La littérature sous caféine


samedi 16 juin 2007

Ce soir, l'hécatombe



Si je fais le bilan de ma saison théâtrale 2006-2007, du point de vue du nombre de morts, cela donne :

- Hedda Gabler, d’Ibsen : un suicide + un suicide déguisé en rixe
- Trois sœurs, de Tchekhov : un suicide déguisé en duel
- Platonov, de Tchekhov : quelques morts, dont un suicide (si mes souvenirs sont bons)
- Naître, d’Edward Bond : plusieurs morts par balle + une scène de charnier + le massacre du corps d’un enfant
- Psychose, de Sarah Kane : un suicide

Il n’y a que la pièce de Thomas Bernhard, Au But, qui n’ait pas mis en scène de mort violente, encore que l’épouse parle longuement de l’agonie de son mari et qu’il s’agisse beaucoup de désespoir et de dégoût.

Comment justifier une telle hécatombe ? Sans doute la bonne vieille catharsis d’Aristote (il faudrait d’ailleurs faire des sondages, tiens, pour savoir si les spectateurs se sentent purgés à la sortie d’une pièce…), sans doute aussi le fait qu’on présente sur scène des raccourcis de nos destins et qu’il est donc inévitable d’aborder la question de la mort… Mais que la mort prenne si souvent sur scène la forme du suicide ? Peut-être une question de maîtrise de soi, donc aussi de sa fin...

lundi 11 juin 2007

Cour des miracles à Montreuil (Semoun / Jamiroquai / Miller)



A Montreuil j’ai finalement trouvé le bistrot dans lequel je vais prendre un café chaque fois que mon emploi du temps m’en laisse le loisir : c'est une véritable cours des miracles tenue par des Chinois et fréquentée par une majorité de femmes mûres, marquées par l’alcool et le désoeuvrement. Celles-ci compensent leur misère physique par une surprenante énergie gouailleuse (j’ai d’ailleurs compris, tout à coup, où l’inénarrable Elie Semoun puisait une bonne partie de son inspiration)

L’une de ces femmes s’est arrêtée de parler, médusée, quand elle a vu entrer dans le bar un fringant trentenaire en costard, coupe branchée sur des pompes rutilantes, arborant l’une de ses incroyables paires de lunettes auxquelles j’ai régulièrement fait référence sur ce blog.

Cette femme s’est montrée très sincèrement consternée par le spectacle de ces lunettes et n’a pas pu se retenir de s’exclamer :

« Ouah, les lunettes de soleil lunaires !... »

Le plus drôle est que je venais de flasher, vingt minutes plus tôt, sur de magnifiques paires Hugo Boss à 250 Euros et je me suis dit que cette charmante femme, cheveux gras et justaucorps jauni, m’aurait trouvé tout simplement affligeant si j’étais entré devant elle avec ces lunettes au nez.

Pour donner d’ailleurs une idée de l’effet de ces lunettes sur la cliente de ce bar, rien de mieux que ce clip de Jamiroquai, illustrant un excellent titre parmi les tout premiers, mais dans lequel le fringant Jay Kay ne paraissait pas conscient du ridicule absolu de ces verres disproportionnés :



Enfin, pour la touche littéraire, je relisais ce jour-là l’excellente page de conclusion de Plexus, l’un des chefs-d’œuvre de cet auteur viril par excellence qu’est Henry Miller : « La souffrance est inutile. Mais l’on doit souffrir avant de pouvoir comprendre qu’il en est ainsi. C’est alors seulement, de surcroît, que la vraie signification de la souffrance humaine devient claire. Au dernier moment désespéré – lorsqu’on ne peut plus souffrir ! – quelque chose advient qui tient du miracle. La grande plaie ouverte qui drainait le sang de la vie se referme, l’organisme fleurit comme une rose. On est enfin « libre » et non pas « avec la nostalgie de la Russie » mais avec la nostalgie de toujours plus de liberté, toujours plus de félicité. L’arbre de la vie est maintenu vivant non par les larmes mais par la certitude que la liberté est réelle et éternelle. »

mardi 5 juin 2007

Premier pas vers la satire...

Week-end sur la plage havraise et je guette les répliques qui pourraient donner lieu, sous la plume de Jonathan Coe, à quelque page de franche satire :

Une mamie, à son caniche hurlant contre un chien qui vient en sens inverse :
« Tu dis bonjour, et tu te tais ! »

Une ostéopathe, à une cliente un peu surprise :
« Il faut que je vous dise, Madame. Vous êtes complètement coincée du cuir chevelu… »