouvé l’équivalent contemporain – leur regard impitoyable sur la nature humaine, leur sens de la tragédie quotidienne, leur humour sans fioriture, sans illusion, presque tendre, à propos de tous ces paysans, ces nobles, ces bourgeois, si prompts à fermer les yeux sur la morale.

Je trouvais d’ailleurs si frappante cette lucidité, que je ne m’étais jamais demandé si Maupassant pouvait avoir des opinions politiques. Pour moi, il faisait surtout œuvre de moraliste. Il ne portait pas de jugement sur la société : c’étaient les hommes qu’il peignait à grands coups de pinceaux rageurs.

Serait-ce précisément cela, être de droite, porter un regard accusateur sur la nature humaine, alors qu’un homme de gauche chargerait plutôt la société ?

Cela ne m’a pas empêché de faire lire à une de mes classes de seconde le merveilleux recueil Les Contes de la Bécasse, regorgeant de pépites, et par exemple la nouvelle Aux Champs, à laquelle j’ai très fortement pensé lorsqu’on nous parlait de l’affaire de l’Arche de Zoé.

Je vous la résume :

Une grande bourgeoise en mal d’enfants tombe en extase devant les bambins de deux familles de paysans pauvres. Elle propose d’adopter l’un de ces enfants, contre forte rétribution : l’enfant aura d’ailleurs le droit de revenir quand il veut dans sa vraie famille. La famille Tuvache, indignée qu’on puisse vouloir acheter des enfants, refuse. La famille Vallin, cupide, accepte.

Des années plus tard, l’enfant adopté revient dans sa famille : il est riche, bien éduqué, heureux. Le fils des voisins, resté toute sa vie dans sa famille de paysans, observe la scène, et prend tout à coup conscience de la vie qu’il a manquée. Il s’adresse à ses parents :

« « Tenez, j’sens bien que je ferai mieux de n’pas rester ici, parce que j’vous le reprocherais du matin au soir, et que j’vous ferais une vie d’misère. Ça, voyez-vous, j’vous l’pardonnerai jamais ! »
Les deux vieux se taisaient, atterrés, larmoyants.
Il reprit :
« Non, c’t’idée-là, ce serait trop dur. J’aime mieux m’en aller chercher ma vie aut’part. »
Il ouvrit la porte. Un bruit de voix entra. Les Vallin festoyaient avec l’enfant revenu.
Alors Charlot tapa du pied et, se tournant vers ses parents, cria :
« Manants, va !»
Et il disparut dans la nuit
. » »

Je serais bien curieux de voir quel regard Maupassant aurait porté sur l’affaire de l’Arche de Zoé. Si l’on suit la morale de sa nouvelle, il aurait peut-être considéré que c’est une grande hypocrisie de crier au scandale parce que quelques-uns veulent arracher des enfants à la misère, quand bien même ils ne seraient pas orphelins… Que les parents soi-disant indignés devaient être bien heureux, au fond, de laisser partir leur enfant pour une vie plus aisée…

Mais ne faisons pas parler les morts !

mercredi 28 novembre 2007

Lendemain d’émeute, revue de presse (Villiers-le-Bel, débuts de polémique)



(Dans cette vidéo, compte-rendu des émeutes sur une chaîne américaine : il est amusant d’entendre le journaliste écorner quelque peu l’image romantique de la France (« La France n’est plus le pays romantique qu’on nous donne à voir… »). Il est frappant surtout de l’entendre utiliser un vocabulaire que les journalistes français ne se permettraient pas : il parle d’émeutiers « arabes et d’origine africaine… » Satisfaction de voir que la France connaît les mêmes problèmes communautaires que les USA ? Moins d’hésitation à parler de couleur de peau, parce que les Etats-Unis connaissent depuis longtemps le problème des émeutes urbaines, et qu’ils s’embarrassent moins de précautions linguistiques ?)

Je me suis amusé (je ne sais pas si c’est le mot qui convient) à acheter quatre quotidiens différents (Libération, Le Monde, Le Parisien, Le Figaro) pour comparer, ce mardi 27 Novembre 2007, la présentation qu’ils font des deux nuits successives d’affrontements à Villiers-le-Bel et dans les environs.

Première surprise : je m’attendais à ce que le Figaro se détache des autres par son ton virulent à l’égard des émeutiers. Or, dès la première page, il se distingue au contraire par une extrême sobriété. Les trois premiers quotidiens affichent une grande photo dans les dominantes jaunes (des flammes, la nuit), alors que le Figaro titre principalement sur le voyage de Sarkozy en Chine, et se contente d’une petite colonne, sur la droite, sans photo, pour annoncer ses articles sur Villiers-le-Bel.

Mais commençons par Libération (nous progresserons sur l’échiquier politique de gauche à droite).

Libération consacre 3 pages aux événements, en plus de la Une. Il se distingue par un édito de Laurent Joffrin, condamnant l’action du gouvernement (« Qu’a-t-on fait depuis deux ans pour combattre le mal ? »), et par un article intitulé « La colère ne s’arrête pas à Villiers-le-Bel », qui fait la part belle à l’opinion des émeutiers, et qui laisse sous-entendre que la version de la police concernant l’accident n’est pas convaincante (la citation mise en exergue par l’article est celle-ci : « C’est volontaire de la part des policiers. Avec un choc comme cela, ce ne peut être accidentel » (le frère d’une des deux victimes))

Libération me semble le seul quotidien (mais je n’ai pas lu L’Humanité ?) à mettre vraiment en doute la version des policiers (l’essentiel de l’article est consacré aux justifications des émeutiers). Même à la radio, à la télévision, je n’ai pas entendu de version si clairement suspicieuse à l’égard des forces de l’ordre.

Le Monde (daté du Mercredi 28) ne consacre que 3/4 de page aux événements (en plus d’une grande photo en Une) (l’édito, lui, porte sur la question des différences de salaires entre hommes et femmes) : les articles n’attaquent pas les forces de l’ordre, mais se contentent de relever les faits. Les descriptions sont plus minutieuses, et de loin les plus impressionnantes, et les mieux écrites, de la presse aujourd’hui :

« Dès qu’un policier est touché, les garçons fêtent ça, les bras levés au ciel. Même cri de victoire quand ils reculent. Ils se hissent sur les toits de voiture, ils se prennent en photo avec les téléphones portables. « Attraper un flic », un « keuf », un « porc » : pendant trois heures, une poignée de meneurs répètent ces mots d’ordre : « Restons groupés ! », « Solidaires, les gars ! ». Et les émeutiers, disciplinés, suivent les consignes. Les « petits » - certains n’ont même pas 10 ans – jouent les éclaireurs. Ils débusquent les policiers et jettent des cocktails Molotov ; les plus grands veillent à ce que la voie soit libre. (…) Un gaillard en survêtement noir, talkie-walkie branché sur une fréquence de la police, guide l’équipe. »

Même relative neutralité pour Le Parisien : trois pages (en plus de la Une), avec un simple relevé des faits, des hypothèses sur l’accident, et l’habituel didactisme, relativement efficace, propre à ce journal... Le seul article quelque peu engagé est l’interview d’un sociologue, Laurent Mucchielli, dressant un constat comparable à celui fait dans l’édito de Libération : « On n’a pas avancé depuis deux ans. »

La plus grande surprise vient du Figaro (cf début du billet) : petite colonne en Une (« Villiers-le-Bel : nouvelle nuit de violences, les policiers dédouanés »), une page un peu plus loin. S’agirait-il d’une volonté d’étouffer quelque peu l’affaire ? On n’a pas l’impression de lire un journal de droite : aucune phrase ne condamne les émeutiers… Le Figaro fait vraiment pâle figure par rapport à la déclaration de Fillon sur toutes les télévisions, traitant de criminels ceux qui ont tiré sur les policiers. Le Figaro se rapprocherait-il du Monde ?

Au final, ce qui me frappe avec la presse écrite, c’est la grande modération de ton (pathos nettement atténué…), alors que ce qui circule sur le net, ce qui s’exprime sur les forums, sur Dailymotion, et plus globalement ce qu’on voit à la télévision, traduit beaucoup plus la violence des faits, celle des émotions (de part et d’autre). Les articles m’auront paru prudents, voire même assez fades – comme si les journalistes avaient peur de s’exprimer. A moins que l’image soit toujours beaucoup plus parlante que des mots ?

lundi 26 novembre 2007

Maintenance + tracteur

Ouf, l'opération de maintenance est finie : j'ai récupéré tous les billets AVEC leurs commentaires jusqu'au 26 septembre 2007. Entre le 26 sept et le 13 novembre, les billets sont saufs, mais les commentaires sont passés à la trappe... Promis, ça ne se reproduira plus !

Pour souffler un peu, contentons-nous de cette petite perle :

Une élève me demande :

- Monsieur, est-ce que vous venez de la campagne ?

(Il y a deux ans, on me demandait si j'avais une moto... Qu'est-ce qui, dans l'évolution de mon look, peut bien justifier le fait qu'on me demande maintenant si j'ai un tracteur ?)

mercredi 10 octobre 2007

Tous à poil / La malédiction de Dominique Pinon



1) L’une de mes sœurs m’a souvent faire rire en se disant exaspérée par tous ces spectacle de danse ou de théâtre dans lesquels les acteurs se sentaient obligés de se mettre à poil, un moment ou un autre (souvent en guise de final).

Je ne me doutais pas qu’un mouvement de révolte se dessinait contre cela chez les spectateurs… Jacques Juillard a dénoncé le phénomène dans une chronique du Nouvel Obs en accusant « la dictature arbitraire de ce démiurge autoproclamé et mégalomaniaque que l’on nomme metteur en scène », et la « connivence servile d’une partie de la critique. » Les lecteurs ont abreuvé la rédaction d’un courrier nombreux pour réagir (souvent favorablement) à l’article : ils se disaient soulagés qu’on déplore enfin l’« hystérisation » d’une grande partie des mises en scènes contemporaines, souvent au détriment des textes eux-mêmes.

Ainsi Christine D. : « Ouf ! Je ne me sens plus ringarde ! Professeur de français dans un lycée de province, j’emmène parfois mes élèves au théâtre, et souvent je sors mécontente : pourquoi les acteurs se roulent-ils sur le sol ? Pourquoi des actrices nues ? »

Pourtant, si je fais le bilan de ces deux dernières années (j’ai dû voir une vingtaine de pièces), je suis très déçu de constater qu’on m’aura offert très peu de nudité. Où tous vont-ils donc au théâtre ?

Si mes souvenirs sont bons, seul le petit Théâtre de Nesle, près d’Odéon, m’aura montré les corps déments et presque nus de jeunes actrices en proie aux tourments de la prose rageuse de Sarah Kane.

Après deux ans de programmation au Théâtre de la Colline, j’aurai surtout entendu des cris, des gémissements, des imprécations, assisté à des meurtres ou des suicides (le clou consistant dans la projection d’un nourrisson sur un bouclier de CRS, dans une pièce d’Edward Bond). La violence serait-elle plus subversive que le sexe ?

2) Lors du dernier spectacle, la mise en scène ébouriffante d’un texte de Valère Novarina (L’acte Inconnu, long délire métaphysico-poétique sur l’absurdité de la condition humaine), Dominique Pinon, au demeurant excellent acteur, s’est planté sur le devant de la scène, à quelques pas de moi (j’étais au premier rang) et s’est mis à déclamer une tirade au cours de laquelle il accusait certains groupes humains des pires outrages et leur promettait de terribles châtiments.

Un moment il a planté son regard sur moi (sa technique devait être de fixer un point précis pour avoir l’air plus convaincu), m’a abreuvé d’insultes et m’a juré que je subirai l’outrage ultime : ma bouche deviendrait muette.

lundi 3 septembre 2007

Rentrée (presque) littéraire 2007 en lycée

Je retrouve le lycée de Montreuil dans lequel j’étais si bien l’année dernière, pour quelques semaines ou quelques mois : je dois réfléchir d’urgence au programme, notamment avec ma classe de 1ere… Comme le roman vient de réapparaître dans les listes de Bac, il faut que j’en trouve un qui réponde aux critères suivants, pour une classe de niveau plutôt modeste :

- Roman français ni trop court, ni trop long (moins de 200 pages ?)
- Bien écrit, mais pas précieux
- Intéressant, mais pas trop obscur
- Emouvant, mais pas tarte
- Ni trop avant-gardiste, ni trop vieilli
- Sans scène de sexe explicite, ni trop de violence
- Politiquement correct, mais suffisamment subtil

Vous en connaissez beaucoup, des romans qui remplissent ce cahier des charges ?

J’en ai juste en tête une poignée…

Le Sagouin de Mauriac me paraît pas mal, même s’il est un peu daté.
Bonjour Tristesse, de Sagan, me paraît un peu juste pour faire des études de texte.
Les romans de Maupassant, ça pourrait aller.
L’Etranger, de Camus, pourquoi pas.
Pêcheur d'Islande, de Pierre Loti, dont je garde un excellent souvenir, mais il faudrait que je le relise très vite
Les Zola, Balzac, Stendhal, Proust et compagnie, trop long ou trop ardu me paraît-il pour cette classe
Céline, inenvisageable...
L'amant, de Duras ? Thème délicat à traiter (très jeune fille avec un homme plus mûr)

J'ai quelques heures encore pour y penser...

jeudi 19 juillet 2007

Vacances havraises





Sur le net je tombe par hasard sur du rap havrais
je ne savais pas que ça existait, du moins de ce niveau
les quartiers pauvres dont j’entendais le nom, plus jeune
la Mare Rouge et Caucriauville devenus les noms de groupes
en verlan surtout / la Rouge-Ma / Caucri
ces gamins de douze ans qu'on voit peu sur la plage
rapent dans leur cour et ça vaut bien
du 50 Cent

mardi 17 juillet 2007

Livres en ligne

J’ai de grandes frayeurs quand je pense à l’avenir du livre… Je n’achète déjà plus beaucoup de disques en magasin, comment ne pas imaginer pour l’édition de romans un tassement significatif dans les prochaines années ? Mes deux dernières frayeurs en date à ce sujet :

- Faisant passer l’oral du bac de français, je tombe sur une liste de poèmes en tête desquels je peux lire un message accompagnant un petit logo : « Téléchargez les autres textes »... L’édition de très courts romans ou de recueil de poèmes, dans un avenir proche, ne devrait-elle tout simplement pas disparaître ?

- Je lis l’interview dans un récent Nouvel Obs de Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine américain Wired, se déclarant très optimiste quant à l’avenir de la diversité culturelle dans un monde où le net permettra l’émergence d’une flopée inédite de talents, plus du tout corsetés par une industrie traditionnelle qui savait imposer au public quelques best-sellers :

« Capable désormais de stocker dans des rayonnages virtuels illimités tous les livres du monde, la librairie de demain ne vendra plus 1000 exemplaires du livre que, conditionné par la publicité, chacun de nous se doit d’acheter, mais un exemplaire des 1000 livres que chacun de nous a envie d’acheter ».

De quoi faire frémir le modeste auteur d’Azima la Rouge qui n’en a déjà vendu, précisément, que 1000 exemplaires… Combien vendra-t-il du prochain s’il n’a même pas le secours d’une industrie quelque peu structurée ?