La littérature sous caféine


vendredi 21 octobre 2011

Mystère des carrières musicales


Prince - Partyup [Live] par Vilosophe

(Une vidéo rare, Prince jouant en live un titre de son brillant troisième album, Dirty Mind)

Les carrières musicales sont injustes. Certains artistes percent au moment où leur art se dégrade – je pense par exemple à Beyoncé qui m’épatait, les premières années, par sa virtuosité, les mille facettes de son talent, et qui maintenant explose au niveau mondial avec des gesticulations frénétiques, des vocalises hystériques, des albums sans âme… On dirait qu’elle singe les attitudes d’une star, qu’elle y parvient à merveille mais qu’elle se contente, après tout, d’imiter en quelque sorte la véritable star qu’elle aurait pu être.

D’autres carrières s’essoufflent au moment même où l’artiste en question gagne en talent et en maturité. Les années 90 ont par exemple été fatales à Prince parce qu’on lui reprochait de se disperser, mais surtout de suivre une voie hip-hop mâtinée de pop indigne du glam-rock-funk dont il avait eu le secret. Pire, il est carrément devenu confidentiel au début des années 2000 avec un virage jazz-rock suscitant l’indifférence.

Et pourtant, ce sont bien ces deux décennies fatales qui me séduisent particulièrement, avec des titres hallucinants de maîtrise et des albums en partie débarrassés des nombreuses scories kitsch des années 80 (bien que Parade, Sign’O the Time et Purple Rain brillent d’un éclat particulier). Je pense notamment à Rainbow Children, son album le moins vendu à ce jour et le plus réussi à mon goût. A l’aube de la décennie 2010, Prince paraît avoir retrouvé le chemin d’un certain succès commercial (du moins, en concert), mais pour le coup ses albums sentent les recettes éculées. Lui-même admet ne plus vouloir vraiment écrire pour le studio.

Quant à Jamiroquai, il semble avoir mérité le déclin de son audience. Ses trois premiers albums, pépites de jazz-funk mégalomane, ont été suivi de trois autres inégaux, flirtant avec les facilités, mais celui de l’année dernière, le septième en date, propose un travail léché, lyrique en diable, percutant, mûrissant une formule électro-funk que Jay Kay rôdait depuis quelques années. Or son public se raréfie. Certes, il remplit encore Bercy, mais c’est en surfant sur le souvenir des années d’or. Aucun tube ne s’est imposé cette année sur les ondes, et le grand public se met à l’oublier doucement. Il est sans doute en train de subir, comme Prince au milieu des années 90, et toutes proportions gardées, un retour en seconde division.

mardi 5 avril 2011

Les équivalents littéraires aux tableaux (Redon, Gracq...)



Très belle exposition Odilon Redon au Grand Palais. J'ai toujours été séduit par la grande originalité des thèmes qu'il traitait - cette façon de fouiller son propre imaginaire, de partir à la recherche d'images fondamentales, de présenter la matière de ses rêves, sans craindre de paraître étrange ou inquiétant.

Le curieux syncrétisme qui est le sien, aussi, mêlant les symboles de plusieurs religions, les mythes de plusieurs civilisations.

Puis sa conversion à la couleur, Redon renonçant en partie au monde des rêves le temps de quelques oeuvres plus décoratives (encore que ses fleurs soient souvent purement imaginaires), adoptant une palette de couleurs vives, chaudes et contrastées proche de celle de Gaughin, à qui il rend hommage dans plusieurs toiles.



J'ai ressenti face à ses toiles la même chose qu'avec quelques autres artistes : l'envie d'écrire une sorte d'équivalent littéraire aux oeuvres que j'ai devant les yeux. Qu'est-ce que cela pourrait donner, dans le cas de Rodon ? Des poèmes dans la veine de Baudelaire, bien sûr, ou Mallarmé. Plus difficile de concevoir une fiction... Peut-être des nouvelles du style de Hoffmann, angoissantes et fantastiques ? Une prose "artiste" à la manière de Huysmans (qui admirait Rodon, d'ailleurs) ? Une écriture puissante et raffinée comme celle de Poe ?

Je n'ai jamais rien écrit qui puisse me faire penser moi-même à Rodon. Il faudrait quelque chose de somptueusement contemplatif... Très difficile de ne pas être ennuyeux quand on est contemplatif, tout en ayant l'ambition d'une prose riche et maîtrisée. Gracq, peut-être, à cet égard, pourrait-il être un digne équivalent de Rodon ?

vendredi 25 février 2011

L'oeuvre de Woody Allen est-elle joyeuse ou désespérée ?


EXCLU - Woody Allen : la bande-annonce en VF
envoyé par Europe1fr. - L'info video en direct.

La morale du dernier film du maître new-yorkais, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, pourrait être résumée de la manière suivante : « Dans la vie, ce ne sont pas les individus les plus rationnels qui s’en sortent. Les plus heureux sont ceux qui se concoctent une philosophie simple, naïve, voire purement superstitieuse. Mieux vaut vivre dans l’illusion qu’avec une lucidité qui ne nous est d’aucun secours. »

Le personnage clé du film est une vieille femme que son mari vient de quitter. Déboussolée, elle se tourne vers une diseuse de bonne aventure. Mais ceux qu’elle côtoie se moquent de la confiance qu’elle apporte à ces prédictions. Ils s’agacent, même, qu’elle persévère dans ces croyances. Chacune de ces personnes vivra cependant des drames, pêchera par excès d’orgueil, finira déprimée... La vieille femme, elle, mènera son chemin. Non que la diseuse de bonne aventure ait eu vraiment raison. Mais une certaine candeur, relevée de méthode Coué, sauveront la vieille femme.

Beaucoup de spectateurs, autour de moi, ont trouvé le film sordide : ces échecs, ce manque d’amour, ces gens qui se trompent et butent sur leur propre destin… Mais c'est oublier, à mon avis, la clé de voûte du film, cette morale en creux, ce personnage de vieille femme persévérant dans sa foi naïve. Splendide travail de moraliste ! Woody Allen relève méthodiquement tout ce qu’il y a de ridicule dans les comportements humains. J’ai vraiment été sensible à la dimension profondément comique du film. Le message n’est pas désespéré : il est que nous ne maîtrisons rien de nos vies et qu’il faudrait enfin l’admettre.

Film désespéré, donc, mais surtout joyeux

J’ai lu dans le roman que je dévore en ce moment, L’ennui, de Moravia, un paragraphe qui m’a fortement rappelé le film de Woody Allen. Le narrateur est fasciné par un peintre érotomane absolument dépourvu de talent, mais sans avoir l’air de s’en rendre compte. Voici ce que le narrateur dit de Balestrieri, le peintre en question :

« Peut-être Balestrieri était-il une espèce de fou, mais un fou dont la folie consistait à avoir l’illusion d’être en rapport avec la réalité, c’est-à-dire d’être un sage, comme le témoignaient ses toiles ; tandis que moi, j’étais obligé de me le dire, j’étais peut-être un sage dont la sagesse consistait dans la profonde conviction qu’un tel rapport était impossible, c’est-à-dire un sage qui se croyait fou. » (L’ennui, GF Flammarion, page 117).

Le narrateur est malheureux parce qu’il n’arrive pas à nouer avec la réalité ce rapport naïf (mais substantiel) que parviennent à créer, eux, Balestrieri ou la vieille femme de Woody Allen.

lundi 10 janvier 2011

Les meilleurs films sortis en 2010

Jeu puéril mais délicieux des classements...

J'ai vu cette année plus de 60 films (je ne tiens compte que des sorties 2010), et les meilleurs m'ont semblé être les suivants :

1) Mother, de Bong Joon-ho.

Encore une fois, le cinéma corréen se distingue par sa force, son originalité, son ambition.



MOTHER bande annonce Joon ho Bong
envoyé par sortiescinema. - Les dernières bandes annonces en ligne.

2) Social Network, de David Fincher, pour sa maîtrise formelle et son souffle (et le tour de force de happer l'Histoire à quelques mois près).

3) Tamara Drewe, de Stephen Frears, pour son irrésistible satire des moeurs d'écrivains dans la campagne anglaise.

4) Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, de Woody Allen, pour son incroyable vitalité, son mordant, sa vision désabusée mais drôle de l'existence.

5) A égalité : Potiche, de François Ozon / Esther (l'un des meilleurs films d'horreur qu'il m'ait été donné de voir) / Machete, pour le côté revigorant de ses torrents d'hémoglobine.

Et mon TOP SHIT 2010:

1) The American, avec George Clooney, pour sa surprenante vacuité.

2) The Expendables, de et avec Sylvester Stallone (rien à sauver dans ce film).

3) L'Elite de Brooklyn (trop glauque, trop long, trop pénible...)

4) Copains pour toujours (comédie trop longue, mal foutue et pas drôle).

5) Skyline (Nanard dont le final reste cependant surprenant...)

lundi 13 octobre 2008

Polémique assurée (Entre les murs et Bégaudeau, suite et fin)



Troisème et dernière série de remarques à propos du film Entre les Murs de Laurent Cantet :

Tout d'abord, la grogne des profs contre le film se poursuit, avec par exemple l'article de Libération du Jeudi 6 Octobre écrit par six professeurs, intitulé "Professeures de zones sensibles entre les murs" : l'article dénonce notamment le fait que le film soit centré sur les "moments de dérapage". "Laurent Cantet ne met en scène que les moments durant lesquels "il se passe quelque chose". Cette facilité dramatique finit par dire que le cours n'a de valeur que dans ses dérapages. Sous couvert d'une fausse égalité, le professeur piège ses élèves en faisant mine de les prendre au sérieux, d'ignorer les sanctions auxquelles les réactions les exposent." Je comprends ce point de vue de certains professeurs, même si je ne le partage pas : force est de reconnaître que ces "moments de dérapage", ou en tout cas ces moments où la parole se libère un peu, où le dialogue s'instaure, sont souvent très fructueux, et restent les plus savoureux d'une année. Je ne pourrais donc pas critiquer cet aspect du film.

On a pu lui reprocher également de mettre en scène un professeur en difficulté, qui ne saurait donc être instauré en exemple pour les autres. Je me souviens de cette réaction, assez drôle, de la part d'une amie qui a vu le film en avant-première : "Franchement, je dois t'avouer que je ne savais pas qui c'était, Bégaudeau... Et pendant tout le film je me suis dit qu'il s'agissait d'une oeuvre qui mettait en scène un prof qui se plantait complètement, débordé par ses élèves... Après coup j'ai compris que non, la star du film était bien le professeur, et Bégaudeau lui-même, et qu'il se présentait comme un exemple à suivre ! J'ai halluciné..."

Contrairement à beaucoup, j'ai trouvé que la richesse du film était précisément de montrer un prof en difficulté, mais l'unique reproche que je lui ferais serait justement de ne pas aller assez loin dans cette dimension. Si l'on y réfléchit bien, les élèves sont finalement très sympathiques dans le film. Même le "gros dur" est en fait un "gros dur au coeur tendre", qui ne frappe une fille que par maladresse...

Cela n'a rien à voir avec les classes vraiment difficiles de certains collèges, les agressions physiques qui ont parfois lieu contre les professeurs, la violence verbale beaucoup plus radicale entre élèves eux-mêmes. A cet égard, le film élude un peu le problème. Il suffit de voir le documentaire ci-dessus (Envoyé Spécial, Ecole, la violence entre les lignes) pour se rendre compte que la tension peut monter beaucoup plus haut que ne le laisse sous-entendre le film, même si les scènes de ce genre sont très bien rendues.

Une scène est d'ailleurs symptomatique, et c'est l'une des premières (la seule scène assez ratée, à mon goût) : celle où un professeur dérape et s'emporte en salle des profs contre ces élèves qu'il veut "laisser à leur merde"... Il a vraiment l'air d'un demeuré, d'un extrêmiste ! Le problème est qu'on ne voit pas la violence psychologique qu'il a subie et qui le pousse à bout... La suite du film rattrape largement ce passage qui m'a, sur le coup, vraiment crispé.

Autre remarque de détail : une scène est invraisemblable (beaucoup d'articles l'ont fait remarquer), celle où le professeur accompagne un élève chez le principal en laissant la classe seule. A la fois impensable et irréaliste, car ce serait un joyeux (ou terrible) bordel... Je pense qu'il s'agit même d'une faute professionnelle !

Une de mes scènes préférées est celle où l'adolescent d'origine asiatique avoue la honte qu'il ressent "pour les autres" quand ils sont trop agités... Moment très juste où la parole de l'élève trouve l'expression adéquate, presque fine...

Enfin, et ce sera la dernière remarque, un des moments-clés du film se trouve aussi dans la première moitié, lorsque l'une des adolescentes avoue sa honte d'être française, et que le professeur répond quelque chose du genre : "Je te rassure, moi aussi j'ai honte d'être français..." On pourrait disserter pendant des heures sur ce genre d'échange, et j'imagine à la fois la consternation d'Alain Finkielkraut et les acquiescement silencieux du camp adverse, affirmant qu'effectivement il y a des raisons aujourd'hui d'avoir honte d'être français.

En y réfléchissant un peu, je me dis qu'il y a problème, en tout cas, lorsque des professeurs, censés dresser le cadre par rapport auxquels les élèves définiront leur identité, sapent d'emblée ce cadre en le déclarant honteux... Je ne condamne pas cette réalité, je la constate, et je réfléchis souvent à cette véritable crise d'identité qui me paraît traverser la France depuis quelques années maintenant, sans avoir encore trouvé toutes les réponses - y en aura-t-il seulement jamais ?

Pour conclure sur cette série de billets, le film de Laurent Cantet a l'immense mérite de montrer la réalité, ou certains aspects de la réalité, et de soulever le débat. C'est un mérite, en soi, qui vient compléter ses grandes qualités cinématographiques. De toutes façons, sur ce genre de sujet, quoi qu'on dise et qu'on qu'on veuille montrer, la polémique paraît inévitable...

vendredi 3 octobre 2008

Ni de droite, ni de gauche, mais alors où ? (Entre les Murs et Bégaudeau, suite)



Après l'impression d'ensemble sur le film de Laurent Cantet, Entre les Murs, quelques remarques sur l'accueil fait au film :

Les réactions en salle des profs, tout d'abord. Je suis très surpris par l'animosité que le film inspire, et pas du tout dans les rangs (très maigres) des profs "à l'ancienne", ou conservateurs (cela existe-t-il seulement dans le 93 ?). Le contraste est surprenant avec le déluge d'éloges qu'on voit dans la presse (à peu près unanime). Si je devais faire la synthèse de ce que j'ai déjà entendu, cela donnerait quelque chose du genre : "Il sabote complètement l'image des profs ! Déjà qu'on rame à récolter des crédits pour l'école, qu'est-ce que ça va être maintenant ? Il est incapable de tenir une classe, ce type ! En plus il ne fait jamais cours... Ses élèves n'apprennent rien ! Et puis quelle image il donne des blacks et des beurs ? A en croire le film ils sont tous débiles, incapables de faire une phrase correcte ! On n'a pas des élèves comme ça, nous ! D'ailleurs ce mec il n'est plus prof, il s'est planqué dès qu'il a gagné de l'argent avec ses livres... Franchement, il n'a pas de leçons à donner !"

Toutes ces impressions rejoignent l'article du Nouvel Obs du 25 Septembre 2008 recueillant les réactions de huit profs et intitulé : "Huit profs notent "Entre les Murs" : Zéro Pointé !" On y lit par exemple : "Avec "Entre les Murs", l'école cesse d'être un roman suave. C'est une fresque pleine de cris et d'invectives, où nos enseignants se sentent trahis, bafoués même. "Le film risque d'apporter de l'eau à tous les "déclinologues" qui disent qu'on ne peut plus faire cours, que c'est de la gabegie", regrette Marie-Cécile. D'une seule voix, les huit spectateurs dénoncent la caricature de l'institution : la vie, l'humour sont toujours du côté des élèves. "On fait passer tous les profs, sauf François Marin, pour des c...", pointe Isabelle."

Le plus surprenant dans les réactions négatives, c'est qu'elle ne viennent pas en majorité du camp conservateur, énergiquement incarné par Alain Finkielkraut en tant d'occasions.

J'ai remarqué par exemple l'interview très vif de Philippe Meirieu, souvent présenté comme le chef de file des pédagogues, ceux précisément que dénonçait Jean-Paul Brighelli dans son pamphlet à succès La Fabrique du Crétin (Folio Documents), et qu'il accusait d'être de dangereux gauchistes responsables de l'effondrement de toutes les valeurs à l'école. Dans cette interview, Philippe Meirieu expliquait par exemple : "Les pratiques pédagogiques dans le film ne sont pas de gauche. On y voit un enseignement fondé sur l'affect, la complicité avec un petit nombre d'élèves. Une pédagogie de gauche donne la parole aux élèves et préconise de se mettre à leur portée et non à leur niveau, c'est là qu'il y a confusion dans le film."

Citons d'ailleurs un passage de l'article d'Alain Finkielkraut paru dans Le Monde, intitulé Palme d'Or pour une syntaxe défunte, et qui rejoint P. Meirieu sur l'essentiel (c'est le bonheur des polémiques que ces points d'accord entre deux hommes que tout semble opposer) :"On jugera le film de Laurent Cantet lors de sa sortie en salles. Peut-être sera-t-on intéressé, voire captivé par cette chronique d'une année scolaire dans une classe de quatrième à travers les tensions, les drames, les problèmes et les imprévus du cours de français. Mais s'il est vrai qu'après s'être vainement employé à corriger la syntaxe défaillante d'adolescentes qui se plaignaient d'avoir été "insultées de pétasses", l'enseignant finit par utiliser certaines tournures du langage des élèves, "plus efficace que le sien", alors on n'aura aucun motif de se réjouir. "

jeudi 25 septembre 2008

La Note Bleue de Bégaudeau (Entre les Murs)



Réaction à chaud après avoir vu Entre les Murs, le film de Laurent Cantet tout juste lauréat de la Palme d'Or à Cannes, adapté du roman de François Bégaudeau (qui joue d'ailleurs dans le film) :

Tout d'abord, évidemment, l'effet d'exotisme n'a pas joué pour moi : j'ai travaillé dans des collèges sensibles du 94 et j'enseigne maintenant à la Courneuve (93), aussi j'ai déjà fait face, à peu de choses prêt, à toutes les situations présentées dans le film. Je n'étais pas l'objet de cet étonnement, de cette surprise qui tenaient en haleine toute la salle, mais j'étais impatient de mesurer sur l'écran, scène après scène, les éventuelles différences avec ma propre perception du métier.

J'avais surtout peur qu'au simple compte-rendu des faits soit superposé tout un discours sur l'école, et qu'on veuille nous inculquer quelques principes bien sentis.

J'ai vite été soulagé : bien sûr, des points de méthode ou de comportement du professeur incarné par Bégaudeau diffèrent de ce que je peux moi-même mettre en oeuvre, mais dans l'ensemble je me suis retrouvé dans le point de vue donné sur la vie d'un professeur en collège. On a vraiment l'impression d'un journal en images, sans pathos, sans commentaire, sans même de musique, le tout serti dans une forme qui laisse place au doute, à la suspension du jugement. Parfois certains personnages (notamment parmi les profs) frisent le ridicule, mais ils n'y tombent jamais tout à fait.

En sortant de la salle j'ai pensé à la fameuse blue note, en jazz, cette note si juste qui fait la fierté des improvisateurs quand ils mettent le doigt dessus... Je me suis dit que Cantet et Bégaudeau avaient peut-être trouvé leur blue note - et celle de pas mal d'enseignants ou d'élèves...

J'ai même trouvé le film assez courageux, parce qu'il nous présente un prof en porte-à-faux, responsable de quelque dérapages qui suscitent des remous. On le voit souffrir, encaisser, louvoyer dans un univers semé d'embûches, et sans avoir toujours le beau rôle. C'est ce pari-là qui fait la valeur du film à mon goût, cette prise de risque.

Mais j'y reviendrai...

mercredi 2 janvier 2008

Cinéma : TOP FIVE 2007 + Top Shit



Je sais que certains seront consternés par l'idée même d'établir un TOP FIVE des meilleurs films de l'année 2007, mais que voulez-vous, l'idée m'amuse. Alors je vous propose, sur un total de 70 films vus cette année, la liste suivante (la cuvée 2007 aura été moins bonne que la 2006, dans l'ensemble, et je suis toujours aussi attristé de voir la pauvreté de la production française (pas un seul titre dans mon TOP TEN), à part une ou deux comédies gentillettes):

1) LA VIE DES AUTRES (Pour la perfection du scenar, celle des acteurs, la peinture de toute une époque, de tout un système...)

2) 4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS (Pour son intensité dramatique, la virtuosité de certains plans séquences, le pied de nez scénaristique final...)



3) INLAND EMPIRE (Pour la radicalité de l'expérience, la richesse sensorielle et mentale, la construction vertigineuse...)



4) ELECTION 2 (Pour la transposition, gonflée aux amphétamines, de l'univers de Scorsese dans le polar hong kongais, et la majesté absolue de certaines scènes)

5)UNE JEUNESSE CHINOISE (Pour son romantisme, son souffle, sa maîtrise formelle, son petit goût de Nouvelle Vague)



Mention spéciale pour 28 SEMAINES PLUS TARD : le meilleur film de zombies jamais réalisé !

Mention spéciale aussi pour L'EPOUVANTAIL, chef d'oeuvre devant l'éternel, starring Gene Hackman et Al Pacino, ressorti sur les écrans cet hiver.

Quant au TOP SHIT, il pourrait s'établir de la manière suivante :

1) OLD JOY (Ce film ne contient RIEN)

2) LE ROYAUME (le degré zéro du film d'action, pénible à voir, et qui a la prétention de commencer à penser)

3) PARS VITE ET REVIENS TARD (Moins bon que le moins bon des films TV)

4) UN COEUR INVAINCU (Angelina Jolie saborde un film déjà laborieux avec ses yeux constamment perdus dans le vide)

5) DIE HARD 4 (Il y a un moment où il faut s'arrêter)