La littérature sous caféine


jeudi 11 août 2022

Racine, indémodable

Je connais plutôt bien "Andromaque" de Racine pour l'avoir étudiée avec plusieurs classes, et je découvre au Festival Off d'Avignon la mise en scène limpide et gracieuse de Robin Renucci, et le jeu ensorcelant de Judith Daleazzo, Marilyne Fontaine, Julien Leonelli, Thomas Fitterer. Plusieurs personnes ont quitté la salle en cours de spectacle, sans doute parce qu'ils avaient sous estimé leur capacité à apprécier un texte du 17eme. Mais je serai toujours agréablement surpris par la persistance du succès de Racine à travers les siècles. Il est vraiment notre Shakespeare national, avec une densité de langue et de folie amoureuse proprement stupéfiante.

mercredi 10 août 2022

A quoi bon ?

Jean-Benoît Patricot est un cousin très éloigné. Après avoir écrit quelques romans, il s'est lancé dans le théâtre et je m'étais juré depuis longtemps d'aller voir sa pièce à succès "Darius", sans savoir quel était son sujet. Quelle surprise de découvrir qu'elle parlait de handicap ! Je n'aurais sans doute pas écrit "La Viveuse" si je l'avais su. Hasard des inspirations ? Improbable inconscient familial, même à des distances considérables ?

Au festival d'Avignon j'ai choisi d'aller voir son autre pièce à l'affiche, "L'aquoiboniste". Son titre, que j'aime beaucoup, semblait annoncer un personnage à la Oblomov, mais elle traite plutôt de deuil, de déni, d'amour absolu. L'écriture très dense sert une prestation physique, impeccable de justesse, de Betrand Skol. Une expérience intense, qui peut rappeler encore une fois le thème du corps empêché (un homme vit toujours alors que tout le monde le croit mort), mais libère en fait des énergies insoupçonnées.

mardi 9 août 2022

Comédie culottée

Pour ma toute première comédie musicale, découverte du Festival Off d'Avignon au théâtre La Luna, c’est assez cocasse que je tombe sur le thème des maisons closes avec "Belles de nuit", écrit et mis en scène par Jonathan Kerr. Ayant travaillé le thème de la prostitution pour l’écriture de "La Viveuse", je sais combien certaines lois prétendant défendre les femmes en luttant contre la prostitution se révèlent en fait des armes contre les prostituées elles-mêmes. Sous leur prétendue moralité, elles cachent mal un certain ressentiment bourgeois. C’est sans doute le cas de la loi Marthe Robert, dénoncée par cette pièce pour avoir jeté sur les trottoirs un nombre important de prostituées en ordonnant la fermeture des maisons closes, au lendemain de la IIème Guerre mondiale. Quoi qu’il en soit, il est assez culotté d’en faire un sujet de comédie musicale, le tout très enlevé, très rythmé, intelligemment mené, avec des acteurs parfaits (dont Alyzée Lalande) pour jouer les souteneurs ou les cocottes – au point, entendrai-je dans les rangs de certains spectateurs, de susciter une étrange ambiguïté : « on se sent un peu voyeur à regarder ces actrices-là… »